doucette n. f.
〈Surtout Normandie, Allier, Bourgogne, Champagne, Ardennes, Lorraine, Jura (Morez), Ain, Rhône,
Loire, Isère, Drôme, Hautes-Alpes (centre), Provence, Gard, Hérault, Pyrénées-Orientales,
Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron, Ardèche, Auvergne, Limousin,
Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 usuel "plante herbacée annuelle (Valerianella olitoria), dont les feuilles se mangent en salade". Stand. mâche, botan. valérianelle. – De la doucette sauvage (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 104). Une salade de doucette aux œufs durs (RobezMorez 1995). Nettoyer la doucette (J.-P. Chabrol, La Banquise, 1999 [1998], 155).
1. On cueillait la doucette à l’orée des jardins, le cresson et le céleri dans les rouilles des sources vives,
la chicorée sauvage dans les prés vitriolés par les premiers froids. (L. Massé, Les Grégoire, t.1, 1943, 253.)
2. Sur certaines tombes fraîches, de la doucette avait poussé […]. (J. Anglade, Une pomme oubliée, 1969, 33.)
3. Notre couteau était utile aussi pour couper la doucette que nous découvrions au printemps alors que nous étions à la recherche d’herbe à
lapins. (M.-J. Faure-Bouteille, Le Pépé au grenier, 1985, 70.)
4. […] la « doucette » qui accompagnait toujours les pommes de terre « à l’étouffée », au souper*. (J.-L. Clade, La Vie des paysans francs-comtois dans les années 50, 1988, 61.)
5. – […] Tu aurais vite fait de ramasser un panier de doucette [en note : mâche]. Et avec quelques lardons, nous nous régalerions ! (Cl. Fourneyron, Quel temps faisait-il en Auvergne ?, 1991, 142.)
6. Les choux de Bruxelles et les poireaux passeront l’hiver avec la « doucette » (mâche) semée à la hâte entre deux travaux des champs. (La Mémoire de la terre au Pays du Sânon, 1996, 165.)
7. L’allée centrale est bétonnée. Mais la doucette qui résiste aux gelées est toujours la même et l’oseille qui pointe son nez malgré
le froid n’est pas différente de celle dont elle faisait des soupes au printemps.
(Panazô, La Françoise, 1996, 18.)
— Au pl.
8. Récolter des doucettes, c’est quand même pas compliqué ! Tu bêches ton carré, […] tu sèmes, et tu attends
que ça vienne. Et en hiver, tu es bien content de les trouver pour faire une salade.
(MeunierForez 1984, 89.)
9. […] aller aux doucettes qu’ont poussé dans les éteules ou aux escargots. (A. Aucouturier, Le Dénicheur d’enfance, 1996, 182.)
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
10. Dans les vignes, nous cueillions la mâche sauvage, que nous appelons si joliment « doucette ». (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 128.)
11. Tu vois, mon ami, il fait beau. Mais le baromètre baisse et nous avons bien fait de
semer ce matin trois rayons de ces mâches à petites rosettes qu’on appelle aussi doucettes. (H. Bazin, L’Église verte, 1981, 19.)
□ En emploi autonymique ou métalinguistique.
12. […] doucette recule devant la mâche (que j’ignorais) […]. (Y. Rouquette, « Histoires de parler », Toulouse, 1991, 143.)
13. Parfois encore, il [le régionalisme] offre en face du mot français bien connu, un
choix entre des formes qui seront sélectivement employées en fonction des circonstances
et des interlocuteurs : tel témoin marnais achète toujours sa mâche chez le maraîcher, mais ne mange que de la doucette en famille ou chez les amis. (M. Tamine, Dictionnaire du français régional de Champagne, 1993, 5.)
◆◆ commentaire. Emploi substantivé et par restriction de fr. doucet "assez doux", doucette (dep. Rich 1680, v. TLF) est en usage dans une grande partie de la France : on le
relève principalement en Normandie et dans une très vaste aire à l’est d’une ligne
qui va des Ardennesa à la Gironde. Le FEW, se référant aux glossaires patois de la fin du 19e et du début du 20e siècle et à l’ALF 1615b, relève ce type lexical dans des aires à peu près identiques, toutefois plus étendues :
Normandie, Poitou, Champagne, Meuse, Moselle, Vosges, Bresse, Jura, Alpes-de-Haute-Provence,
Provence, Languedoc, Aveyron, Gascogne, Béarn ; à quoi s’ajoute la présence du type
dans les patois et le français régional de Suisse romande (GPSR 5, 899 ; v. encore
DSR 1997 s.v. rampon rem.), ainsi qu’en Belgique où doucette l’emporte très largement sur mâche, encore que salade de blé, le véritable concurrent de doucette, soit encore plus répandu (comm. de M. Francard).
