prix fait ou prix-fait n. m.
1. 〈Loire (Poncins)〉 "prix convenu d’avance entre les parties pour un travail à exécuter" (GononPoncins 1984).
1. Révision du prix fait de l’employé communal chargé de l’entretien du cimetière. (Délibération du Conseil
municipal, 1983, GononPoncins 1984.)
— Par métaph.
2. J’ai, cher Ami, malgré le rude « prix-fait » auquel je suis attaché, jeté ces notes fragmentaires sur le papier, pour les offrir
à mes élèves et mes amis de Gothembourg, et au maître aimé qui se prodigue à eux sans
compter, et les anime de sa foi. (A. Duraffour, « Notes d’exégèse stendhalienne », dans MélMichaëlsson 1952, 126.)
— 〈Savoie, Isère, Provence, Languedoc, Pyrénées-Orientales, Lozère, Haute-Loire (Velay),
Auvergne, Aquitaine〉 vieillissant à prix faix, à prix-fait loc. adv.
● "pour une somme globale fixée d’avance (et non selon le temps passé à l’accomplissement
de la tâche)". Stand. au forfait, forfaitairement. – Prendre des vignes à prix-fait (BoisgontierAquit 1991).
3. Une année, il avait traité à « prix fait » la concession du moulin : travaillant le jour, moulant la nuit. (R. Canac et B. Boyer,
Vivre ici en Oisans, 1991, 141.)
● "pour une rémunération fixée d’avance et correspondant globalement à un travail déterminé
(et non selon le temps passé)". Stand. à la tâche. – Vendanges à « prix fait » (L. Chaleil, La mémoire du village, 1989 [1977], 88).
4. […] ces Gavots, venus en caravane des montagnes lointaines et primitives, de leur
Gévaudan, pour travailler à prix fait. On leur donne une vigne à vendanger, ils y passent le temps qu’ils veulent, le prix
est le même, c’est pourquoi les Gavots vont vite, ils veulent de l’argent. (J.-P. Chabrol,
La Gueuse, 1966, 498.)
5. Pour réparer ce vieux mur, le maçon a accepté de travailler à prix fait. Je sais pas s’il le regrette pas un peu : c’est plus long qu’il croyait pas [sic]. (TuaillonVourey 1983, 304.)
6. Avant 1914, mes grands-parents, alors jeune couple, ne rechignaient pas à manier ensemble
l’énorme scie de long qui servait à débiter les poutres et les planches. Ils prenaient
à prix fait des chantiers entiers de charpente dans toute la région. (R. Béteille, Souvenirs d’un enfant du Rouergue, 1984, 26.)
7. L’été signifie aussi des travaux sur les sentiers, « à prix fait », afin de gagner l’argent pour s’acheter pâtes, riz, sucre, café et toute l’épicerie
[…]. (R. Canac et B. Boyer, Vivre ici en Oisans, 1991, 123.)
● "pour une rémunération fixée d’avance et correspondant à un quantum de production déterminé
(et non selon le temps passé)". Stand. aux pièces.
8. Au moment de la Saint-Jean d’été, – c’était la date traditionnelle – nous « montions » un après-midi jusqu’à la propriété de notre choix et nous nous faisions inscrire
auprès du régisseur. Les gens choisissaient les lieux selon des critères divers. […]
Certaines femmes tenaient au dimanche, non seulement pour la messe mais encore pour
assurer la tenue de leur maison, pour laver, pour cuisiner. D’autres, au contraire,
voulaient faire le maximum de journées, le maximum d’argent. Au moment où je commençai
à faire les vendanges, dans certaines propriétés on travaillait encore à « prix-fait ». Plus on sortait de comportes, plus on était payé. C’était épuisant, mais des hommes
et de solides coupeuses, souvent sans famille, acceptaient. On disait qu’ils arrivaient
à se faire des journées qui en valaient presque deux. (M. Rouanet, Le Troupeau d’abeilles, 1983, 103.)a
a Passage mal interprété, à notre sens, par CampsLanguedOr 1991, qui, de plus, corrige
arbitrairement la graphie.
— ne pas être à prix fait loc. verb. fig. "(our indiquer qu’un travail n’a pas besoin d’être exécuté avec rapidité)". Stand. ne pas être aux pièces, ne pas être à la tâche. – Dis, c’est pas la peine de se décarcasser, on est pas à prix fait (MazodierAlès 1996).
9. Doucement ! Va doucement ! que* nous ne sommes pas à prix fait ! (P. Magnan, L’Amant du poivre d’âne, 1988, 20.)
10. – Allez, zou*, après tout on est [sic] pas à prix-fait[,] venez donc boire un petit coup […] ! (G. Ginoux, Gens de la campagne au Mas des Pialons, 1997, 137.)
