pique n. f.
〈Surtout Haute Bretagne, Loir-et-Cher, Indre, Cher, Allier, Saône-et-Loire (est), Lorraine,
Franche-Comté, Rhône (nord), Lot, Auvergne, Limousin〉 à/dès la pique de l’aube / de l’aurore (rare) / du jour Souvent vieillissant "à l’aube, au petit matin". Stand. littér. au point du jour. – Demain, à la pique du jour (Ph. Valette, Mon Village, 1947, 181). Il est parti dimanche matin, à la pique du jour (B. Clavel, Celui qui voulait voir la mer, 1963, 354). Demain, à la pique du jour, il faudrait se lever (M. Chaulanges, Le Roussel, 1972, 131).
1. « Alors, et le lait ? Qui c’est qui y va ? – J’irais… Je devrais y aller… Mais cette
lame de faucheuse, il faut absolument la repasser [aiguiser] pour demain. Je veux
commencer à la pique du jour. » (J. Garneret, L’Amour des gens, 1972 [1950], 178.)
2. Les trois gars de la batteuse, harassés par une campagne de quarante-cinq jours, avaient
décidé d’aller coucher au foin, dans la grange des Baudons… / Ils seraient à pied
d’œuvre, le lendemain, pour embaucher* dès la « pique du jour ». (J.-L. Boncœur, Le Moulin de la vieille morte, 1988 [1955], 85.)
3. Et le Mont[-Saint-Michel] est là, le Mont qui a beau être martyrisé et même saccagé
à l’intérieur, mais dont la silhouette n’a pas changé, cette élégante silhouette qui
attirait des milliers de pélerins au temps de la foi. Aujourd’hui, à la pique du jour, il est bleu, puis vert, puis jaune, avec des zones d’éclairage violent et des zones
d’ombre qui virent au noir parfait. (P. Lebois, Les Trois Amoureuses de Villeclaire, 1968, 281.)
4. Le lendemain la Fonfon confie sa peine aux voisins qui, ayant en vain cherché Gandillot [son mari] toute
la journée, au village et dans les environs, alertent le Maire qui décide d’organiser,
à la pique du jour, une battue pour retrouver le disparu. (R. Bichet, Contes de Mondon et d’autres villages comtois, 1975, 27.)
5. Et, cependant, les femmes alors étaient dures au mal et courageuses. Levées à la pique du jour, elles se couchaient tard sans jamais s’arrêter de trimer, de la cuisine à l’étable,
de l’étable aux champs, des champs aux bergeries. (Chr. Signol, Antonin Laforgue, paysan du Causse, 1981, 33.)
6. – Eh oui, les amis ! Pas pus tard que d’main à c’t’ heure, j’en connais qu’auront
fait du kilomètre […] ! Départ à la pique du jour, vers les cinq heures […]. (M. Mazoyer, Les Vacances des berthes, 1985, 32.)
7. Ce matin-là, un inhabituel branle-bas réveilla le campement dès la pique du jour. (P. Arnoux, La Vigne au loup, 1996, 102.)
8. C’est bon ! Le battage peut commencer. […] Les participants arrivent donc à la pique du jour. (R. Desrichard, Éloge de la batteuse, 1998, 29.)
9. Certains disent pourtant l’avoir aperçue, le soir, à la nuit tombée, ou le matin,
à la pique du jour, se faufilant derrière talus et haies avec un panier à la main et récoltant des jeunes
pousses d’arbres, des herbes, des fleurs. (R. Limouzin, D’une Toussaint… à l’autre, 1998, 242.)
10. Lorsque je me trouvais en vacances chez mon oncle Charles et ma tante Léa, il arrivait
que le vieux soldat, sans m’en avoir prévenu la veille, décide de me faire lever à la pique du jour. (B. Clavel, Les Petits Bonheurs, 1999, 148.)
11. 13 avril / Ce matin, à la pique de l’aurore, dans la hêtraie encore dénudée, j’ai entendu pour la première fois de l’an les deux
notes cristallines du coucou. (J. Mallouet, Les Jours chiffrés, 1999, 105.)
12. Ils avaient dîné, la porte grande ouverte sur la forêt et ses bruits insolites. Peu
à peu, la fraîcheur de la nuit avait ragaillardi la vallée. Il en serait ainsi jusqu’à la pique du jour. (J.-P. Leclerc, Les Brûlures de l’été, 2000, 57.)
