huile n. f.
〈Provence, Languedoc〉 huile d’enfer/de l’enfer/des enfers loc. nom. f. "huile d’olive de la plus basse qualité".
1. La première huile obtenue par pression à froid et filtrée, c’est l’huile vierge, la
meilleure. L’autre, c’est l’huile d’enfer, de moindre qualité. (L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989, 100.)
2. […] on les a vus […] « faire » leurs olives chez Sully et même pleurer pour la bonne mesure, et sans trop d’huile d’enfer. (R. Chabaud, Un si petit village, 1991, 110.)
3. Ma grand-mère apportait en dot quelques hectares de collinettes* pleines de caillasses mais plantées d’oliviers centenaires ; mon pépé, lui, venait
d’hériter d’un vieux moulin à huile. À eux deux, ils allaient tellement bien réussir
leur affaire que même ceux de Nyons et de Saint-Rémy-de-Provence rendirent cet hommage
émouvant à ma grand-mère : ils ne l’appelèrent plus avec un brin de malice la Picholine,
mais la Reine Noire. C’est resté une marque, celle de la première pression de prestige.
Avant d’en arriver là, mes grands-parents en ont vu de toutes les couleurs. Ils ont
même connu le désespoir avec l’huile de l’enfer ! (Fr. Fernandel, L’Escarboucle, ma Provence, 1992, 117.)
V. encore ici ex. 5.
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
4. […] elle [une lampe] était nourrie à l’huile des enfers (l’huile rance qui stagnait au fond des cuves dans les moulins où l’on écrasait les
olives) […]. (P. Magnan, L’Amant du poivre d’âne, 1988, 109.)
5. […] on arrivait encore à récupérer de l’huile, chose qui ne se fait plus. Maintenant,
on la jette. On la pompait quand la saison était finie, mais elle était impropre à
la consommation, elle avait trop stagné dans la saleté, on appelait ça « l’huile d’enfer » […]. Elle n’avait pas tellement bon goût, cette huile, on la vendait aux savonneries
qui utilisaient l’huile d’olive […]. Ici, on vendait l’huile d’enfer à des raffineries,
à Marseille. Maintenant, on la jette […]. (L. Merlo, J.-N. Pelen, Jours de Provence, 1995, 176.)
◆◆ commentaire. Cette lexie (dont le second élément, enfer "réceptacle dans la partie inférieure d’un moulin" est attesté dep. fin 16e s., Bouchet, v. FEW)a est attesté dep. 1767 (v. Littré) ; il est possible, mais non démontré (cf. GebhardtOkzLehngut
1974, 348) qu’elle soit un emprunt à l’occitan. Elle est absente des dictionnaires
généraux contemporains et des relevés régionaux.
a Cf. encore au 20e siècle : « On dort en bas sur des sacs dans la bonne chaleur des enfers d’huile » (J. Giono, Les Grands Chemins, 1951, 90) ; « Sous le moulin, il y avait encore un bassin de décantation […], on appelait ça les
“enfers” » (L. Merlo, J.-N. Pelen, Jours de Provence, 1995, 175).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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