■ variantes. au prix-fait (BoisgontierAquit 1991, s.v. prix-faiteur, dans la métalangue) et Puy-de-Dôme (Ceyrat) à prefait (BonnaudAuv 1976) dont le signifiant est marqué dialectalement.
— 〈Savoie〉 avoir à prix-fait de faire qqc. loc. verb. fig. "faire (qqc.) de propos délibéré, avec insistance" (GuichSavoy 1986). Il a vraiment à prix-fait de nous embêter, aujourd’hui (GuichSavoy 1986).
2. Par méton.
— 〈Aquitaine〉 "travail agricole exécuté pour un prix convenu d’avance" (BoisgontierAquit 1991).
— 〈Gironde〉 "superficie de vignes qui doit être travaillée pour un prix déterminé" (BoisgontierAquit 1991).
■ dérivés.
1. 〈Gironde〉 prix-faitage, n. m. "mode d’exploitation des vignes travaillées à prix fait" (BoisgontierAquit 1991). « Mode de faire-valoir : l’exploitation [viticole] est confiée, en 1943, à un bordier. Ce terme désigne ici [à Saint-Émilion, Gironde] un salarié, rémunéré selon un barême
fixé à l’avance pour les différentes tâches qu’il exécute (et qui concernent toujours
la viticulture) ; il est en outre logé et dispose d’un petit jardin potager. Ce type
de contrat est nommé : prix-faîtage [sic] » (P. Bidart, G. Collomb, L’Architecture rurale française. Pays aquitains, 1984, 105).
2. prix-faiteur, prifaiteur, n. m. "celui qui travaille à prix fait". « À La Louvesc les prifaiteurs travaillaient pour un prix convenu à l’avance “le prix fait”* » (M.-H. Reynaud, dans M. Carlat, L’Ardèche, 1985, 248 [Le contexte indique qu’il s’agit de bûcherons]). – En part. 〈Gironde〉 "vigneron qui travaille des vignes à prix fait" (DuclouxBordeaux 1980 ; BoisgontierAquit 1991).
◆◆ commentaire. Composé basé sur un syntagme verbal du type de faire le prix "convenir d’avance d’un prix" (Beaujolais 1572, Journal de Guillaume Paradin, éd. M. Métras, Genève, Droz, 1986, 39 ; cf. frm. faire son prix "débattre le prix de qqc. à l’avance" PuitspeluLyon 1894) ou sur la proposition participiale prix fait "le prix étant déterminé à l’avance" (sur le même modèle que forfait, FEW 3, 738a ; TLF). La diffusion géographique en français paraît avoir connu trois étapes : d’abord
régional, le mot est entré dans le standard, puis il a reflué, du moins dans la langue
courante, sur son aire méridionale d’origine. Ce type lexical apparaît d’abord en
effet en occitan : aocc. pretzfach (et nombreuses variantes) n. m. "prix convenu d’avance pour un travail (Digne, Avignon, Nîmes, Cahors, Albi, St-Flour,
Montauban, Montréal 1287-1530) ; travail exécuté pour un prix convenu d’avance (Digne,
Tulle 1449-1453)" (Rn ; Lv ; MeyerDoc 275 ; Pans ; Pans 5 ; DobelmannCahors ; P. Olivier, comm. pers. ;
FEW), a prestsfach loc. adv. "pour un prix convenu d’avance" (Albi 1359/1360, Lv), a pres fag (lang. 14e s. Rn), a pres fac (Embrun 1506, MeyerDoc 449) ; cf. aussi afrpr. prifet (Lyon 1390, DurdillyDoc 521). On relève ensuite mfr. priffait/priffayt (parfois sous des formes encore marquées dialectalement) "prix convenu d’avance pour un travail" dans la région lyonnaise, en Bourbonnais et en Saintonge (Forez 1382-1428, CompteMontbrison
11, 13, 23, 24, 26, prif(f)at ; GononDocForez 246, 257, 260, 279, 281, etc. ; St-Jean-d’Angély 1412, RLiR 47, 488 ;
Beaujolais/Lyonnais ca 1450, Gdf [aussi "travail exécuté pour un prix convenu d’avance"] ; s.l. 1455, Gdf ; Moulins 1498, prefait, ChartesBourbonnais 406), a prif(f)at "pour un prix convenu d’avance" (Montbrison 1382/1383, CompteMontbrison 10, 13), a priffait (Forez 1400, GononDocForez 239, 240 ; Lyon 1417, Gdf ; Beaujolais/Lyonnais ca 1450, Gdf). En français préclassique, prix fait ou variantes est employé de façon privilégiée, au sens de "besogne, entreprise, tâche", par des auteurs ou dans des textes méridionaux (1509, MystTrDoms 8930, priffet, représenté et copié à Romans, auteur grenoblois ; 1533, Délibérations consulaires
de Lyon, v. Mecking RLiR 64, 300 ; impr. Lyon 1532/1550, TissierRecFarces 2, 88, preffait, texte localisable dans la région lyonnaise, v. Chambon Z 112, 389-390 ; Monluc, éd. Courteault
683 ; Montaigne, Huguet ; Charron dont le vocabulaire est marqué de méridionalismes,
Huguet ; FrSales, Huguet), de même que à prix fai(c)t (Calvin, dont le vocabulaire est marqué par son séjour à Genève, Frantext ; Montaigne, Huguet ; Rodez 1587, a prisfaict, LRaisonAustry 57 ; Serres 1600, Littré) et en prifaict (Chalmazel 1525, DrouotDocLivradois 3, 8). Au total, l’ensemble des attestations
textuelles pré-modernes permet de déceler une régionalité méridionale au sens large
qui ne paraît pas douteuse. On comparera aux données dialectales de FEW, qui sont
pratiquement toutes situées au sud d’une ligne Saintonge-Ain, dans le sens de "travail à forfait".
