goûteux, ‑euse adj.
〈Surtout Hautes-Alpes, Provence, Gard, Pyrénées-Orientales〉 usuel "agréable au goût". Stand. savoureux. Synon. région. goûté*, goûtu*.
1. – Fais attention, c'est [= une daube] brûlant.
Du bout des dents, l'homme cueillit le carré de bœuf et se mit à le savourer avec de petits hochements de tête approbateurs. – Voueï, apprécia-t-il, c'est brûlant mais c'est goûteux. (A. Bastiani, Le Pain des jules, 1961, 21.) 2. Pierre Soutin : « Achetez peu de chocolat à la fois, mais souvent ! Bien frais il est plus goûteux et plus digeste » (Elle, 6 décembre 1976, 136).
3. Le cèpe de chêne est plus clair que le cèpe de châtaignier, mais moins parfumé et
moins goûteux. (L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 205.)
4. […] bien tournées dans le jus de daube, que c'est goûteux, le moelleux d'une pomme de terre bouillie. (M. Scipion, Le Clos du roi, 1988, 62.)
◆◆ commentaire. Ce sens n'est pris en charge dans les dictionnaires généraux de France qu'à partir
de 1972 (GLLF) et figure depuis dans Rob 1985, TLF, NPR 1993-2000, Lar 2000. Ces dictionnaires
donnent le mot comme « régional », sans autre précision, sauf TLF « Midi » – indication qui semble contredite par un exemple de J. de La Varende, auteur normand.
Attesté en ce sens dans le français de Montpellier dep. 1802 (« Goûteux, Savoureux, qui a bonne saveur » VillaGasc), goûteux est accueilli dans la lexicographie régionale avec BrunMars 1931 (« Il est goûteux ce gigot ; ces fruits sont très goûteux, se dit pour : qui a une saveur bien accentuée ») et, à l'époque contemporaine, dans plusieurs relevés différentiels, surtout méridionaux.
Bien implanté sur la côte méditerranéenne où son usage est courant (v. enquêtes DRF),
le terme a largement pénétré le français de France (et aussi du Québec) et s'est dérégionalisé
notamment par le biais des chroniqueurs gastronomiques, qui en ont fait ces dernières
décennies une grande consommationa. De là, l'adjectif a été utilisé, avec plus ou moins de bonheur, dans des emplois
figurés et métaphoriques, et les critiques littéraires, ou de télévision et de cinéma,
s'en sont emparés pour qualifier de goûteux des monologues, un parler, un vocabulaire, un livre, des romans, un scénario, un
téléfilm…b
La première attestation du mot invite à considérer goûteux comme un emprunt au provençal goustous (PellasAix 1723 « goustous, apetissant » ; AchardMars 1785), avec adaptation. Les affirmations des dictionnaires qui y voient
un dérivé sur goût (Acad 1996) ou sur goûter (TLF, implicitement, et Rob 1985, NPR 1993-2000) sont à rejeter, sans parler de la
date d'apparition du mot (1910) donnée par ces deux derniers dictionnaires, qui ne
correspond pas à ce sens. Quant au texte de La Varende, où goûteux est présenté en italiques (ce qui n'apparaît pas dans la citation faite par le TLF),
il s'agit d'un emploi ponctuel et, peut-être, dans la langue travaillée qui est celle
de l'auteur, d'une francisation du normand goûtu, de même sens.
a L'adjectif qualifie des viandes : jus de viande, porc, saucisson, veau, poulet, tournedos, faisan, canard, foie de
canard, tartare, os à moelle, joue de bœuf ; des légumes : ail, chou farci, concombre, haricot vert ; des poissons : silure, fumet de poisson, homard, lotte, œufs de saumon ; mais encore les mots
riz, pain, fromages, desserts, fruits, marrons, agrumes, ananas, abricot, et encore le vin ou la bière (tous exemples pris dans le cédérom Le Monde ; la base Frantext n'a que deux occurrences de cet emploi : Degaudenzi, 1987 et Forlani, 1989). Cet
emploi n'a d'ailleurs pas été sans choquer certains, qui ont eu du mal à se faire
à cette nouveauté « […] le goûteux (j'utilise ce mot que n'aime pas un lecteur car il me semble bien exprimer
la chose) des plats » (La Reynière, dans Le Monde, 15 août 1987, 11).
b Cf. le cédérom Le Monde. V. encore ici collègue, ex. 13 Télérama, 25 avril 1998, 72 : « Une goûteuse turquerie », à propos de l'opéra L'Italienne à Alger ; É. Orsenna (« un goûteux spectacle », Frantext).
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 ; BrunMars 1931 ; BouvierMars 1986 ; CampsRoussillon 1991 ; CartonPouletNord
1991 ; LangloisSète 1991 ; MazodierAlès 1996 « admis maintenant en français » ; QuesnelPuy 1996 ; ValMontceau 1997 ; BouisMars 1999 ; aj. à FEW 4, 342a, gustus, où le mot manque.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Hautes-Alpes, 100 % ; Alpes-Maritimes, 90 % ; Var, 80 % ;
Bouches-du-Rhône, 60 % ; Pyrénées-Orientales, 70 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse,
50 %.
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