planter v. tr.
rural "mettre en terre en vue d’une récolte".
1. [L’obj. désigne des pommes de terre] 〈Loir-et-Cher, Allier, Bourgogne, Ardennes, Lorraine, Jura, Ain, Rhône, Loire, Isère,
Drôme, Provence, Gard, Hérault, Ariège, Aveyron, Lozère, Ardèche, Auvergne, Creuse,
Dordogne.〉 Synon. région. semer*. – Planter des patates (R. Fallet, Les Vieux de la vieille, 1996 [1958], 136). On plante […] les pommes de terre (R. Fery, Les Racontotes des mamiches, 1980, 65). Planter des pommes de terre à la main (L. Jégou, Le Bénitier du diable, 1982, 221).
1. On songe à ces lettres du front où la femme disait au mari : « On a planté les pommes de terre », et guère autre chose. (A. Vialatte, Chronique des grands micmacs, 1989, 114 [1962].)
2. […] de la bonne terre bien grasse où l’on peut planter de la pomme de terre, du poireau ou de la carotte. (J. L’Hôte, Confessions d’un enfant de chœur, 1990 [1965], 120.)
3. Quand on plante des pommes de terre, on réserve de la place. On ajoute deux rangs de haricots pour
l’hiver, deux rangs de carottes, un rang d’oignons. (Cl. Courchay et G. Arnoult, Une petite maison avec un grand jardin, 1980, 69.)
4. M. Pons plante des pommes de terre en ligne dans la raie* formée avec l’araire. (L’Aubrac 6/2, 1982, 87 [Légende d’une photographie].)
5. Fin avril ou début mai, on plantait les pommes de terre. On achetait rarement la semence* : on la réservait sur la récolte de l’année précédente. (J.-L. Clade, La Vie des paysans franc-comtois dans les années 50, 1988, 53.)
6. – […] pourvu qu’il ne se mette pas à geler trop fort. J’avais planté des pommes de terre… un peu tôt […]. (M. Donadille, Pasteur en Cévennes, 1989, 115.)
7. – […] Il fallait bien planter ses pommes de terre et ses légumes pour acheter le moins possible. (M. Exbrayat,
Maria de Queyrières, 1990, t. 1, 20.)
8. Au printemps, mon père bêchait le jardin, et ma mère l’ensemençait. / Puis, dans les
champs, « on plantait les patates ». On les plantait à la charrue. Nous étions quatre ou cinq le long du sillon : chacun avait un panier
rempli de semences* [en note : les pommes de terre de semence] ; nous placions les tubercules sur le haut de la
raie*, après le passage de la charrue. (J. Chaudron, Autour de la Bessotte. Souvenirs d’un enfant de Lorraine, 1994, 84.)
9. Antoine […] a semé des carottes, planté des échalotes et d’autres pommes de terre moins précoces que les premières. (Panazô,
Le Traînard, 1994, 101.)
10. Déjà, Julien et Louis sont arrivés au bord du Petit Champ où en avril, ils ont planté les précieuses pommes de terre […]. (P. Louty, Léonard, le dernier coupeur de ronces, 1995, 15.)
11. Les pommes de terre étaient abondantes, elles étaient plantées au printemps, à la main […]. (P. Chevrier, La Haute-Bigue, 1996, 54.)
12. […] Duchier bute […] ses pommes’ terre qu’il plante toujours un peu tard […]. (A. Aucouturier, La Tourte aux bleuets, 1997, 19.)
13. Steve Huison […] bêche actuellement son jardin pour planter des pommes de terre et nourrir sa famille. (Chr. Colombani, dans Le Monde, 24 mars 1998, 26.)
14. […] ses patates qu’elle s’était mis en tête de planter avant la nuit, car le temps menaçait. (H. Noullet, La Destalounade, 1998, 69.)
□ Dans un commentaire métalinguistique incident. Voir s.v. semer, ex. 4.
— Au part. passé/adj. Champs plantés en pommes de terre (L. Pujol, Le Temps des fleurs, 1989, 120). Les pommes de terre n’étaient pas encore plantées (G. Garillon, Vosges de mon enfance, 2000, 143).
■ remarques. V. aussi s.v. semence, ex. 7 (replanter).
2. [L’obj. désigne des haricots] 〈Lorraine, Hérault.〉 Stand. semer. Planter des haricots (LanherLitLorr 1990).
15. – Je viens de planter mes haricots !
– Moi, je les « mettrai » cette semaine aussi. (A. Nicoulin, Le Dessus du Mont, 1979, 211.) 16. À la campagne, tout le monde sait bien que les haricots « voient partir » celui qui les a plantés, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas être enfouis trop profondément, mais simplement
recouverts de terre. (A. Nicoulin, Le Dessus du Mont, 1979, 215.)
■ remarques. (À l’intérieur de l’aire de planter) plant (de pomme de terre) loc. nom. m. Le plus souvent au pl. "pomme de terre destinée à être mise en terre (entière ou coupée en deux) pour la production". Synon. région. semence* de pomme de terre. « […] les plants [de pommes de terre] sont placés dans la raie* tapissée de fumier […]. » (MazaleyratMillevaches 1959, 177). V. encore s.v. quenelle, ex. 5. – Au sing. à valeur collective. « […] de la semence de petits pois, des “Serpettes d’Auvergne” et du plant de pommes de terre » (Panazô, Le Traînard, 1994, 90).
