pauvre interj.
I. 〈Drôme, Provence, Hérault, Haute-Garonne〉 fam. (ô/oh) pauvre ! "(pour marquer la surprise, la tristesse, la préoccupation, la commisération)". Synon. région. fan*, peuchère*. – Oh pauvre ! J’aurais jamais cru qu’il réussisse ! (BouvierMars 1986).
1. Elle traversa la place, sa valise et son sac dans la main droite et monta dans un
taxi. Le chauffeur était un énorme rougeaud à casquette. Il disait oh pauvre, que ce serait cher. (S. Japrisot, La Dame dans l’auto, 1966, 144.)
2. – Tu veux gagner au tiercé ?
– O pauvre non, c’est trop compliqué. (Cl. Courchay, Quelque part, tout près du cœur de l’amour, 1987 [1985], 363.) 3. Oh ! pauvre, depuis que les Marseillais ont envahi nos campagnes, on ne dort plus. (Fr. Fernandel,
L’escarboucle, ma Provence, 1992, 86.)
4. Il ouvre le frigo et me sort un plat sur lequel est posé un loup de belle taille.
– Oh pauvre ! Il doit faire au moins le kilo ! (G. Del Pappas, Massilia dreams, 2000, 73.) — pauvre de moi/ pauvre(s) de nous/pauvre de nôtres ! loc. interj. "id.".
5. [Marcel Pagnol et Gaston Defferre] réunis tous deux dans la plus belle arnaque du
siècle : l’un parvenant à faire croire que Marseille, c’était Raimu, la manille, le
pastis et la pétanque, l’autre que l’antique Phocée était une place forte du socialisme.
Marseille socialiste ! Pôvre [sic] de nous ! Pas plus que RPR, UDF ou pattin-couffin*… (Claude Klotz, « Pôvre de nous », dans Le Monde sans visa, 21 juin 1986, 15.)
6. Et alors, mon pauvre monsieur, c’est cette nuit-là, juste, qu’ils nous ont tué Roseline,
pauvre de nôtres ! Elle avait vingt-cinq ans ! (P. Magnan, Le Parme convient à Laviolette, 2000, 300.)
II. 〈Haute-Savoie, Savoie〉 fam. pauvre toi ! loc. interj. "(pour marquer une légère commisération)" (GuichSavoy 1986).
6. Le Vieux le regarda bien en face en haussant les épaules.
– Mon pauvre toi ! Qu’est-ce que tu veux bien qu’on en fasse, hein ? On va rendre tout ça à qui ça appartient et pis t’iras te faire pendre ailleurs. (Chr. Delval, La Vieille Trompe, 1982, 192.) ◆◆ commentaire.
I. La fréquence de cet emploi est caractéristique du français méridional, même si les
dictionnaires généraux hésitent sur la marque à donner à la locution pauvre de moi : « vx et fam. » (GLLF, avec ex. de Daudet), sans marque dans Rob 1985 (citant le même ex. de Daudet
et Duhamel dans un emploi littéraire « pauvre d’eux, pauvre de nous tous ») et dans TLF (citant Giono 1929), « région. » (NPR 1993-2000). Ni Hanse 1994 ni GrevisseGoosse 1993, § 404 a ne mentionnent cette valeur diatopique.
II. Documenté chez quelques rares auteurs dans Frantext, le tour pauvre toi ! (Mirabeau 1780 ; Genevoix 1926) est aujourd’hui en usage dans le français de Savoie
(cf. pauvre moi, pauvres nous, LengertAmiel), mais aussi au Québec (comm. d’A. Thibault).
◇◇ bibliographie. (I) GabrielliProv 1836 pauvre de moi ! pauvre de lui ! ; MègeClermF 1861 ; LambertBayonne 1902-1928 ; MichelCarcassonne 1949, 7 ; SéguyToulouse
1950 ; BouvierMars 1986 ; ArmanetBRhône 1993 ; FréchetDrôme 1997 « usuel » ; MoreuxRToulouse 2000 « nos informateurs jeunes connaissent (plutôt qu’ils n’emploient) ce type de syntagme
[pauvre de moi] mais en lui attribuant généralement une connotation plaisante ou littéraire » ; aj. à FEW 8, 57b, pauper. – (II) GuichSavoy 1986 ; aj. FEW, loc. cit.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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