lait-ribot ou lait ribot n. m.
〈Bretagne〉 usuel "(traditionnellement) liquide blanc qui reste après la transformation de la crème en
beurre par le barattage (stand. babeurre, lait de beurre) ; (le plus souvent aujourd’hui) boisson fermentée obtenue à partir du lait écrémé".
1. « Pourquoi n’y a-t-il pas de marmite sur votre feu ? demanda-t-elle.
– Je n’ai que faire, dit cette femme, je n’ai que faire de mettre mon lait dans une marmite, et eux aiment surtout la galette* avec le lait ribot […]. » (A. de Tourville, Les Gens de par ici, 1981, 105.) 2. Il rentre dans l’épicerie-café de Marie-Joseph. Elle avalait à grandes lampées une
rôtie* ; c’est son régal, du pain rôti trempé dans du lait ribot. (L. Petiot, La Bretagne rit, 1982, 132.)
3. Les femmes font souvent leur souper* de peu de chose : chocolat au lait, pain-beurre*, châtaignes, crêpes au lait ribot. (H. Pollès, Sophie de Tréguier, 1983, 194.)
4. Vers neuf heures, il commence son repas. Il boit modérément pour faire passer la lourdeur
de la saucisse, en ayant une pensée ironique pour les Gliéziens qui trempent leurs
galettes* de blé noir dans du lait ribot. (J. Le Clerc de La Herverie et B. Aubin, Porkopolis, 1984, 138.)
5. Patatez ha lêz
Hennez eo ragoud ar pôtr kêz Patatez ha kig Hennez eo ragoud an dud pinvidig. (Des pommes de terre et du lait (ribot) C’est le ragoût du malheureux Des pommes de terre et du lard C’est le ragoût des riches). (Y. Le Berre et J. Le Dû, Anthologie des expressions de basse Bretagne, 1985, 163.) 6. Le repas de midi [du vendredi] est, pour tous, à base de crêpes. Dans une écuelle
en grès, de bonne taille, on fait tremper généralement deux crêpes fines et craquantes
dans du lait ribot (le barattage de la veille avait fourni et le beurre et le lait ribot). (É. Chevance, Bribes de mon enfance, 1991, 128.)
7. […] les Transmusicales de Rennes n’ont apparemment pas l’intention de déroger à une
tradition d’aventurisme, d’innovation et de plaisir, maintenant presque aussi ancrée
en Bretagne que celle de la galette* au lait Ribot [sic, avec majuscule]. (Le Monde, 8 octobre 1992, 37.)
8. Le lait ribot est une boisson très désaltérante, que l’on consomme au cours du repas chez soi,
au petit déjeuner, lors des collations ou à l’extérieur dans les crêperies. Il accompagne
les galettes*, les bouillies […]. Le lait ribot est consommé surtout en Bretagne par les Bretons. Ailleurs, son goût particulier
peut le faire apprécier des personnes de culture maghrébine. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Bretagne, 1994, 300.)
9. Mais la galette* était nature. On la mangeait avec du beurre, du lait ribot [en note : lait baratté, il s’agit de la partie laiteuse qui ne se convertit pas en beurre],
des œufs et même des pommes. (Chr. Leray et E. Lorand, Dynamique interculturelle et autoformation. Une Histoire de vie en pays gallo, 1995, 261.)
10. Elle déjeuna rapidement de quatre crêpes et d’un bol de lait ribot, puis elle fit retraite à son hôtel. (J. Failler, La Cité des dogues, 1996, 153.)
11. Une grande maison de granit avec un toit d’ardoises. Des lits profonds et des draps
rêches. Une cuisine où l’on boit, à l’heure du goûter, du lait ribot dans des bols dépareillés. Une famille nombreuse, catholique et désargentée, qui
pêche la crevette pour améliorer l’ordinaire¼ Tel fut longtemps, dans l’imagerie,
ce que l’on désigne aujourd’hui comme l’art de vivre breton. (Le Point n° 1245, 27 juillet 1996, 74.)
12. Or, notre gars n’était pas homme à rester au Pays [sic] pour manger chaque jour que Dieu fait ses pommes de terre avec du lait ribot [en note : babeurre]. (A. Jacq, Légendes de Bretagne, 1997, 25.)
13. Les bonnes gens ne se permettaient pas de demeurer en dette de bontés à leur égard
et quelques galettes*, du pain beurré, du lait ribot, et les jours de fête leur part de gâteau, retournaient aux « bonnes donnes » [= fées]. (A. Jacq, Légendes de Bretagne, 1997, 160.)
