manade1 n. f.
〈Hautes-Alpes, Provence, Languedoc oriental〉 usuel
1. "troupeau de bœufs, de taureaux ou de chevaux conduits par un gardian*". Concours de manades.
1. Solitaires ou en manades, les taureaux règnent sur les marais. (Pays et gens de France, n° 37, les Bouches-du-Rhône, 3 juin 1982, 16.)
V. encore s.v. gardian, ex. 2.
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
2. La Camargue est avant tout une terre d’élevage, peuplée de chevaux et de taureaux
sauvages qui vivent en troupeaux disticts, les « manades ». (M. Biehn, Couleurs de Provence, 2000 [1996], 130.)
2. Par méton.
2.1. "territoire, bâtiments nécessaires à l’élevage de ce troupeau".
3. […] Charrette ne reconnaissait plus ce pays [les environs de Vaccarès, en Camargue]
qu’il avait si souvent parcouru avec les compagnons de sa jeunesse. Telle manade, tel mas caché sous son toit de roseaux, où les avait-il déjà rencontrés ? (R.-A. Rey,
Frosine, 1980, 72.)
4. Dans les petits villages ou dans les manades, la course se déroule sur une aire délimitée par des charrettes mises bout à bout,
et assez hautes pour que l’animal ne puisse ni les renverser ni les escalader. (Pays et gens de France, n° 59, l’Hérault, 9 décembre 1982, 10.)
5. Dans une manade au pied du massif de la Gardiole (Hérault) [titre] / Une semaine après la découverte
de taureaux faméliques sur la commune de Vic-la-Gardiole, dans l’Hérault, les différentes
parties ont pris la décision d’abattre la totalité du troupeau, soit une petite trentaine
de bêtes. […] Après audition du propriétaire, il apparaît que les terres où se nourrissent
les taureaux ont été inondées par les pluies de décembre. Le manadier* les aurait alors réunis sur un îlot mais, sans ressources suffisantes, il n’a pas
été en mesure d’en assurer le ravitaillement. (Midi libre, éd. Montpellier, 11 février 1998, 17.)
2.2. "personne ou groupe de personne propriétaire d’une manade ou qui y travaille".
6. On reconnaissait, par exemple, les amis de la manade Granon, une des plus réputées de l’époque – à leur chapeau. Ils arboraient le même
chapeau que le manadier*. (J. Durand, André Bouix, gardian de Camargue, 1980, 129.)
7. Si, par exception, le taureau garde sa cocarde [lors d’une course], les primes sont
acquises à la manade qui l’a loué. (Pays et gens de France, n° 61, le Gard, 23 décembre 1982, 20.)
8. Etre dans une manade et connaître la vie de la manade, le métier de gardian*, c’est beau. (L. Merlo, J.-N. Pelen, Jours de Provence, 1995, 287.)
V. encore s.v. gardian, ex. 6 ; main, ex. 19.
■ dérivés. manadier, ‑ière n. "propriétaire d’une manade". « […] quand on triait les bêtes pour une course provençale, il donnait volontiers la
main au manadier et à ses gardians* » (Y. Audouard, Le Dernier des Camarguais, 1971, 45) ; « Au cours de la fête de la “Ferrade”*, les taurillons reçoivent la marque du manadier auquel ils appartiennent. Un fer chauffé au rouge est appliqué sur la croupe de l’animal,
dégageant une abondante fumée à l’odeur âcre de chair et de poils brûlés » (Pays et gens de France, n° 33, les Bouches-du-Rhône, 3 juin 1982, 19) ; « C’est Germain, manadier à la retraite, qui parle. Il a la voix qui tremble. À cause de l’âge et de l’émotion » (Y. Audouard, Les Contes de ma Provence, 1986, 133) ; « Lors des crues [dans le delta du Rhône] de décembre 1993 et janvier 1994, la solidarité
spontanée avait fait des merveilles : les manadiers s’étaient entraidés pour sauver taureaux et chevaux […] » (Le Monde, 15 janvier 1998, 13) ; « Le manadier du Grand Radeau […] a été opéré en urgence de la vésicule. Il devrait sortir de clinique
en fin de semaine » (Midi libre, éd. Montpellier, 6 mars 1998, 17) ; « Magali Saumade […] est manadière, patronne de troupeau et d’exploitation, l’une des rares femmes à se consacrer à l’élevage
du taureau en Camargue » (Côté femme, n° 3, 29 septembre 1999, 60). V. encore s.v. ferrade, ex. 4 ; gardian, ex. 4 et 5 ; gardiane, ex. 4 ; lever, ex. 20 ; manade1, ex. 5 et 6. – Attesté dans le français de Provence dep. 1923 (« Le manadié Barbier et son personnel ont droit à tous nos éloges » Midi taurin) et 1938 (« Nous nous refusons à faire la moindre distinction entre un manadier et un gardian. Le métier est le même, la seule différence est que le gardian est un prolétaire, un employé de ferme, tandis que le manadier est le propriétaire du troupeau » D’Elly, La Camargue gardiane), tous les deux dans MartelPelBouvine 1990. Le terme est accueilli dans GLLF (« en Camargue »), Rob 1985 (« techn. et régional ») et TLF (« en Camargue ») ; aj. à FEW 6/1, 287b, manus.
◆◆ commentaire. Attesté dans le français de Provence dep. 1794 (« ce qu’on appelle vulgairement dans ce pays une manade ou un troupeau de chevaux et
de juments employés à fouler les blés des uns et des autres dans la saisons des aires » J. Hubert, dans PelMartBouvine 1990) et 1877 (A. Daudet, Le Nabab, v. MichelDaudet), le mot est emprunté au pr. manado "troupeau de chevaux ou de taureaux sauvages" (1859, Mistral, v. TLF ; cf. Sauvages 1756 « manâdo dë pors, troupeau de cochons »). Il est pris en compte, ainsi que sa marque diatopique, par les dictionnaires généraux
contemporains : « En Provence » (GLLF ; Rob 1985 ; NPR 1993-2000), « région. (Provence et notamment Camargue) » (TLF), « en Camargue » (Lar 2000).
◇◇ bibliographie. GebhardtOkzLehngut 1974 ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; CampsLanguedOr 1991,
127-128 ; BouisMars 1999 ; FEW 6/1, 287b, manus, où cette forme manque.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Gard, 100 % ; Hérault, 90 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Bouches-du-Rhône,
Var, 80 % ; Hautes-Alpes, 75 % ; Alpes-Maritimes, Aude, Vaucluse, 65 % ; Lozère, 55 %.
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