ressuyer v.
1. 〈Surtout Champagne, Lorraine, Haute-Saône, Doubs〉 Emploi tr. "rendre sec". Stand. sécher. – Des bises* qui ressuient la terre (GarneretLantenne 1959).
1. – Vous creusez un trou d’environ 60 cm dans la terre et vous y déposer vos carottes,
navets…
– Faut-il que je retire les fanes ? – Bien évidement, et surtout, n’oubliez pas de ressuyer vos légumes avant de les enterre… – Ah bon ! il faut les ressuyer ? – Oui, pour éviter le pourissement. (Radio-bleue-sud-Lorraine, 25 novembre 2000. Conseils à une auditrice sur la façon de conserver les légumes du jardin en hiver.) □ Avec un commentaire métalinguistique incident.
2. Dès que le soleil avait « ressuyé » (séché) la rosée du matin sur les feuilles de vigne, les vendangeuses caquetantes
se mettaient en place dans les rangées de ceps […]. (G. Parent, La Fanfouette, 1986, 22.)
— Emploi abs. Tu as versé [= renversé] ton verre, reste là, je vais ressuyer (GuilleminRoubaix 1992).
2. Emploi intr. ou pron.
2.1. 〈Lorraine〉 "éliminer son humidité". Stand. égoutter, sécher. – Laisse ressuyer cette serpillière / ce lainage sur le fil (RoquesNancy 1991). Des pantoufles […] en train de ressuyer (G.-J. Feller, Libre enfant de Favières, 1998, 179).
3. Sitôt cuites [les tartes], elle les déposait sur les plateaux en osier. Ce genre de
plateau fabriqué maison […] permettait à la vapeur de s’échapper rapidement, par le
dessous comme par le dessus, donc de se « ressuyer » vite, condition essentielle pour que la tarte reste croustillante. (L. Renoux, Un village alsacien-comtois aux années vingt, 1984, 95.)
4. – Ouah !… Ses pattes [d’un chien] auront eu l’ temps d’ se ressuyer dans la cuisine et dans l’ couloir avant qu’il arrive dans la piaule. (R. Vuillemin,
La Chasse aux doryphores, 1989, 111.)
2.2. Par restr. 〈Lorraine〉 [Le sujet désigne le temps atmosphérique] se ressuyer en neige "se transformer en neige, donner de la neige".
5. – Fichu temps, dit-il aux deux femmes, quante [sic] le vent-là s’arrêtera, ça se ressuiera en neige… sûr et certain… (J. Desgênes, La Grange du Hazard, 1949, 39.)
6. Les grandes pluies de la semaine passée se sont « ressuyées » en neige. (J. Desgênes, La Grange du Hazard, 1949, 46.)
3. 〈Champagne, Ardennes, Vosges〉 au part. passé/adj. ressuyé, ‑ée "séché après une forte pluie". Foin, linge, sol ressuyé (TamineArdennes 1992).
7. – Le temps est avec nous, disait Clopineau en se frottant les mains. […] si le vent
tient, ça sera vite ressuyé […]. (B. Clavel, L’Espagnol, 1968 [1959], 332.)
8. Lorsque le vagabond est bien « ressuyé » et qu’il a oublié le froid, il se sent revivre. (La Revue lorraine populaire, n° 27, avril 1979, 113.)
9. Dans un tumulte d’eau, de vent et de tonnerre, l’orage avait balayé la colline durant
des heures. […] Pierre avait attendu que le tronc du grand marronnier […] fut [sic] ressuyé avant que d’y monter. (G. Garillon, Vosges de mon enfance, 2000, 66.)
◆◆ commentaire. Type lexical du nord-est de la France (et de Belgique), attesté sous cette forme dep.
1165-1170 (« li a ses plaies levees Ressuiees et rebandees » Chrétien de Troyes, v. TLF) et toujours attesté dans cette aire comme usuel et dans
des emplois variés, alors que le français de référence l’enregistre avec des discordances
qui trahissent un terme en désuétude : GLLF, sans marque ; Rob 1995 et NPR 1993-2000
(« vx ou régional ; agric. ») ; TLF (« vx » pour l’emploi tr. ; sans marque pour l’emploi intr.) ; Lar 2000 "essuyer de nouveau ; faire sécher", sans marque). La base Frantext indique un usage, qu’on qualifiera de « littéraire », particulièrement élevé chez Gide et Gracqa ; pour sa part, PohlBelg 1950 témoigne de l’ambiguïté avec laquelle est perçu le
terme (« ressuyer et ressuiement souvent considérés, à tort, comme des termes dialectaux »).
a V. encore H. Bazin, L’Huile sur le feu, 1954, 120 : « Malgré les pluies récentes, le vent a tout ressuyé. Aiguilles, brindilles et broussailles sont aussi sèches qu’au cœur de l’été. »
◇◇ bibliographie. GarneretLantenne 1959 ; RobezVincenot 1988 ; LanherLitLorr 1990 ; CartonPouletNord
1991 (région lilloise) "essuyer" ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; RoquesNancy 1991 ; GuilleminRoubaix 1992 ; TamineArdennes
1992 ; DuchetSFrComt 1993 ; TamineChampagne 1993 ; LesigneBassignyVôge 1999 ; FEW 3, 324a, exsucare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Moselle, 100 % ; Meuse, 50 % ; Meurthe-et-Moselle, 35 % ;
Vosges, 15 %. – (au part. passé/adj.) Meuse (nord), 100 % ; Marne, 90 % ; Ardennes,
Aube, 85 % ; Haute-Marne, 75 %.
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