Les dictionnaires généraux contemporains, à l’exception de Rob 1985 et NPR 1993-2000
(« régional »), donnent doucette sans marque diatopique. Depuis sa prise en compte par la lexicographie du français,
le terme est habituellement défini en référence à mâche : "autre nom de la mâche" (Rich 1680, GLLF, Ac 1990), "sorte de mâche" (Littré), "nom vulgaire de la mâche commune" (Lar 1870 ; TLF), "mâche (salade)" (Rob 1985), "mâche" (Lar 2000), et cette sorte de mise en tutelle de doucette est indicatrice de sa marginalisation, la prépondérance de mâche (dep. Cotgr 1611, v. TLF) étant d’autant plus aisée qu’il unifie une grande variété
de désignations (Rob 1985 mentionne s.v. mâche les synon. « blanchette, boursette, clairette, doucette, oreillette… » ; cf. en 1751 « de la doucette ditte communément de la salade de vigne » Montbéliard, Arch. communales, FF 752, dans Thom TraLiLi 12/1, 152) et c’est mâche qu’on lit sur les étals des marchés et qui figure sur les paquets de graines. Par
ailleurs, l’emploi du mot au pluriel n’est pas mentionné dans les dictionnaires (dep.
1931 dans Pourrat « un panier de pissenlits et de doucettes » Frantext).
a Ainsi Rimbaud, dans Fêtes de la faim, 1872 : « Au seuil du sillon je cueille / La doucette et la violette » (Œuvres complètes, I Poésies, éd. Steve Murphy, Paris, Champion, 794).
b Présence du type dans les atlas linguistiques : ALB 829, type largement dominant ;
ALCB 779, le mot n’a pas été obtenu en patois, mais le commentaire indique : « “mâche” est le terme littéraire [sic] ; “doucette” est un mot du français populaire » ; ALCe 111, CherS. et Allier ; ALFC 499, type dominant ; ALIFO 278, sporadique ;
au pt 46, le terme est donné, au pl., comme employé par « les gens plus chics » ; ALLOc 252, type assez fréquent ; ALLOr 329, HéraultO., Aude ; ALMC 186 Aveyron,
CantalS. ; ALN 353, sporadique dans le Calvados et dans l’Eure.
◇◇ bibliographie. AnonymeHippolyteF ca 1800 ; « Salades : doucette, pissenlit et laitue à l’huile de noix de Cusset » (Extrait du menu du banquet du 18 mars 1893 de l’Union bourbonnaise à Paris, Le Petit Libéral. Journal de Cusset-Vichy, 26 mars 1893, cité dans Les Cahiers bourbonnais, printemps 1993, 122) ; PuitspeluLyon 1894 ; BarbeLouviers 1907 ; VachetLyon 1907 ;
ZéliqzonMetz 1930 ; MussetAunSaint 1931 ; LarGastr 1938 ; DuraffVaux 1941 doucettes pl. (dans la métalangue) ; PierdonPérigord 1971 ; VincenzCombeL 1974, 68, § 5 ; CrouvChampagne
1975 ; GonthiéBordeaux 1979 ; TuaillonVourey 1983 ; GononPoncins 1984 « le mot mâche semble ridicule » ; MeunierForez 1984 ; SuireBordeaux 1988 ; BrasseurNorm 1990 ; BoisgontierAquit 1991 ;
TavBourg 1991 « très vivant en Côte-d’Or […] ; désigne surtout la mâche sauvage » ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; ChaumardMontcaret 1992 ; TamineArdennes 1992 ; VurpasMichelBeauj
1992 « usuel » ; BlancVilleneuveM 1993 ; FréchetMartVelay 1993 « usuel à partir de 20 ans, attesté au-dessous » ; PruilhèreAuv 1993 ; TamineChampagne 1993 ; VurpasLyonnais 1993 « usuel » ; FréchetAnnonay 1995 « globalement usuel » ; LaloyIsère 1995 (au pl. dans l’ex.) ; RobezMorez 1995 ; GermiChampsaur 1996 ; FréchetDrôme
1997 ; ValMontceau 1997 ; MichelRoanne 1998 « usuel » (vedette au sing., mais pl. dans l’ex.) ; ChambonÉtudes 1999, 246 ; LesigneBassignyVôge
1999 ; MoreuxRToulouse 2000 « régionalisme général et inconscient » ; FEW 3, 176a, dulcis.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ain, Ardèche, Ariège, Aveyron, Côte-d’Or, Drôme, Cantal,
Haute-Garonne, Gers, Isère, Landes, Haute-Loire, Nièvre, Puy-de-Dôme, Hautes-Pyrénées,
Rhône, Saône-et-Loire, Tarn, Tarn-et-Garonne, Yonne, 100 % ; Gironde, 90 % ; Loire,
80 % ; Pyrénées-Atlantiques, 50 % ; Lot-et-Garonne, 40 %.
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