quintal n. m.
I. 〈Alsace, Haute-Savoie (Saxel), Rhône (Beaujolais), Loire, Isère, Drôme, Alpes-de-Haute-Provence,
Hérault, Aude, Ardèche, Auvergne, Corrèze, Dordogne〉 rural, vieillissant
1. "unité de poids correspondant à cent livres, soit cinquante kilogrammes".
1. Chacun mettait mentalement au point sa balance et, après mûre réflexion, déclarait :
– Je l’estime [un porc] à trois quintaux et demi. Plutôt plus que moins. (P. Gougaud, L’Œil de la source, 1978, 152.) 2. Un quintal, fiston, que ce soit chair de blé ou chair de femme, c’est toujours un quintal. Peu d’hommes peuvent le soulever surtout lorsqu’ils sont en position horizontale
[…]. (P. Magnan, Les Secrets de Laviolette, 1993 [1992], 276.)
3. Le cérémonial voulait qu’on pesât d’abord exactement la bête [porc] avant de la sacrifier.
– Combien ? demanda Léonce au tueur professionnel venu de Lescure. – 197 kilogrammes et 50 grammes. – Ça fait combien de quintaux ? – Presque quatre [en note : Le quintal auvergnat pèse cent livres, et non pas cent kilos]. (J. Anglade, La Soupe à la fourchette, 1996 [1994], 178.) 4. Ce fut pourtant pour les producteurs alsaciens, une « campagne difficile », après la perte de 700 quintaux [en note : Des quintaux, qui, selon les mesures en vigueur chez les houblonniers, ne font
que 50 kg…] de houblon sur une récolte de 21 963 quintaux, d’où des problèmes de livraison. (Dernières Nouvelles d’Alsace, éd. Strasbourg, 25 août 1998, TE 4.)
V. encore ici ex. 7.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident ou en contexte métalinguistique.
5. Dans le bateau bien sec, par paquets ruisselants, le poisson est déversé : plus de
six quintaux (trois cents kilogrammes). (B. Vallette, Dordogne ma mie. Souvenirs d’un pêcheur de Dordogne, 1980, 90-91.)
6. On vendait les pommes de terre au quintal, mais au quintal de cent livres – j’ai vu encore utiliser de façon courante sur les marchés environnants
le quintal de 50 kilos ! (Ch. Forot, Odeurs de forêt et fumets de table, 1987, 272.)
7. […] un bout de bureau et, derrière, trois quintaux de chair flasque. Il est vrai qu’en
occitan, le quintal ne fait que cinquante kilos. (Y. Rouquette, La Mallette, 1994, 80.)
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
8. […] il s’agissait de ce prétendu quintal de cent kilos et non de celui en usage dans
le pays et qui voulait que le terme quintal soit la somme de cinq fois dix kilos. Cette unité de mesure, dont tout le monde se
servait, créait d’ailleurs des conflits entre générations. Instruits par l’instituteur,
les jeunes disaient qu’un quintal pesait cent kilos et que son nom, contrairement
à ce que croyaient les ignares, ne venait pas du vieux français quinte, mais de l’arabe
quintar ! (Cl. Michelet, Des grives aux loups, 1979, 198.)
— Dans des loc. nom. m. quintal auvergnat/ (moins usuel) d’Auvergne ; quintal corrézien par plaisanterie "id.". Un cochon de huit quintaux auvergnats (J. Anglade, Les Ventres jaunes, 1981 [1979], 16).
9. Mais comment la [une vache foudroyée] transporter ? Difficile de la charger sur un
tombereau ! Une bête qui pesait bien douze quintaux d’Auvergne ! (J. Anglade, La Soupe à la fourchette, 1996 [1994], 97.)
V. encore ici ex. 3.
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
10. Le quintal auvergnat vaut la moitié du quintal français, soit dit en passant pour ceux qui l’ignorent.
(J. Anglade, Les Ventres jaunes, 1981 [1979], 16.)
2. 〈Loire (Roanne)〉 Par méton. et par restr. "sac de charbon". J’ai fait rentrer dix quintaux pour cet hiver (MichelRoanne 1998).
II. 〈Alsace〉 quintal d’Alsace loc. nom. m. "variété de chou-pomme, de forme aplatie, avec lequel on prépare la choucroute". Krautergersheim [Bas-Rhin], la capitale du « quintal d’Alsace » (Le Monde, 24 septembre 1994, 6.)
— En appos.
