quiller v.
〈Surtout Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Aude, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne,
Lot, Aveyron, Lozère, Cantal, Puy-de-Dôme, Corrèze, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers,
Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 fam.
1. Emploi tr.
1.1. peu usuel "mettre, remettre droit ou debout". Stand. dresser, redresser. Anton. déquiller*.
1. Ça prit la vieille Carème tout d’un coup… Elle tomba, blanche comme la farine, de
[sic] cul sur une chaise, en pressant ses mains sur son cœur et pompant l’air avec sa
bouche comme font les carpes sur l’herbe d’un pré. […] / « Le cœur, pardine, cette putain de pendule a dû flancher ! s’affola Lunau, blème [sic] d’émotion en la quillant droit dans ses bras robustes : Hé, Carème, nous fais pas de couillonnade*, reviens un peu, merde ! » (R. Blanc, Clément, Noisette et autres Gascons, 1984, 71.)
— En part. quiller les oreilles loc. verb. "dresser les oreilles". Le chien quille les oreilles (SéguyToulouse 1950).
1.2. "placer en hauteur". Stand. jucher. – Je n’arrive pas à atteindre ce carton, il est allé le quiller trop haut (CouCévennes 1992).
2. C’était une tranchée profonde[,] mal signalée la nuit. J’ai pris la précaution de
quiller le fanal allumé de l’autre côté de la tranchée, sur le tas du remblai. (P. Magnan,
Les Secrets de Laviolette, 1993 [1992], 68.)
2. Emploi intr. ou pron. réfl.
2.1. "monter, se jucher ; se mettre debout".
3. Si je te revois un jour te quiller sur la grille je t’allonge deux pastissons* à te donner le tournis pendant une semaine. Si tu glisses là-dessus, tu risques de
t’embrocher […] ! (É. Boissin, Le Minot, 1988, 14.)
4. […] je me suis quillée sur une chaise pour plonger mon doigt dans le pot de ce que tu sais et j’ai goûté.
J’aurais dû lui faire confiance à cette confiture des oranges de la mer, car elle
était aussi sucrée que je l’avais souhaité. (G. J. Arnaud, Les Oranges de la mer, 1990, 176.)
2.2. 〈Hérault, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron〉 pop. "être en érection". C’est pas celle-là qui me fera quiller (NouvelAveyr 1978). Stand. vulg. bander.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
5. Entre garçons nous nous mesurions la quiquette* […]. Les filles parfois nous montraient leur beignet […]. Ça nous faisait quiller, […] bander en français toulousain d’aujourd’hui. (Y. Rouquette, « Histoires de parler », dans Toulouse, 1991, 141.)
3. Au part. passé/adj. "juché, perché, dressé". « Quillé » sur son tracteur (L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 232). Regarde le merle, il est quillé sur la cheminée (CouCévennes 1992).
6. Le premier appartement, il était quillé en haut du Grand Pavois, au dix-septième étage, sur l’avenue du Prado. Le deuxième,
sur la colline de Notre-Dame-de-la-Garde […]. Et le troisième, en haut de la Canebière.
(N. Ciravégna, Chichois de la rue des Mauvestis, 1979, 68.)
7. Elle suivait, tant bien que mal, toute menue sous son chapeau quillé haut sur un chignon blanc piqué d’épingles noires […]. (R.-A. Rey, Griotte, 1979, 121.)
8. Mal quillé, mi-nord, mi-sud, […] le village du Revest-des-Dames vivait dans l’expectative […].
(P. Magnan, Le Tombeau d’Hélios, 1985 [1980], 82.)
9. La garbure* béarnaise, épaisse dans sa soupière où la louche doit tenir « quillée » (droite). (L’Express, 13 juillet 1984, 37.)
10. […] deux hommes quillés sur le piton rocheux d’où l’on a une vue plongeante sur les bords de la Ramalièro,
semblent épier quelqu’un. (L. Pujol, Le Temps des fleurs, 1989, 44.)
