débarouler v.
1. Emploi tr. 〈Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Forez, Isère, Drôme, Provence, Languedoc, Ardèche
(nord), Haute-Loire (Velay)〉 fam. "tomber en roulant, dévaler, descendre précipitamment". Stand. fam. dégringoler.
1. Une poussée… un faux pas… et me voilà débaroulant les degrés pour arriver en bas tête la première […]. (M. Bailly, Le Piosou, 1980, 53.)
2. […] le con de setter irlandais qui débaroule l’escandrin [= escalier] en jappant de joie. (San-Antonio, Bouge ton pied que je voie la mer, 1982, 32.)
3. Je débaroule les marches trois par trois en prenant appui sur la rampe. (A. Begag, Le Gone du Chaâba, 1986, 169.)
2. Emploi intr. 〈Saône-et-Loire, Ardennes, Jura (Morez), Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Loire, Isère,
Drôme, Ardèche (Annonay, Privas), Haute-Loire (Velay)〉 fam.
2.1. "tomber en roulant ; dévaler". Stand. fam. dégringoler. – Débarouler par terre.
— [sujet animé] Débarouler dans l’escalier (M.-J. Faure-Bouteille, Le Pépé au grenier, 1985, 78).
4. – […] si tu fais pas comme j’ te dis, tu vas voir qu’ tout par un coup* tu vas débarouler en bas et tu viendras pas te plaindre… (D. Poncet, Les Pentes fabuleuses, 1999, 44.)
V. encore s.v. flape, ex. 3.
— [sujet inanimé]
5. – […] M. Pisperille se lève et le temps qu’il se lève, bing ! bong ! deux, trois,
quatre, cinq crânes [jetés par un fossoyeur] débaroulent la pente et lui passent sous le nez comme les autres. (N. Ciravégna, Le Pavé d’amour, 1978 [1975], 44-45.)
6. Il [un vendeur de fruits agressé] est tombé au ralenti, comme au cinoche, en travers
de son étal de fortune. Les mangues ont débaroulé aux quatre bouts du couloir [du métro]. (J.-N. Degaudenzi, Lamentable épopée, 1990, 94.)
□ En emploi autonymique.
7. Pour ma part, je crois qu’il m’a fallu atteindre la soixantaine pour admettre que
« débarouler » (au long d’un escalier ou d’une pente) n’était pas français. (Ch. Exbrayat, Des parfums regrettés, 2000, 45.)
2.2. "se montrer brusquement, arriver inopinément et brusquement". Stand. surgir, fam. débouler. – Il a débaroulé à la maison juste comme on allait partir (DucMure 1990).
8. […] un samedi après-midi, une touffe de poils roux [un écureuil] débaroula soudain sur la fenêtre. (A. Burtin et al., Petites Histoires en franc-parler. C’est pas Dieu poss !, 1988, 22.)
9. – […] Le sous-dic [le sous-directeur de la banque] était là, assis devant la télé.
Dès qu’il m’a vu débarouler, il a plongé à plat ventre et s’est mis les mains sur la tête comme si le plafond
allait lui tomber dessus. (Cl. Lucas, Suerte, 1998 [1995], 279.)
10. Indigné également par les « prouesses » des utilisateurs de rollers et autres types de patins qui font fureur ces temps-ci,
Jean [un lecteur de Lyon qui écrit au journal] s’émeut des dangers qu’ils font courir,
notamment aux personnes âgées, aux enfants, aux handicapés, aux piétons en général,
en « débaroulant comme des dingues pour épater leurs copains » et il réclame ni plus ni moins leur « parquage » obligatoire dans des aires réservées à leurs exploits (G. G.-M., « Pitié pour les piétons », Le Progrès, 29 janvier 1997, 12.)
— Dans la constr. débarouler de (quelque part).
11. Le lendemain, toute la famille débaroulait de Grand-Croix, Lorette, Sainte-Croix et Pavezin, sur les « coup de 1 heure ». (F. Pichon, « Au temps des joutes… », Mémoire des pays du Gier 7, 1996, 37.)