11. Maman* cultivait du chou « quintal d’Alsace » pour notre propre consommation. (S. Morgenthaler et al., Les Meilleures Recettes d’Alsace, 1992, 37.)
12. Le chou quintal d’Alsace symbolisait le chou idéal avec sa pomme volumineuse et plate. […] Mais les variétés
traditionnelles présentent des défauts de tardiveté et de fragilité de la pomme. Aussi,
avec l’INRA, un programme de sélection d’obtention de variétés de type alsacien adaptées
aux techniques modernes a été mis en place. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Alsace, 1998, 268.)
□ En emploi autonymique. Le chou à choucroute est dit « quintal » (Le Monde sans visa, 5 janvier 1991, 17).
13. […] au commencement de la bonne choucroute, il y a le chou. Mais pas n’importe lequel.
Le vrai, le seul est un énorme chou du nom de quintal d’Alsace. Hélas, il a beau être colossal, il frime, il est fragile de la feuille. Bref, au
nom du progrès, le voilà supplanté par un chou hybride venu de Hollande […]. (P.-M. Doutrelant,
La Bonne Cuisine et les autres, 1986, 133.)
■ encyclopédie. Comme l’indiquent les ex. 12 et 13, le chou quintal est aujourd’hui en voie d’être
supplanté par des obtentions hybrides.
◆◆ commentaire.
I. Attesté dep. l’afr. (ca 1220, TLF), quintal "poids de cent livres" a survécu à l’adoption du système métrique, institué en France le 7 avril 1795, dans
quelques régions (principalement l’Alsace et le quart sud-est de la France) où le
français rural l’a conservé ; encore ces aires ne sont-elles sans doute pas limitatives,
comme le ferait peut-être apparaître une enquête d’ensemble. Les dictionnaires généraux
contemporains ne mentionnent pas cet usage régional (qui est communément objet de
plaisanteries sur l’ambivalence du mot dont la valeur référentielle est connue de
tous) et considèrent ce sens seulement comme « anc. » (GLLF, TLF, Rob 1985, Lar 2000) ; seul NPR 1993-2000 l’indique, mais pour le Canada
("112 livres"), il est en effet usité dans le français d’Amérique avec diverses valeurs voisines,
au Québec (ALEC 849 et 2310)a et à Saint-Pierre-et-Miquelon (DéribleSPM 1986 ; BrassChauvSPM 1990b).
II. Probablement par exagération plaisante de fr. région. (v. ici ex. 4) quintal "poids de cent livres", ce volumineux chou pouvant atteindre le poids de 12 à 15 kg. Non documenté avant
1938 (LarGastr), ce sens est ignoré de la lexicographie générale et régionale.
a Si quintal "poids de cent livres" est resté courant dans le milieu agricole, le système international d’unités (version
moderne du système métrique) remplace progressivement l’ancien système (TLFQ).
b Cf. « Après vingt minutes de lutte, le treuil arrache au fond la proie convoitée. Aile de
l’arrière en loque [sic], ventre ouvert, le chalut, malgré ses blessures, ramène quarante quintaux [en note : À Terre-Neuve, le quintal est de 50 kg de morue. À la livraison on comptait 55
kg car on estimait qu’il restait 10 % de sel adhérant à la chair] de sa périlleuse
expédition » (J. Recher, Le Grand Métier, 1977, 332).
◇◇ bibliographie. (I) Mâcon 1926 ; PierdonPérigord 1971 ; DuprazSaxel 1975 ; BonnaudAuv 1980 quintal faible ; ManteIseron 1980 ; TuaillonVourey 1983 « pas complètement disparu » ; GononPoncins 1984 ; MartinPellMeyrieu 1987 ; MartinPilat 1989 « usuel à partir de 60 ans, en déclin au-dessous » ; DucMure 1990 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; BlancVilleneuveM 1993 « mot-souvenir encore connu au-dessus de 50 ans » ; FréchetMartVelay 1993 « bien connu à partir de 40 ans » ; PotteAuvThiers 1993 ; FréchetAnnonay 1995 ; FréchetDrôme 1997 « globalement bien connu » ; MichelRoanne 1998 "sac de charbon" « au-dessus de 40 ans » ; ALMC 1786 « Le quintal = 50 kg » ; FEW 19, 94a-b, kintar. – (II) LarGastr 1938 « le chou quintal d’Alsace » s.v. choucroute ; aj. à FEW 19, 94b, kintar.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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