jusque prép. et conj.
I. Prép. jusqu’à tantôt*.
II. Conj. 〈Surtout Nord, Pas-de-Calais, Picardie, Haute Bretagne, Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Centre-Ouest,
Saône-et-Loire, Rhône, Loire (Roanne), Bouches-du-Rhône, Auvergne〉 fam. ou pop. jusqu’à tant de/que, jusqu’à temps de/que loc. conj. "jusqu’à ce que". Au retour de l’école, j’ai appris mes leçons jusqu’à tant de manger (RézeauOuest 1984). Tu n’as qu’à rester là jusqu’à tant que la pluie s’arrête (MichelRoanne 1998).
1. – Vous allez à la messe, le dimanche ?
– Ça dépend… Quand nous avons la sécheresse, moi je n’y vais pas. Jusqu’à tant qu’il pleuve. Le Bon Dieu a besoin qu’on lui fasse comprendre. (M. Pagnol, La Gloire de mon père, 1995 [1957], 67.) 2. Après dîner, j’ai descendu la balançoire et j’ai joué toute seule à la grange jusqu’à tant qu’on m’appelle. (A. Perry-Bouquet, Voilà un baiser, 1984 [1981], 131.)
3. Voilà mon étole – promenez-vous nuit et jour, sans peur – gardez-la, jusqu’à temps que vous en ayez besoin. (Les Contes de Luzel, t. 3, 1996, 205.)
4. La brebis avait à la cuisse un énorme abcès jaunâtre. […] « Appuie bien. Il faut le vider jusqu’à tant de sortir le germe [= bourbillon]. » (J.-P. Demure, Fin de chasse, 1998, 169-170.)
◆◆ commentaire. II. Attestée dep. l’afr. (Chrétien de Troyes, v. FEW), cette locution conjonctive est
désuète en français central à partir du 18e siècle, et la quasi totalité des dictionnaires généraux contemporains la marquent
« classique et littéraire » (GLLF), « vieux ou régional » (Rob 1985), l’absence de marque dans NPR 1993-2000 semblant être due à une distraction ;
indication analogue (« archaïque ou régional ») dans GrevisseGoosse 1993, § 1081 a. Elle est restée usuelle dans plusieurs régions de France, notamment dans le Nord,
l’Ouest (attestée en 1563 dans B. Palissy, Frantext) et en Amérique francophone : Québec (Dunn 1880 ; Clapin 1894 ; Dionne 1909 ; GPFC
1930 ; DQA 1992), Acadie (PoirierAcadG), St-Pierre-et-Miquelon (BrassChauvSPM 1990),
ainsi qu’en Belgique (PohlBelg 1950 ; Hanse 1994) et dans le français des Pieds-Noirs
(MazzellaPiedNoir 1989).
◇◇ bibliographie. MègeClermF 1861 ; JaubertCentre 1864 ; Littré 1867, sans marque ; PuitspeluLyon 1894 ;
BarbeLouviers 1907 ; VerrOnillAnjou 1908 ; StMleuxStMalo 1923 ; ParizotJarez [1930-40]
« vieilli » ; BonnaudAuv 1976 ; RézeauOuest 1984 et 1990 s.v. tant ; BrassChauvSPM 1990 ; VurpasMichelBeauj 1992 « bien connu au-dessus de 20 ans » ; BrasseurNantes 1993 s.v. tant ; Hanse 1994 « dans la langue classique et chez de très rares écrivains modernes. L’expression paraît
aujourd’hui soit affectée, soit dialectalea. La graphie jusqu’à temps que est nettement vieillie » ; SalmonLyon 1995 ; ValMontceau 1997 ; MichelRoanne 1998 ; « usuel dans tout le Nord-Picardie » (comm. de F. Carton) ; FEW 14, 73a-b, usque.
a Elle est sans doute plutôt « fam. » (comm. de M. Francard).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Loire-Atlantique, Haute-Loire, Maine-et-Loire, Puy-de-Dôme,
Sarthe, 100 % ; Cantal, Ille-et-Vilaine, 90 %.
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