12. De la voiture, une vieille BMW en lambeaux, débaroula une sorte de caricature de délinquant, un jeune énervé venu des banlieues lointaines,
lorgnant toutes choses d’un œil noir […]. (R. Belletto, Ville de la peur, 1997, 89.)
— Au fig. ("synon. de stand. déferler").
13. Tout le monde se sauvait […]. Venant du nord, les premiers fuyards sont arrivés dans
nos régions début juin, en racontant des horreurs. C’était la débâcle, une grande
vague débaroulant sur la France. Où couraient-ils tous ces pauvres gens ? (M. Chaix, Juliette, chemin des cerisiers, 1986 [1985], 112.)
■ variantes.
1. 〈Drôme, Hautes-Alpes (Gap), Provence (spor.), Ardèche, Velay〉 débaruler. « Il a débarulé le chemin cul par-dessus tête » (MédélicePrivas 1981).
2. 〈Alpes-de-Haute-Provence〉 débaroler. « […] on voyait débaroler des ventres de brume que la nuit vomissait […] » (P. Magnan, Les Secrets de Laviolette, 1993 [1991], 32).
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1890 à Lyon (PuitspeluPatLyon débarrouler s.v. barroulo et debarroulo), ce verbe est caractéristique d’une aire qui, à partir de Lyon, son point géométrique,
s’étend au Nord jusqu’au Jura et au Sud jusqu’en Languedoc ; en dehors de cette aire,
on le relève dans les Ardennes (Tamine) et chez quelques auteurs : Aragon (1967 en
emploi pronominal, dans Rob 1985) et E. Rossignol, Une enfance en Alsace, 1907-1918, 1990, 123 : « Si certains [enfants jouant à la petite guerre] s’effondraient instantanément raides
morts, d’autres, plus nombreux, “débaroulaient” des talus dans le fossé, gravement atteints »). Il a été récemment pris en compte par la lexicographie générale (Rob 1985 « régional », avec un exemple de Frison-Roche, 1941). Le mot est dérivé sur barouler, peut-être sous l’influence de fr. dégringoler, descendre.
◇◇ bibliographie. PuitspeluPatLyon ; PuitspeluLyon 1894 ; FertiaultVerdChal 1896 ; Mâcon 1903-1926 ;
VachetLyon 1907 ; BaronRiveGier 1939 ; ParizotJarez [1930-40] ; EscoffStéph 1972,
66 ; JamotChaponost 1975, 60 ; RLiR 42 (1978), 168 ; ManteIseron 1980 ; ArmanetVienne
1984 ; GononPoncins 1984 « [mot] cru français » ; MeunierForez 1984 ; GermiLucciGap 1985 ; DuraffHJura 1986 « très usuel » ; MartinPellMeyrieu 1987 ; MartinPilat 1989 ; MaurelFirminy 1989 ; DucMure 1990 ;
BessatGerMtBl 1991 « se dit souvent d’une avalanche, d’un torrent en crue » ; CampsLanguedOr 1991 ; TamineArdennes 1992 dèbarouler ; VurpasMichelBeauj 1992 ; BlancVilleneuveM 1993 ; FréchetMartVelay 1993 ; VurpasLyonnais
1993 ; QuesnelPuy 1994 ; FréchetAnnonay 1995 ; LaloyIsère 1995 ; RobezMorez 1995 ;
SalmonLyon 1995 ; GermiChampsaur 1996 s.v. baruler ; FréchetDrôme 1997 ; ValMontceau 1997 ; FréchetMartAin 1998 ; PlaineEpGaga 1998 « très fréquent » ; FEW 10, 505a, rotella.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ain, Hautes-Alpes, Ardèche, Drôme, Isère, Haute-Loire (Velay),
Savoie, Haute-Savoie, 100 % ; Vaucluse, 65 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Var, 50 % ;
Loire, 80 % ; Alpes-Maritimes, 5 % ; Bouches-du-Rhône, 0 %.
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