gnac n. m., gnaque n. f.
fam. "combativité, esprit de conquête".
1. gnac n. m. 〈Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde.〉
1. Quand il avait suffisamment glosé sur tout cela, ajoutant que Liline [= Apolline],
depuis le jour de sa naissance, montrait autant de caractère (il disait autant de
gnac) que la sainte aux tenailles, Numa revenait à son église […]. (Chr. de Rivoyre, Belle Alliance, 1982, 158.)
2. Pierre L. – Là aussi, il y a eu beaucoup de déception pour ces jeunes qui avaient
un bagage pour quelque chose et qui… ont travaillé… et s’ils n’ont pas eu le « gnac » pour faire autre chose, les uns ont accroché, les autres se sont dégoûtés […]. (Témoignage
d’un Béarnais, dans P. Bourdieu (dir.), La Misère du monde, 1983, 528.)
3. Quand elle avait récupéré, au café du Centre, Martin-Gahus qui jouait au billard en
solitaire […] elle […] était sûre qu’il l’attendait. Presque sûre. C’était le presque qui l’avait incitée à vérifier s’il lui restait encore du gnac, de la capacité à mordre. (M. Perrein, Les Cotonniers de Bassalane, 1984, 14.)
4. […] il avait du gnac, il en voulait. Il se voyait parti pour une grande carrière […]. (S. Loupien, Sexties, 1993, p. 134.)
2. gnaque n. f. 〈Haute-Garonne, Gers, Bouches-du-Rhône.〉
5. […] y’ a de la place pour les nanas [dans un groupe de supporters], mais trop de nanas
ça ramollit les mecs aussi, ça leur lève* la « gnaque ». (Témoignage dans N. Roumestan, Les Supporters de football, 1998, 208.)
6. Sur la pelouse du terrain de Moulonguet, ses aînés n’avaient pas mis longtemps à détecter
la gnaque [en note : l’agressivité pour gagner] dans les jambes et la tête de ce petit « poussin » […]. Plus tard, chez les juniors, Baptiste avait conquis sa place. Les vieux attentifs
aux entraînements l’avaient adoubé. Avec ce seul mot.
– Il est vaillant, ce petit […]. Il a de qui tenir, tout de même. Toute la gnaque du grand-père. (Fr. Pons, Les Troupeaux du diable, 1999, 61-62.) — avoir la gnaque loc. verb. "avoir un esprit combatif, faire preuve de pugnacité". Stand. fam. avoir la pêche.
7. – […] Maurice était un ami…
– Et un type formidable, je sais, tout le monde me dit la même chose. – Parce que c’est vrai !… Je n’ai jamais connu un mec qui avait autant la gnacque [sic], c’était un partenaire en or. (P. Dessaint, Du bruit sous le silence, 1999, 191.) ■ graphie. La diversité des graphies témoigne d’une adaptation récente et encore en cours.
◆◆ commentaire. Le sens de "combativité" (1), usuel dans le français du Sud-Ouest, mais attesté dep. 1979 seulement (v. bibl.),
constitue un développement métaphorique récent basé sur le sens de "morsure", lui aussi connu du français de cette région (BoisgontierAquit 1991)a, ce dernier étant emprunté au gasc. gnac m. "coup de dent" (Palay ; FEW), lui-même déverbal de gnacá "mordre" (« au propre et au fig. » Palay ; FEW). De là, le mot est passé dans l’argot du sport où il est documenté dès
1968 (« avoir du niac, en parlant d’un joueur, d’une équipe, être particulièrement accrocheur » Doillon, février 1976, sans référence)b ; il serait même employé « aujourd’hui largement au-delà des stades » dans la région parisienne (MerleArgot 1996 s.v. gniac f.)c. L’ex. 4 ci-dessus, dû à un auteur né et écrivant en région parisienne, mais dont
les origines appartiennent au Sud-Ouest, permet de voir l’un des canaux par lesquels
s’opère la dérégionalisation. La forme féminine (2), usitée dans des zones proches de celle où 1 a été noté (Gers, Haute-Garonne) et, comme ce dernier, en voie de dérégionalisation
(Bouches-du-Rhône)d, remonte à un déverbal parallèle, non attesté en gascon et qui donc a sûrement pris
naissance dans le français régional à partir du verbe gnaquer « employé parfois en français familier » (BoisgontierAquit 1991).
a Malgré BoisgontierAquit 1991 (« gasc. nhac […] a ces deux acceptions »), le sens figuré du substantif n’est signalé en gascon ni par FEW, ni par Palay,
ni par les sources dialectales que nous avons consultées.
b Cf. les exemples suivants : « Volley-ball / Manque de “gnac” » (Titre, Dernières Nouvelles d’Alsace, 7 février 1996, ST 7) ; « Le caractère est une force, il est l’apanage des gagneurs ; il est ce “gnack” [sic] qui fait tourner les événements en sa faveur » (G. Chappaz, dans Le Monde, 18 février 1997, 21).
c Cf. par ex. cette métaphore : « […] sauvignon 1998, un simple vin de pays “décloisonné”, c’est-à-dire parfaitement équilibré. “Du gnac […]. Tout le panache du cépage sauvage” » (Le Monde, 9 février 2000, 25).
d Cf. les exemples suivants : « Bachir réfléchit sur la “gniak” [sic] du quartier [d’immigrés, à Saint-Étienne], ce mélange d’énergie, de volonté » (Le Monde, 20 janvier 1996, 10) ; « Les Britanniques invoquent le “fighting spirit”. Les Sud-Américains emploient le terme “grinta”. Les Français préfèrent un néologisme mystérieux : la “gnaque”. Les Allemands, eux, parlent de “Kampfgeist” » (Le Monde, 4 juillet 1998, 4) ; « – Nous, on joue fort, on se bat dans les duels, c’est la gnac, c’est notre tempérament […] » (Joueur de football camerounais, dans Le Monde, 25 juin 1998, 7) ; « […] M. Raffarin [président de la région Poitou-Charentes] redit devant les micros
“son indignation devant les calomnies [visant le président de la République]”. Puis il assure en souriant : “Pour l’instant, il s’en est bien sorti. Ce genre de truc lui donne la niaque [sic]” » (Le Monde, 23 septembre 2000, 6).
◇◇ bibliographie. GonthiéBordeaux 1979 avoir du gnac ; DuclouxBordeaux 1980 avoir le niac ; KellerRussoBéarn 1985 ; SallesLBéarn 1986 nhac ; SuireBordeaux 1988 et 2000 avoir du gnac ; BoisgontierAquit 1991 gnac m. "morsure ; mordant" ; BouchardSport 1996 gnac m. ou f. "mordant, pugnacité, volonté de gagner" ; MoreuxRToulouse 2000 gnac m. "coup de dent ; mordant" ; FEW 7, 2b, nak-.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : gnac m. "morsure ; mordant" (les deux sens confondus) Landes, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, 100 % ;
Gironde, 90 % ; Lot-et-Garonne, 20 % ; Gers, 0 %.
|