glousse n. f.
〈Drôme, Aude, Pyrénées-Orientales, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot,
Aveyron, Ardèche, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes〉 rural "poule qui couve (stand. couveuse) ; poule qui a des petits poussins (stand. mère poule)". Synon. région. clouque*.
1. […] nous nous préparions à mettre la poule couveuse sur les œufs. Cette poule, pour
nous, c’est la « glousse ». Cette glousse allait donc couver pendant trois semaines dans le silence et l’obscurité de la dépense.
(P. Gougaud, L’Œil de la source, 1978, 80.)
2. Mais quand la glousse s’aventure aux confins de l’airial*, sa progéniture court un gros risque, être la proie de l’épervier […]. (G. Laporte-Castède,
Pain de seigle et vin de grives, 1989, 53.)
3. […] un tison [du feu de la Saint-Jean] que je mettrai dans le poulailler, pour que
nous ayons des œufs toute l’année ; un à placer dans le panier de la glousse pour que celle-ci prenne bien soin de sa couvée […]. (L. Pujol, Le Temps des fleurs, 1989, 137.)
4. Chez nous, ma mère tremblait dès que nous nous aventurions, mon frère et moi, auprès
de « glousses », c’est-à-dire les poules qui ont des poussins : méchante naturellement, la poule
devient teigneuse dès qu’elle est chargée de famille. Comme nous aurions aimé les
caresser, pourtant, ces drôles de boules jaunes Mais dès que nous approchions, la
« glousse » ouvrait ses ailes, prête à bondir, capable de nous crever les yeux à coups de bec
et de griffes. (A. Paraillous, Le Chemin des cablacères, 1998, 190.)
5. Il y a des mues à poules en grillage à très fine maille où la glousse était protégée des chiens et des chats, mais chiens et chats eux aussi à l’abri de
son bec féroce qui pouvait leur crever les yeux. (M. Rouanet, Balades des jours ordinaires, 1999, 97.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident. V. ici ex. 1 et 4.
— En appos.
6. Benno et Adrien ont regardé les pandores se garer au milieu du terre-plein, chassant
la poule glousse […]. (J.-B. Pouy, Larchmütz 5632, 1999, 18.)
— Dans une comparaison.
7. Mauriac [village de l’Aveyron] a l’air d’une « glousse » à la recherche de ses petits. L’un après l’autre ils ne reviennent plus. (N. Calmels,
L’Oustal de mon enfance, 1985, 15.)
8. Dans la pénombre du soir, l’église m’apparut comme une glousse au milieu de ses poussins. (N. Calmels, L’Oustal de mon enfance, 1985, 150.)
— Par métaph. "mère qui couve ses enfants". Stand. fam. mère poule. – La voisine ne risque pas de laisser sortir sa fille. C’est une vraie glousse ! (MédélicePrivas 1981).
■ variantes. 〈Champagne, Ardennes, Lorraine, Jura, Loire, Drôme, Haute-Loire (Velay)〉 rural clousse n. f. □ Dans un commentaire métalinguistique incident. « Pendant vingt-et-un jours, les œufs sont sous le ventre de la mère poule (la “clousse”, disions-nous) qui donne toute sa chaleur aux œufs et ne quitte guère son nid » (G. Petitfaux, Les Nonnettes, 1993, 38).