11. […] le cimetière quillé en bordure du plateau, comme s’ils avaient voulu que les morts continuent à regarder
la ville. (R. Merle, Treize reste raide, 1997, 7.)
□ Avec un commentaire métalinguistique.
12. Au-dessus du Martinet, tout à fait quillé (comme nous disons) sur les abrupts du ruisseau d’Arles, le hameau des Seilhols […].
(J.-Cl. Carrière, Le Vin bourru, 2000, 19.)
■ variantes. 〈Pyrénées-Orientales〉 quitller (avec prononciation palatale de ll) (CampsRoussillon 1991).
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1802 dans le français de Montpellier (Villa), ce régionalisme est particulièrement
bien implanté aujourd’hui dans une vaste aire méridionale (cf. « On a dit autrefois, se quiller, pour dire, se planter, se tenir debout comme une quille » TrévSuppl 1752, dans RLiR 40, 458 > DDL 13) où le correspondant occ. (se) quilhar est bien documenté (FEW) dep. 1723 (PellasAix)a. On observe cependant qu’aucun représentant de la famille de quille n’est attesté dans le sud de la France avant le 17e siècle (1605 VeÿStEtienne, d’après FEW) : occ. quilha se dénonce donc comme un emprunt assez récent au français (où quille est attesté dep. 1288, TL repris par TLF). Dans ce contexte, il est probable que
le verbe dérivé est une innovation méridionale plutôt française que proprement occitane.
Absent de GLLF, NPR 1993-2000 et Lar 2000, se quiller est accueilli dans Rob 1985 (« vx » "se tenir debout comme une quille" ; « mod. semble peu usité à Paris et dans la région parisienne, assez fréquent dans les
autres régions de France » "se placer dans un endroit sûr, abrité, d’où on ne peut être délogé que difficilement") ; TLF (« pop., région. (sud de la Loire) » "se mettre debout, se redresser" « vieilli », ex. de Cladel, et "se percher, se nicher, se jucher", ex. de Pourrat 1922 et N. Ciravégna 1979, ici ex. 6).
a Plus anciennement, selon SéguyToulouse 1950, au sens de "futtuere" [sic] (dep. 1578 à Toulouse).
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 quillé "debout, planté, perché" ; PomierHLoire 1835 quillé comme un cierge ; PépinGasc 1895 ; BrunMars 1931 ; SéguyToulouse 1950 ; MazaleyratMillevaches 1959,
155-156 gerbes « quillées » ; MoussarieAurillac 1965 ; NouvelAveyr 1978 « courant » ; OlivierMauriacois 1981 ; TuaillonRézRégion 1983 (Hautes-Alpes) ; SallesLBéarn 1986
quillé ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; BoisgontierAquit 1991 ; CampsLanguedOr 1991
« partout » ; LangloisSète 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; CouCévennes 1992 ; CovèsSète 1995 ;
GermiChampsaur 1996 ; MazodierAlès 1996 ; ArmKasMars 1998 ; ChambonÉtudes 1999, 135
(Pourrat, Gaspard des montagnes) ; MoreuxRToulouse 2000 « connu de la majorité des plus de 40 ans, ainsi que de certains jeunes » SuireBordeaux 2000 ; ; FEW 16, 306a, kegil.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Gers, Hérault, Lot, Lozère, Pyrénées-Atlantiques,
Hautes-Pyrénées, Tarn, Tarn-et-Garonne, 100 % ; Aude, 90 % ; Gard, 80 % ; Bouches-du-Rhône,
60 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Gironde, Var, Vaucluse, 50 % ; Lot-et-Garonne,
40 % ; Landes, 30 % ; Alpes-Maritimes, 20 %. (2.1) Corrèze, 90 % ; Dordogne, 50 % ; Haute-Vienne, 15 % ; Creuse, 0 %. (2.2) Lot, 100 % ; Tarn-et-Garonne, 65 % ; Haute-Garonne, 50 % ; Tarn, 25 % ; Ariège,
Aveyron, 0 %.
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