grignou adj. et n. m.
1. 〈Basse Bretagne〉 fam. adj. "qui se lamente sans cesse ; qui trouve toujours à redire". Stand. rouspéteur ; geignard, pleurnichard. – Çui-ci alors quel grignou ! Il trouve tout à redire (PichavantDouarnenez 1978). Les vers l’ont mis [un enfant] grignou aujourd’hui (ibid.).
2. 〈Basse Bretagne, Vendée (Les Sables d’Olonne)〉 fam. ou pop. n. m. "individu marginal, clochard".
1. Peur de l’autre, peur de la différence. La recrudescence saisonnière de la criminalité
donne lieu à des réflexions de rejet aussi bien des gens du voyage (ces manouches
parés de tous les maux), des immigrés, que des « grignoux »a (La Nouvelle République du Centre-Ouest, 31 juillet 1991, 1.)
a En note : « Grignou, terme chaumois pour désigner les travailleurs du charbon de Blanzy-Ouest, à La Chaume.
Par extension, toute personne pas nette. » On remarquera, ainsi que dans l’ex. 3, le pluriel en ‑x, analogique de la célèbre série bijou, caillou, chou, etc. (cf. tripou).
2. – Vous le connaissiez ?
– Bien sûr […]. Qui ne connaissait pas Tibère ? Un personnage, madame, un type qui aurait pu être un grand peintre s’il avait voulu mais voilà, les copains, la liche*, il avait presque viré grignou. Et comme Mary le regardait d’un air interrogatif, il expliqua : – Clochard, quoi. C’est comme ça qu’on les appelle ici. (J. Failler, Marée blanche, 1996 [1994], 19.) 3. – […] Ce Lucien Le Berre était un pauvre type. […] Il aura été bouzillé [sic] par ses copains de squat pour un litre de rouge ! […] Ces clochards, ces grignoux comme on dit ici, peuvent être pris d’une fureur destructrice. J’en ai vu un une
fois sur lequel ils s’étaient acharnés à quatre, il était lardé de plus de cent coups
de couteau ! (J. Failler, Marée blanche, 1996 [1994], 26-27.)
4. Du coin de l’œil, les clients [d’un bar de Belle-Île, Morbihan] observent les touriss qui passent à bicyclette sur la route du phare ou s’assoient en terrasse.
« Regarde-moi un peu çu-ci avec son pantalon plein de trous. Un vrai “grignou” (clochard) ! – C’est pas un “grignou”. C’est un grunge. – Un quoi ? – Un “grignou” ! » (Noms d’une France, 1996, 68.) □ Dans un énoncé définitoire ordinaire. V. ici ex. 5.
— Comme terme d’adresse.
5. – Salut, grignou de la Cabaude !
– Comment t’ sens-tu la Pallud ? C’est souvent ainsi qu’on s’aborde à Port-des-Dunes. Les grignous sont nos clochards et la Cabaude est le chemin qui mène à la Chume. Nous, les enfants, nous en avons fait notre mot de passe. (I. Favreau, Les Mouettes en rient encore, 1987, 142.) ◆◆ commentaire. Particulièrement bien représenté dans la France septentrionale, notamment à l’Ouest,
et en Belgique (DasnoyNeufchâteau 1856 grigneux ; PohlBelg 1950), ce type lexical est attesté dep. le 1er tiers du 13e siècle à propos d’une personne (BenMDuc, v. DEAF). Il a été emprunté par le breton
(grignous "ergoteur" et grignouz "hargneux" Troude 1876 ; v. FEW 16, 72b, n. 4) et c’est sans doute au breton qu’ont été empruntés à leur tour les sens ci-dessus.
Non pris en compte par les dictionnaires généraux contemporains.
◇◇ bibliographie. LeGonidecBret 1819 "grogneur" ; PicquenardQuimper 1911 "grignoux = celui qui grince ou pleure constamment" ; PichavantDouarnenez 1978-1996 grignou "pleurnicheur, hargneux" ; aj. à FEW 16, 67b, *grînan ; DEAF G 1399.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Finistère, 80 % ; Morbihan 35 % ; Côtes-d’Armor, 30 %.
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