◇◇ MonnierJura 1823 ; SaubinetReims 1845 ; MonnierDoubs 1857 ; Pierreh 1926 ; ParizotJarez [1930-40] ; DornaLyotGaga 1953 ; CrouvChampagne 1975 ; RLiR 42 (1978), 165 (Loire, Ardèche, Haute-Loire, Isère) ; GononPoncins 1984 ; DuraffHJura 1986 ; LanherLitLorr 1990 ; TamineArdennes 1992 ; FréchetMartVelay 1993 ; FréchetDrôme 1997 ; PlaineEpGaga 1998 « presque disparu » ; cf. GermiLucciGap 1985 clusse « terme technique [sic] constant » ; FEW 4, 159b, glocire. ◆◆ commentaire. Non pris en compte par la lexicographie générale, glousse est attesté dep. 1637 dans le français de Toulouse comme second terme du composé
poule-glousse (« clouco, poule-glouce » Doujat, Dictiounari moundi). La ville de Toulouse est le foyer à partir duquel le mot a rayonné dans une aire
compacte du Sud-Ouest, mais il est aussi représenté dans la vallée du Rhône (Drôme
et Privas). Dans l’aire de glousse, on observe, et ce depuis Doujat, une absence complète de correspondance entre le
régionalisme du français et les mots occitans (ou catalans) exprimant les notions
de "poule couveuse ; mère poule" (type clouco) et même celle de "glousser" (comparer les données de FEW 4, 159a-b et 160 a-b) ; ALF 1881 ; ALLOr 604 ; ALLOc 482 ; ALG 1407). Il est donc patent que glousse est une formation française comme déverbal de mfr. et frm. glousser ; la forme à initiale sonore du verbe français étant récente à l’époque de la formation
du dérivé (dep. 1538, glosser, dep. ca 1600, glousser, v. FEW 4, 159a-b), celui-ci ne peut, par conséquent, remonter beaucoup plus haut que sa première attestation.
On n’a pas de raison de suivre SéguyToulouse 1950, 69 qui, tout en signalant la non-correspondance
dont on vient de faire état, écrivait néanmoins que glousse « paraît calquer [occ.] cloca ». On pourra donc considérer le mot comme une innovation du français méridional. Il
convient néanmoins d’observer que le même mécanisme déverbatif a été actif dans le
français de Paris (clousse) et de sa région (Provins glosse) où il s’est appliqué à des formes plus anciennes du verbe (FEW 4, 195b) ; que le type glousse lui-même est représenté dans des parlures et parlers situés au nord-est de Paris
(Romény, Gaye, etc. dans FEW 4, 159b ; ALCB 1027) ; qu’il apparaît encore, très isolé, dans le sud-est de l’Allier (ALF
1881 pt 803 ; ALLy 349* pt 13), d’une part, en Saône-et-Loire (ALB 1177 pt 80), d’autre
part. Il n’est donc pas exclu qu’une forme sub-standard populaire ait servi de modèle
au français du Midi. En tout cas, le sentiment de l’indiscutable francité du mot est
le fondement de la prise de parti paradoxale de DesgrToulouse 1801. Sur une aire plus
large qui recoupe en grande partie celle de glousse, le français régional a eu parallèlement recours à l’occ. clouco > clouque (dep. 1796 ; v. ci-dessus).
◇◇ bibliographie. DesgrToulouse 1801, 103 « L’idiome gascon a fait glousse et clouque, mots très-expressifs, que nous adopterons jusqu’à ce qu’il ait plu à l’Institut de
nous en donner quelqu’autre qui rende mieux notre idée. Ainsi glousse et clouque ne seront point des gasconismes à corriger, avant que cette compagnie savante les
ait proscrits, et mis un autre mot à leur place », repris par AnonymeToulouse 1875 s.v. couveuse « Dans le Midi on appelle glousse […]. Pourquoi l’Académie n’admet-elle pas ce mot, puisqu’elle n’en a aucun pour désigner
cet état de la poule ? » ; LambertBayonne 1928, 297 ; SéguyToulouse 1950 ; ALG 1407* « en français régional : la glousse » ; MédélicePrivas 1981 ; SuireBordeaux 1998 et 2000 s.v. clouque ;CampsRoussillon 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; FréchetDrôme 1997 ; MoreuxRToulouse
2000 « régionalisme inconscient […] inconnu de nos informateurs jeunes » ; FEW 4, 159b, glocire.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ariège, Lot, Tarn-et-Garonne, 100 % ; Tarn, 90 % ; Haute-Garonne,
75 % ; Aveyron, Pyrénées-Orientales, 55 %.
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