déquiller v. tr.
1. 〈Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Lot, Aveyron, Haute-Loire
(Velay), Puy-de-Dôme, Corrèze〉 usuel "faire tomber par terre". Stand. abattre, fam. descendre. Anton. région. quiller*. – À chaque coup, j’ai déquillé une pipe (au stand de tir) (NouvelAveyr 1978). Avec une tronçonneuse, tu déquilles un arbre en un rien de temps (PotteAuvThiers 1993). J’ai réussi à déquiller mon ballon à coup[s] de pierres (GermiChampsaur 1996).
1. « Il vous fallait voir le général ! dit Castel. Il était furieux ! On l’engueulait.
Un trognon lui a déquillé le képi ! Il a fait croiser les baïonnettes ! » (L. Massé, Le Vin pur, 1985 [1944], 238.)
2. – […] vous êtes des cibles. Ils vont vous déquiller comme au champ de tir. (J.-P. Chabrol, La Folie des miens, 1977, 61.)
3. Avec une balle en caoutchouc[,] il fallait faire tomber […] des bouteilles disposées
sur un mur. Pour trois bouteilles « déquillées » en une fois, une bouteille de vin gratuite… (Chr. Dardé, Moi, Justine, enfant de l’Assistance Publique, 1992, 114.)
4. Des stands s’organisaient le long des murs ou, par temps de pluie, sous le préau.
On jouait à déquiller un morceau de bois travaillé au couteau pour gagner ces petites merveilles qu’étaient
les billes multicolores […]. (M. Peyramaure, Un monde à sauver, 1996, 57.)
5. Bornes à terre [titre] / Deux bornes ont été « déquillées » ce week-end sur la route à hauteur de Saint-Jo [près de Limoux]. / Attention aux automobilistes imprudents. (Midi libre, éd. Carcassonne, 19 août 1997, 8.)
■ variantes. 〈Doubs, Jura, Haute-Savoie, Savoie〉 déguiller v.
1. Emploi intr. "tomber". La gamine a déguillé du sapin sur lequel elle était montée (RobezMorez 1995).
2. Emploi tr. "faire tomber". Attesté dep. 1833 dans le français de Suisse (v. DSR), 1859 dans le Doubs (Monnier),
cette forme est caractéristique dans le français de France d’une aire compacte qui
va du Doubs à la Savoie. – ConstDésSav 1902 (1 et 2) ; CarrezHJura 1906 ; CollinetPontarlier
1925 (1 et 2) ; ZumthorGingolph 1962, 247 ; DuraffHJura 1986 ; GuichSavoy 1986 ; TrouttetHDoubs
1991 ; RobezMorez 1995 (1 et 2) « courant dans le Haut-Jura » ; DSR 1997 (avec bibliographie).
2. 〈Provence〉 peu usuel Par restr. "tuer". Stand. abattre, fam. descendre.
5. Compliqué d’apprendre le maniement pourtant simple de la kalachnikov à des ingénieurs
habitués au monde torturé de la finance internationale. […] Tu tires et tu déquilles, et si tu rates […], c’est toi qu’on déquille. (Ph. Carrese, Pet de mouche et la princesse du désert, 1997, 250.)
6. […] je ne pouvais m’empêcher de comparer ma condition de fils de la terre avec celle
d’autres camarades qui profitaient des vacances de Pâques et qui s’en donnaient à
cœur joie pour jouer au ballon ou pour déquiller les moineaux avec la carabine à plomb, jouet du moment. (G. Ginoux, Gens de la campagne au Mas des Pialons, 1997, 26.)
7. – Vous lui avez cassé deux côtes.
– Qu’il s’estime heureux qu’on ne l’ait pas déquillé. (Ph. Carrese, Tue-les, à chaque fois, 1999, 88.) 3. 〈Puy-de-Dôme (Thiers)〉 fam. Au fig. "chasser d’une fonction". Stand. blackbouler, (fam.) dégommer, destituer.
8. Eux aussi proclamaient leur volonté de déquiller ce calotin de Chatillon et d’élire à sa place un maire favorable aux petits. (J. Anglade,
Le Voleur de coloquintes, 1972, 217.)
◆◆ commentaire. Absent des dictionnaires généraux contemporains, frm. déquiller est attesté dep. le 17e s. (A. d’Aubigné tr. "discréditer", v. Littré ; 1649 intr. "être destitué" et tr. "discréditer" v. Nisard, FEW) et accueilli par Ac 1694 comme terme du jeu de quilles (cf. aussi
Lar 1907-1961 "renverser une quille"). Les sens retenus ici, qui sont les mieux représentés mais ne sont pas limitatifs,
prolongent aussi bien le sens de base que les sens métaphoriques. Si cet archaïsme
est particulièrement en usage dans le quart sud-est de la France, il ne semble pas
s’y cantonner : plusieurs exemples du cédérom Le Monde 1987-1998 (dans lesquels le mot est parfois entre guillemets) illustrent les différents sens
dégagés ici, sous des plumes diverses. 1. FaureYssingelais 1973 ; NouvelAveyr 1978 ; TuaillonRézRégion 1983 (Hautes-Alpes) ;
BlanchetProv 1991 ; LangloisSète 1991 ; PotteAuvThiers 1993 ; CovèsSète 1995 ; GermiChampsaur
1996 ; MazodierAlès 1996 ; DSR 1997. Au sens 2, le verbe est attesté dans l’argot parisien dès la fin du 19e s. (« Ah, l’Hiver ! quel grand mangeur de pauvre monde ; ce qu’il a tôt fait de déquiller
les prolos, c’est rien de le dire ! » Almanach du Père Peinard 1894, dans DDL 44 ; France 1910, avec un autre exemple de la même source) mais ne
s’y est guère répandu que dans la seconde moitié du 20e s. (absent de EsnaultArg 1965 et de CaradecArgot 1977-1998 ; CellardRey 1980-1991,
ex. de Boudard (1975) ; ColinArgot 1990, sans ex. ; plusieurs ex. dans la base Marge, dep. L. Malet 1958, et 4 dans Frantext, de J.-P. Chabrol 1977 et de J.-L. Degaudenzi 1987) ; CovèsSète 1995. Au sens 3, DuPineauR [1746-48] "sortir [qqn] de sa place" ; VerrOnillAnjou 1908 ; MussetAunSaint 1931 ; FEW 16, 306b, kegil.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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