marque-mal n. m. ou f. invar.
〈Surtout Doubs, Jura, Rhône, Loire, Isère (Meyrieu), Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales,
Provence, Ardèche (Mariac)〉 fam. ou pop. "personne qui n’impressionne pas favorablement par sa mine, son allure, sa mise".
1. […] un marque-mal, avec de grands pieds et de grandes mains […]. (M.-É. Grancher, Bezons la Gauloise, 1965 [1956], 71.)
2. Il faut montrer patte blanche. Le patron [du Club Médicis], un ancien catcheur, ne
veut pas d’histoires chez lui, et refoule impitoyablement tous les marque-mal et les ivrognes. (M. Lebrun, Un revolver, c’est comme un portefeuille, 1989 [1971], 115.)
3. – Je me mets en colère, moi ? Mais tu l’écoutes [= entends] ce marque-mal ! Et d’abord, pourquoi tu m’interromps tout le temps ? Tu me fais perdre le fil de
mes idées. Où j’en étais ? (Y. Audouard, Les Contes de ma Provence, 1986, 65.)
4. « Mais qui c’est donc que ce grand marque-mal ? Vous le connaissez, vous ? » (A. Burtin et al., Petites histoires en franc-parler. C’est pas Dieu poss !, 1988, 16.)
5. […] il n’y avait rien à faire : Pipette avait toujours l’air d’un marque-mal. Ça tenait à la dégaine, à la carrure du docker et aux poignets trop gros. (P. Cauvin,
Rue des Bons-Enfants, 1990, 183.)
6. […] La Canebière, c’est plus comme avant, je vous dis pas ça parce que je suis vieille.
Avant y avait du beau monde […], y avait des Marseillaises bien habillées, avec des
chapeaux à voilette, maintenant, regardez c’est tout des marque-mal. (Rosine G., née en 1900, propos rapportés par J.-P. Péroncel-Hugoz, dans Le Monde, 12 février 1994, 3.)
7. – […] Toujours les mains dans la pigeonne [= eau de javel ; du nom d’une marque commune
à Marseille], habillée comme une marque-mal, fagotée d’estrasses* et les cheveux filasse. (M. Albertini, Les Merdicoles, 1998, 46.)
8. Notre Henri qu’a le demi-siècle, il est depuis un bout de temps professeur agrégé
au lycée de garçons sur le cours Sauzéat. Sa femme la Mado, elle babille toujours
au palais de justice pour défendre les marquemals. (J. Rouchouse, « Panassa » de mon enfance, 1999, 109.)
V. encore s.v. châtaigne, ex. 2 ; gonfle, ex. 19.
◆◆ commentaire. Nominalisation à tonalité populaire de marquer mal (v. ci-dessous s.v. marquer), marque-mal est attesté dep. 1878 dans le français de Lyon (« Votre bal a un fier succès, dit le général en riant à M. Bernard. Ils sont bien douze
ou quinze cents marque-mal, en bas, à regarder nos bougies » Tony Revillon, Le Drapeau noir, 1878, 106, cité dans Doillon, mars 1993, scène située à Lyon) ; parallèlement, le
mot pénètre le français argotique (dep. 1881, Fustier, v. TLF ; DelvauSuppl 1883 ;
1888 Villatte, v. TLF ; Bruant 1889, v . SainéanParis 1920, 195)a ; de là sa présence erratique en Anjou au début du 20e siècle, ou dans le parler meusien de Cumières (1940, v. FEW), voire sous la plume
de Larbaud (1913, seul exemple dans Frantext). L’existence du type (marco-mau) dans l’occitan marseillais dès Achard 1785 est un indice en faveur d’une origine
méridionale (FEW) quoique non nécessairement occitane (v. ci-dessous la notice s.v. marquer) ; cette origine, probablement marseillaise, rend compte de l’emploi du mot dans
une aire compacte qui va de l’Hérault à Nice et de son passage dans le français des
colons en Algérie (dep. 1906b ; v. aussi LanlyAfrNord). Il est très probable, en outre, que Lyon a joué un rôle
de relais vers Paris et de diffuseur régional ; toutefois, plus récent que la locution
de base, marque-mal n’a pas atteint les régions situées à l’ouest du département de la Loire.
a Dès 1874 (EsnaultArg 1965) dans l’argot des typographes.
b « Mais bougue de marque mal que ti es, et pour boulotter y faut pas l’argent ? Si ti
as pas un pélo, aoùsque ti t’en vas sercher le pain ? » (Musette, [Le Mariage de Cagayous, 1906] Cagayous, ses meilleures histoires, Gallimard, 1931, 154 ; comm. de P. Enckell).
◇◇ bibliographie. VerrOnillAnjou 1908 ; ParizotJarez [1930-40] ; DuraffVaux 1941 ; DornaLyotGaga 1953
marquemal ; LanlyAfrNord 1970 (ex. de 1948, classé dans les méridionalismes) ; EscoffStéph
1976 ; BouvierMars 1986 ; DuraffHJura 1986 marque-mâ « peu usuel » ; MartinPellMeyrieu 1987 ; MartinPilat 1989 « usuel à partir de 40 ans, en déclin rapide au-dessous » ; BlanchetProv 1991 ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; DuclosAlgérie 1992 ; MazaMariac
1992 « comporte souvent une nuance de sympathie » ; VurpasMichelBeauj 1992 ; ArmanetBRhône 1993 ; VurpasLyonnais 1993 « connu » ; CovèsSète 1995 ; SalmonLyon 1995 « très fréquent » ; MazodierAlès 1996 ; ArmKasMars 1998 ; FréchetMartAin 1998 « globalement attesté » ; MichelRoanne 1998 « bien connu au-dessus de 60 ans » ; PlaineEpGaga 1998 « presque disparu » ; BouisMars 1999 ; ChambonÉtudes 1999, 228 ; FEW 16, 552a et 556, n. 11, merki.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Alpes-Maritimes, 100 %.
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