■ encyclopédie. « Le lait ribot actuel est un lait fermenté artificiellement, qui pourrait se comparer
à un yaourt léger. Mais, à travers son goût si particulier, les Bretons retrouvent
la saveur des laitages qui distinguèrent pendant longtemps leurs habitudes alimentaires » (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Bretagne, 1994, 298) ; v. encore ibid., 299-301.
◆◆ commentaire. Composé usité en français dans les deux domaines linguistiques de la Bretagne, correspondant
au dialectalisme des Côtes-d’Armor et du Morbihan gallos lait-ribot (ALBRAMms) et calqué par le breton laezh-ribod ; il n’est pas documenté avant 1912 (« Ah ! par exemple, il faut être Breton pour aimer le lait Ribaud [sic]. Ce sont des cailles [= lait caillé] cuites, blanches et fades, d’une consistance
caoutchouteuse, avec un arrière-goût de fumée » Pampille, Les Bons Plats de France. Cuisine régionale, 94). Il a été concurrencé, surtout dans l’est de la Haute Bretagne, par la locution
régionale de même sens lait ribotté (1732, La Nouvelle Maison rustique, t. 1, 274, 316 ; LeMièreRennes 1824 ; CoulabinRennes 1891 ; StMleuxStMalo 1923 ;
encore CormierAcad 1999 vieilli), qui en est probablement une réfection, sur le modèle de mfr. lait baratté, de même sens (16e s., FEW 9, 331b, prattein), par le participe du verbe ribotter "baratter" (FEW 16, 703b, rîban). Dans les deux cas le deuxième élément représente, à moins qu’il n’en dérive, le
régionalisme de Bretagne mfr. ribot n. m. "baratte" (1499, Lagadeuc 176, v. Etudes Celtiques 29, 134), bien attesté en français de Basse Bretagne (LeGonidecBret 1819 ; « dans le français familier de la Basse-Bretagne. On le prononce ribotte » Troude 1876), emprunté par le breton ribod "id." (dep. 1499, Lagadeuc 176) et devenu rare dans les parlers dialectaux de Haute Bretagne
(Clos Poulet, Redon, renn., selon FEW 16, 703b, *rîban, sans référence ; Côtes-d’Armor, ALBRAMms pt 1), car l’usage moderne en Haute Bretagne
distingue morphologiquement ribotte n. f. "baratte" et ribot n. m. "bâton avec lequel on bat la crème à l’intérieur de la baratte". Ce sens de ribot est sûrement originel, car il se rattache au régionalisme de l’ancien français ribot n. m. "bouille, longue perche servant à remuer le fond de l’eau pour faire déplacer le poisson" (ca 1176, Estienne de Fougères, Le Livre des manières, éd. Lodge, v. 1114, « Hors d’aigue peschent au torbout Et n’i quierent point de ribot »), encore attesté au 19e siècle dans le nord-ouest de l’Anjoua. Le renouvellement technique a périmé l’ensemble des membres de cette famille lexicale
continûment régionale, hormis lait-ribot.
a « Près d’eux, causaient et riaient quinze gars du pays, vêtus de leurs plus vieux habits,
chaussés de sabots et armés, la plupart, de longues perches terminées par un marteau
de bois, en langue locale, des ribots. Cinq seulement ne portaient pas de bâton, et tenaient un de ces larges filets en
forme de poche, montés sur un demi-cercle de bois et traversés par un manche, que
l’Académie nomme troubles, et que dans le dialecte populaire on appelle bâches. […] les pêcheurs se mirent à l’eau. Les bâcheurs tendirent leurs troubles à l’entrée
des cavernes formées par les racines, dans les endroits profonds et remplis d’herbes,
tandis que les riboteurs, postés deux à deux à droite et à gauche, frappant l’eau,
fouillant la vase, épouvantaient le poisson et le poussaient dans le filet » (R. Bazin, Ma Tante Giron, Paris, 1886, 165-167).
◇◇ bibliographie. BlanWalHBret 1999.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ille-et-Vilaine, 100 % ; Morbihan, 85 % ; Finistère, 75 % ;
Côtes-d’Armor, 65 % ; Loire-Atlantique, 40 % ; Sarthe, 30 % ; Maine-et-Loire, 0 %.
|