■ dérivés. 〈Nord, Pas-de-Calais, Bourgogne, Franche-Comté, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Ardèche,
Haute-Loire (Velay)〉 à la piquette (du jour) loc. adv. fam., souvent vieillissant "id.". « […] Jean Dupuis, descendu de la Grande Maison à la piquette du jour […] » (P. Antoine, La Malatière, 1951, 127). Enregistrée dep. Lar 1874 comme « populaire », la locution est marquée « région. Centre » dans TLF (elle est absente de GLLF, Rob 1985, NPR 1993-2000, Lar 2000). Réfection
de (à) la pointe du jour, non attestée en français avant le 19e s. (1850, G. Sanda, v. TLF ; mais déjà en patois dans MonnierJura 1824 piqueta du dzou), et que sa dispersion en France (où on l’a relevée surtout dans les parlers de l’Est
et du Nord, mais aussi à Cancale) et son usage en Belgique (« vieilli », selon M. Francard), en Suisse romande (Pierreh) et dans les français d’Amérique
(Louisiane et Saint-Pierre-et-Miquelon) invite à considérer comme un archaïsmeb.
◇◇ PuitspeluLyon 1894 ; Mâcon 1903-1926 ; VachetLyon 1907 ; DitchyLouisiane 1932 ; BaronRiveGier 1939 ; DornaLyotGaga 1953 ; MartinPellMeyrieu 1987 ; MartinPilat 1989 ; BrassChauvSPM 1990 ; TavBourg 1991 dans la métalangue s.v. pique ; ColinParlComt 1992 ; BlancVilleneuveM 1993 « mot-souvenir » ; DuchetSFrComt 1993 ; FréchetMartVelay 1993 ; FréchetAnnonay 1995 « globalement connu » ; SalmonLyon 1995 ; FréchetDrôme 1997 « globalement attesté » ; PlaineEpGaga 1998 « presque disparu » ; ALPic 345 ; FEW 8, 452a, *pikkare. △△ EnqDRF 1994-96 : Ø. a Noter cependant la remarque de JaubertCentre 1864 s.v. pique du jour : « Le même auteur [G. Sand] dit piquette, mais nous ne croyons pas que ce mot soit authentique. »
b Les deux occurrences de Frantext sont tirées de L. Delattre, Carnets d’un médecin de village, 1910 (environs de Charleroi) et G. Chevalier, Clochemerle, 1934 (Beaujolais).
◆◆ commentaire. pique (du jour) est un déverbal de fr. piquer, synon. de poindre "percer", en usage surtout dans la loc. adv. à la pique du jour. La lexie est présente dans une vaste aire française, de la Bretagne à la Suisse romande
et dans une aire dialectale plus large encore (FEW), mais elle semble aujourd’hui
usuelle en français, quoique vieillissante, surtout en Haute Bretagne, dans le Centre,
la Franche-Comté, la région lyonnaise, l’Auvergne et le Limousin. Attestée en français
dep. 1824 (MonnierJura « piqueta du dzou, s.f. Point du jour, l’aube. On dit aussi, en francisant, la pique du jour »), elle est enregistrée de façon sporadique dans les dictionnaires généraux (GLLF
« fig . et dialect. », avec ex. des Goncourt ; Rob 1985 « régional », sans ex. ; TLF « région. (Centre) », avec ex. de G. Sand 1850 et de M. Genevoix 1925), mais bien prise en compte dans
la lexicographie régionale : dans le Centre (JaubertCentre 1864), en Bourgogne (FertiaultVerdChal
1896 ; Mâcon 1903-1926 ; MarMontceau ca 1950 ; TavBourg 1991 « très vivant en Saône-et-Loire, surtout à l’ouest »), en Lorraine (LanherLitLorr 1990 s.v. jour ; LesigneBassignyVôge 1999), en Franche-Comté où elle semble surtout localisée dans
le Doubs (BeauquierDoubs 1881 ; BoillotGrCombe 1929 ; BonnaudAuv 1976 ; GrandMignovillard
1977 ; BichetRougemont 1979 ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; TrouttetHDoubs 1991 ; ColinParlComt
1992 ; DuchetSFrComt 1993), en région lyonnaise (MeunierForez 1984 ; VurpasMichelBeauj
1992 « usuel au-dessus de 60 ans, en déclin rapide au-dessous » ; SalmonLyon 1995 ; FréchetMartAin 1998 ; MichelRoanne 1998), en Velay (FréchetMartVelay
1993 « connu à partir de 40 ans, attesté au-dessous mais usuel à Yssingeaux et à Valprivas ») et dans le Lot (BoisgontierMidiPyr 1992). Cette dispersion dénonce la pique du jour comme un archaïsme, moins ancien toutefois (non attesté av. le 19e s.) que la pointe du jour (dep. 1174-76 puinte del jour, TLF) dont il constitue un renouvellement ; comme son dérivé piquette, il a pénétré de nombreux patois, l’un et l’autre y étant présents le plus souvent
à l’état sporadique (ALF 1758, ALAL 100, ALB 187, ALCB 180, ALCe 5, ALFC 120, ALJA
78, ALLR 826, ALLy 915).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Haute-Loire, Puy-de-Dôme, 100 % ; Cantal, Corrèze, Creuse,
Haute-Vienne, 45 % ; Ille-et-Vilaine, 40 % ; Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Sarthe,
0 %.
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