À partir d’Est 1538 (v. FEW) cependant, et jusqu’à TLF, pris fait > prix fait pénètre dans les dictionnaires du français avec le sens de "prix convenu d’avance pour un travail" (Nicot 1606 ; Pomey 1671 ; Fur 1690-Trév 1771 ; Ac 1694-1835 ; Raymond 1832 ; Littré ;
Lar 1875 ; Guérin 1892 ["marché à forfait"]) ; Frantext l’atteste de 1598 (chez Palma-Cayet, Tourangeau) à Alain (1936) chez des auteurs
ou dans des textes où l’emploi ne peut pas ou ne peut guère être suspecté de régionalité
(1669, Naudé ; 1756 et 1768, Voltaire ; 1780, Mirabeau ; 1791, Sieyès [né à Fréjus]),
y compris dans la langue de la tragédie (1645, Tristan l’Hermite ; 1737, Lesage),
du droit et de l’économie (1804, Code civil, aussi à prix fait ; 1846, Proudhon ; 1960 [2] et 1963 dans des textes techniques). Le mot a donc connu
une réelle dérégionalisation, dont témoigne aussi, indirectement, l’unique attestation
dialectale septentrionale (Moselle) de FEW.
Dans le français courant, il paraît cependant s’être aujourd’hui replié sur son terrain
d’origine (Rob 1985 le donne comme « vieilli » – entendre « vieilli en français central ») : prix fait "tâche ; entreprise à la tâche" est considéré comme fautif dès Sauvages 1756, puis par VillaGasc 1802, RollandGap
1810 et PomierHLoire 1835, et en 1879, Vayssier critique à prix fait "à forfait", « très usité » en Rouergue (ChambonVayssier) ; BrunMars 1931 relève prix-fait "contrat (spécialement avec un entrepreneur)" (corriger l’indication donnée dans FEW) ; on peut considérer aussi comme régionaux
les emplois littéraires chez Stendhal ("tâche à forfait", 1842, Frantext) et Pesquidoux (1928, Frantext). C’est probablement la continuité de la terminologie juridique (cf. la remarque
de BrunMars 1931 : « vieux mot conservé dans la pratique ») qui explique la transmission et le maintien du mot, lequel s’applique surtout, à
l’heure actuelle, à des rapports économiques ou à des formes de rémunération occasionnels
et/ou archaïques. – DuraffVaux 1941 ; ManteIseron 1980 travailler à prix-fait ; CampsLanguedoc 1991 « partout » ; CampsRoussillon 1991 ; LaloyIsère 1995 ; GuichSavoy 1986 ; MazodierAlès 1996 ;
ChambonÉtudes 1999, 250. ; FEW 9, 371b, pretium.
Le dérivé prix-faiteur appartient à un type attesté, avec le sens relevé ci-dessus et sous cette forme,
en Saintonge, à Marmande et, dep. 1759 (v. encore LittréSuppl), en Gironde ; dans
des sens voisins et sous différentes variantes à Lyon (mfr. 1445), en Lyonnais/Beaujolais
(mfr. ca 1450 [corriger la localisation de FEW, cf. ThomasEss 64]) et dans le Centre à date
contemporaine ; v. FEW (sans corrélat en occitan, où est connu au contraire, dep.
1350, le type prefachier). prix-faitage représente une dérivation parallèle (Ø FEW).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Hérault, 90 % ; Aude, 75 % ; Lozère, 70 % ; Gard, 65 %.
|