flape, flapi, ‑ie adj.
I. flape 〈Surtout Ain, Rhône, Loire, Isère〉 vieillissant
1. [En parlant d'un inanimé concret, en part. d'un végétal] "mou, flasque, flétri". Après le gel de cette nuit, les deux courges que j'avais laissées dans le jardin sont
flapes : elles sont immangeables (TuaillonVourey 1983). Je m'en suis vu pour éplucher les blettes, elles étaient toutes flapes (VurpasMichelBeauj 1992 ; VurpasLyonnais 1993). Il fait trop chaud, les salades sont toutes flapes (FréchetMartAin 1998).
2. [En parlant d'une personne ou d'une partie du corps] "mou, flasque". Avec des chaleurs pareilles, on est flape (MartinPilat 1989). J'ai les jambes flapes (DucMure 1990).
1. Vous me dites qu'il était à plat de lit [= alité] depuis une semaine ? Pasqu'il était
tout flappe [sic] et qu'y tenait plus sus ses fumerons [= jambes] ? Et ben, je vous dis que c'est
mauvais signe […]. (A. Burtin et al., Petites Histoires en franc-parler. C'est pas Dieu poss !, 1988, 52.)
II. flapi 〈Surtout Ain, Isère, Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence〉 [En parlant d'un inanimé concret] "mou, flasque". Mon ballon doit être crevé, il est tout flapi (GermiLucciGap 1985 ; GermiChampsaur 1996).
2. […] le chapeau aussi flapi qu'un aïoli exposé au courant d'air. (P. Magnan, Les Courriers de la mort, 1986, 195.)
3. […] à le voir […] on comprenait mal qu'il ne soit pas mort : l'été d'avant, il avait
débaroulé* du haut de sa grange à foin, tête la première, sur le ciment, ça lui avait aplati
tout le dessus du crâne qui semblait […] un ballon flapi et couvert de bouse sèche. (D. Poncet, Les Pentes fabuleuses, 1999, 199.)
— Dans une comparaison. Le rat [crevé] est flapi comme un sachet vide, une baudruche crevée (D. Poncet, Les Pentes fabuleuses, 1999, 77.)
— [En part. en parlant d'un végétal] "flétri". Bouquet flapi (MartinPellMeyrieu 1987) ; salades flapies (DucMure 1990) ; rose flapie (BlancVilleneuveM 1993).
◆◆ commentaire. Les adjectifs décrits ci-dessus appartiennent à une famille lexicale caractéristique,
à l'origine, du francoprovençal et dont le sens nucléaire est "flétrir" (FEW 3, 399-400 ; le verbe de base flapir "id." est attesté en français dans PuispeluLyon 1894)a. L'adj. déverbal flape (I) est passé dans le français d'une petite aire centrée autour de Lyon, où il est documenté
dep. 1865 (« Ma bourse est […] flappe comme une blague vide » Journal de Guignol, dans SalmonLyon 1995) et se trouve généralement aujourd'hui en voie de vieillissement.
Au contraire, le participe passé faible flapi employé adjectivalement au sens de "fatigué", lui aussi originaire de la zone lyonnaise où il est attesté dep. Mâcon 1903 – mais pratiquement non représenté au plan dialectal (cf. FEW 3, 400a) si bien qu'il doit être considéré comme une innovation française –, a rapidement gagné le français populaire parisien et général (dep. Bauche 1920 ;
SainéanParis 1920 ; Pierreh)b, peut-être à l'occasion de la Grande Guerre ; admis dans la lexicographie référentielle
à partir d'Ac 1932 et devenu standard dans le style familier, il demeure considéré
comme régionalement marqué par les glossairistes de l'entre-deux-guerres (dans la
Saône-et-Loire et la Loire : LarocheMontceau 1924 ; Mâcon 1926 ; PrajouxRoanne 1934 ;
BaronRiveGier 1939, 19 flappi)c. Mais, dans son application à des inanimés (II), c'est-à-dire dans son emploi de base, le mot est resté confiné dans sa zone d'origine
où il est limité à une partie du Dauphiné, au Champsaur et aux Alpes-de-Haute-Provence.
I et II sont absents des dictionnaires généraux contemporains.
a Les attestations de moyen français (CentNouv flapir et Martin Lefranc flapi, dans Gdf ; Th. De Bèze flappi dans Huguet) ne semblent pas avoir connu de suite.
b La datation fin 19e s., avancée par Dauzat 1938 (> DDM, Gebhardt RLiR 38, 194, Rob 1985, PR) ne vaut
pas : il s'agit du mot patois.
c Encore ManteIseron 1980 (MartinVosges 1993 et MartinLorr 1995 témoignent d'une confusion
entre paramètres diatopique et diastratique/diaphasique). – Les résultats de l'enquête
DRF en Provence montrent que flapi a pénétré le français de cette région de manière inégale : Hautes-Alpes, 100 % ;
Bouches-du-Rhône, Var, 80 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 65 % ; Vaucluse, 50 % ; Alpes-Maritimes,
30 %. Par ailleurs, le fait qu'il soit entièrement inconnu dans le français du Québec
(au témoignage d'A. Thibault) confirme son caractère à la fois tardif et “oriental”.
◇◇ bibliographie. (I.) PuitspeluLyon 1894 ; CarrezHJura 1901 ; CarrezHJura 1906 flappe ; DuraffVaux 1941, § 155 flappe "flétri, fané ; mou" (Ø ChambonÉtudes 1999) ; Gebhardt RLiR 38, 1974, 194 ; GrandMignovillard 1977 ; RLiR 42
(1978), 172 (Lyon, Savoie) ; TuaillonVourey 1983 ; MartinPilat 1989 « bien connu à partir de 60 ans, en déclin au-dessous […] peu vivant chez les femmes » ; VurpasMichelBeauj 1992 « usuel au-dessus de 20 ans, disparaît au-dessous » dans le Beaujolais viticole, et « usuel au-dessus de 60 ans, en déclin rapide au-dessous » dans le Haut-Beaujolais ; BlancVilleneuveM 1993 ; VurpasLyonnais 1993 « attesté » ; SalmonLyon 1995 ; FréchetMartAin 1998 « usuel à partir de 20 ans, connu au-dessous ». – (II.) SainéanParis 1920, 308 « terme lyonnais devenu populaire » ; Gebhardt HommageGardette, 194 ; GermiLucciGap 1985 « usuel » ; MartinPellMeyrieu 1987 ; DucMure 1990 ; BlancVilleneuveM 1993 ; GermiChampsaur
1996 ; FEW 3, 399-400, faluppa.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (flape) Ain, 100 % ; Ardèche, Drôme, 30 % ; Isère, Loire, 20 % ; Haute-Loire, Rhône, 0 %.
EnqCompl. 1999. : Taux de reconnaissance : (flapi) Alpes-de-Haute-Provence, 75 %.
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