◆◆ commentaire. 1. Les oppositions planter vs semer* (des pommes de terre) et plant(s) vs semence* de pommes de terre semblent former comme un chiasme. La première oppose planter, qui semble la forme du français de référence, à semer, non accueilli explicitement dans cet emploi par les dictionnaires, tandis qu’au contraire
la seconde oppose plant(s), absent du français de référence, à semence de pomme de terre ou pommes de terre de semence, plus ou moins pris en compte par les dictionnaires généraux. Seule une enquête complète
permettrait d’apprécier la distribution de ces deux couples. Dans l’état actuel de
la documentation, voici les données dont on dispose (en dehors des citations illustrant
l’article) :
– planter (des pommes de terre/des patates) : (i) Frantext : Erckmann-Chatrian 1864, Hugo 1866, J. Renard 1900, P. Bourget 1921, Pesquidoux
1928, Colette 1929, Pourrat 1930, Céline 1936, G. Chepfer av. 1945, H. Bazin, 1951,
M. Debatisse 1963, A. Boudard 1995. (ii) EnqDRF 1994-96 : Ø. (iii) Dictionnaires généraux du 20e siècle : GLLF Ø ; Rob 1985 et NPR 1993-2000 "mettre en terre (des graines, bulbes, tubercules)" ; TLF "mettre, enfoncer en terre des graines, des semences, des bulbes, des tubercules" ; Lar 2000 "mettre en terre une plante, un arbrisseau, un tubercule, une bouture pour qu’ils s’y
développent" (dans tous les cas sans exemple). (iv) Par ailleurs, cet emploi est absent de FEW 9, 20b, plantare ; il est documenté dep. 1789 (« Un autre moyen […] pour rendre les pommes de terre plus hâtives […], c’est de les
planter de très-bonne heure » Parmentier [originaire de Montdidier (Somme)], Traité sur la culture et les usages des pommes de terre […], 55 ; 1821, Mathieu de Dombasle, Le Calendrier de l’agriculteur, 68). (v) Autres sources lexicographiques et témoignages : Mistral s.v. faire : « faire de trufo […] planter des pommes de terre » ; Mâcon 1926 s.v. mère ; PoirierAcadG s.v. germon et s.v. plante ; DuraffVaux 1941 ; DuprazSaxel 1975 dans la définition de pat. repyo ; TuaillonVourey 1983 dans l’ex. s.v. cale ; ChambonÉtudes 1999, 255 (= DuraffVaux) ; « D’une manière constante, dans toute la région, on plante les pommes de terre ; le plant lui-même s’appelle la plante » (comm. de M. Tamine). En Belgique, « planter des pommes de terre se dit fort bien, à côté de planter un arbre, des oignons, des tulipes, des haricots » (Hanse 1994) et « planter aux pommes de terre » (PohlBelg 1950 ; « en Wallonie, on plante les pommes de terre, au départ de plants », comm. de M. Francard). (vi) Atlas régionaux : ALO 255 (le type ‘planter’ coexiste avec le type ‘semer’ (majoritaire dans le sud Vendée, dans l’est de la Charente-Maritime, dans la Charente
et dans l’est des Deux-Sèvres ; ALJA 381 (le type ‘planter’ est dominant dans le Jura, la Haute-Savoie et l’Ain, et le commentaire indique :
« on remarquera que dans beaucoup d’endroits [surtout Savoie et Isère] on dit “semer les pommes de terre” ») ; ALMC 198 (le type ‘semer’ est dominant) ; ALP 398* (le questionnaire indique ‘semer les pommes de terre’, mais une trentaine de points ont le type ‘planter’).
– plant(s) de pommes de terre : (i) Frantext : M. Van der Meersch 1935. (ii) EnqDRF 1994-96 : Ø. (iii) Dictionnaires généraux du 20e siècle : Ø.
Au total, et sous réserve, comme on l’a dit, d’une enquête complète, il semble bien
que l’aire de dispersion de planter confirme la place dominante que lui accorde le français de référence. Le verbe a
été choisi comme le moins inadéquat, les tubercules s’apparentant plus à un plant
qu’à une semence. Pourtant, si cette place est dominante, elle n’est pas exclusive :
le Grand-Ouest et le Sud-Ouest font une large place à semer*, avec lequel planter partage l’espace françaisa.
2. Cet emploi, qui n’a été relevé qu’en Lorraine (où planter les haricots est documenté dep. 1821, dans Mathieu de Dombasle, op. cit., 103) et en Belgique (v. Hanse 1994 supra), est ignoré de la lexicographie générale
et relevé par le seul LanherLitLorr 1990 ; aj. à FEW 9, 20b, plantare.
a Mais le type du français de référence est aussi présent dans l’Ouest : « D’un coup sec de hoyau qui éventre la glaise, elle plante des patates » (H. Bazin, Qui j’ose aimer, 1956, 285-286) ; « Un jour, une bande d’enfants vint chercher Francis pour jouer. Il avait alors cinq
ans. Nous plantions des pommes de terre ensemble. “Francis est à l’autre bout du champ, dis-je aux petits. Laissez-le, car nous aimerions
planter toutes les patates aujourd’hui et nous avons bien besoin de son aide […]”. » (J. Ropars, Au Pays d’Yvonne, 1993 [1991], 50).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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