manière n. f.
〈Hautes-Alpes, Provence, Haute-Loire (Velay)〉 bonne manière loc. nom. f. fam. "manifestation d’amabilité, comportement obligeant".
□ En emploi métalinguistique.
1. – […] vous viendrez, ton mari et toi, au mas, quand on tuera le porc. Ce n’est pas
là rendu contre prêté, c’est le va-et-vient amical des paysans qui s’appelle bonne manière. (M. Mauron, Les Cigales de mon enfance, 1987, 167.)
— Surtout dans faire une bonne manière à qqn loc. verb. "se montrer aimable envers quelqu’un, agréable à quelqu’un".
2. Il a pris leur adresse [à des touristes obligeants] pour leur faire « une bonne manière » un de ces jours. (S. Japrisot, La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, 1966, 242.)
3. Ces mots [provençaux] ne m’étaient pas inconnus, mais je ne les pratiquais pas. Mme veuve
Gontier leur faisait la chasse. « Une bonne éducation, disait-elle, n’a pas d’accent », et s’il lui arrivait de parler provençal, c’était pour faire « une bonne manière » à son interlocuteur, pêcheur ou paysan. (H. Bonnier, L’Enfant du Mont-Salvat, 1985 [1980], 211-212.)
4. – Je ne sais pas si c’est un miracle, dit-il. Les miracles, dans une vie comme la
mienne, on n’en a guère l’habitude. Mais j’ai quand même eu l’impression que le Bon
Dieu me faisait une bonne manière. (Y. Audouard, Les Nouveaux Contes de ma Provence, 1987, 183.)
5. Hommes et femmes se tenaient raides en attendant la fin des présentations. Ils avaient
apporté tomes, pommes de terre, lentilles, lard, œufs, pour faire une bonne manière à la nouvelle Béate*. (M. Fouriscot, Marie la dentellière, 1987, 26.)
◆◆ commentaire. Le français de référence ne connaît guère que la lexie les bonnes manières "les attitudes, les gestes considérés comme la marque de la bienséance, du savoir-vivre" (TLF) ; on remarquera cependant que TLF enregistre la loc. nom. bonne manière "geste amical, gentillesse envers qqn", sans marque, mais avec un exemple de Zola d’origine provençale et la loc. verb.
faire des bonnes manières, avec un exemple de Giono 1930. La lexie analysée ici est en effet caractéristique
du français de Provence qui l’a probablement calquée sur occ. bono maniero "gracieuseté, politesse" (Mistral) ; c’est de là qu’elle a gagné le français argotiquea où, par restriction, faire une bonne manière à qqn signifie "faire l’amour à qqn ; se livrer à des caresses érotiques sur qqn" (sens déjà développé dans le français de Provenceb ; cf. BouvierMars 1986, RoubaudMars 1998, 44 et BouisMars 1999). Plusieurs exemples
du cédérom Le Monde 1987-1998 donneraient à penser que faire une bonne manière est en voie de dérégionalisation, mais il n’est pas exclu qu’il s’agisse plutôt d’un
cliché journalistique.
a Ainsi M.-É. Grancher, Pas de bégonias pour Madame Dugommier, 1950, 51, Douze Souris et un Auvergnat, 1951, 169, La Belle de Bousbir, 1956, 243 et San-Antonio, Deuil express, 1992 [1954], 18. V. encore GiraudÉros 1992 s.v. bonne manière, qui donne des exemples datés de 1978 et 1986.
b Ainsi É. Ramond, Histoires marseillaises, Paris, 1925, 4 : « – Mais alors, il a fallu qu’il vous passe la main sous les jupes ? – Bien sûr, té* ! Mais je croyais qu’il voulait me faire une bonne manière ! »
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Bouches-du-Rhône, 100 % ; Alpes-Maritimes, Var, Vaucluse,
80 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 65 % ; Hautes-Alpes, 50 %.
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