revoyotte (à la –) loc. interj.
〈Lorraine (surtout Vosges), Haute-Saône, Doubs, Jura (nord et est), Haute-Savoie, Savoie〉 fam. "(salutation pour prendre congé)". Stand. au revoir, pop. à la revoyure. Synon. région. kénavo*.
1. – […] À la « revoyotte », je vous dirai si on a bien soupé*.
– À la « revoyotte », Maria. (R. Begeot, Glanes saônoises, 1974, 165.) 2. […] Meuchtol cria poliment : « à la revoyotte » à l’Anaïs et partit […]. (R. Fery, Les Racontotes des mamiches, 1980, 56.)
3. Désappointé de perdre une interlocutrice aussi malléable, Masson acquiesce :
– C’est bon, Mme Mourier. À la « revoyotte ». (D. Sidot, 12, rue de la Roulotte, 1981, 118.) 4. – Oui, et « ben » salut bien, hein ! À la « revoyotte » ! (A. Nicoulin, Les Prisonniers du bacul, 1987, 9.)
5. Sur ce, je vous dis […] selon la mode de chez moi : à la revoyotte ! (Gérald Antoinea, préface à L. Depecker, Les Mots des régions de France, Paris, Belin, 1992, 6.)
a Le recteur G. Antoine est originaire d’Allarmont (Vosges).
6. – Vraiment, vous ne voulez pas monter ?… Juste le temps de prendre un verre […].
– Non, vous êtes gentille, pas aujourd’hui… On est de la revue, non ? Allez, à la revoyotte, saluez bien votre père pour moi. (M. Dussauze, Le Pont du lac Saint-Point, 1995, 72.) ◆◆ commentaire. Ce dérivé sur fr. revoir, avec la forme typique de l’Est du suffixe diminutif ‑ette, est aujourd’hui en usage principalement dans les Vosges et en Franche-Comté (il a
aussi été relevé dans le patois de Clairvaux dans l’Aube en 1887 et sous la var. à la revoyatte dans le patois meusien de Cumières en 1940, FEW). L’absence de à la revoyotte de la plupart des travaux lexicographiques du 19e siècle (il est attesté en français dep. 1896) et des relevés de régionalismes du
début du 20e siècle semble indiquer une diffusion relativement récente, qui s’est probablement
faite au détriment d’autres locutions comme à nous revoir (DuchetSFrComt 1993 : Haute-Saône), à la revoyance (BoillotGrCombe 1929 ; cf. jusqu’à revoyance, attestée comme loc. « de la Bretagne » de Littré 1870 à Lar 1949) et, surtout, à la revoyure, enregistré dans les dictionnaires du fr. non conventionnel (ainsi BauchePop 1928 ;
CellardRey 1980 ; ColinArgot 1990) et dans les dictionnaires généraux avec la mention
« pop. » (GLLF ; TLF) ou « fam. » (Rob 1985, NPR 1993)a ; cette dernière locution, dépouillée de sa connotation « pop. » semble d’un usage courant dans le Jura viticole et en Haute-Saône, régions où elle
est en concurrence avec à la revoyotte. Le tour à la revoyotte a été aussi signalé en Champagne (RéginVallage 1992, qui donne aussi à la revoyure) et en Lorraine (MartinVosges 1993, 4e de couverture, mais non à la nomenclature) ; il n’est pas pris en compte par les
dictionnaires généraux contemporains. Il est inconnu en Suisse romande, où Pierreh
relève à la revoyance et à la revoyure (ce dernier comme plus usuel).
a Attestations anciennes (non marquées diatopiquement) de ces expressions : « À nous revoir. Je vais me préparer » ([Fatouville], Arlequin Mercure galant, 1681, dans Gherardi, Le Théâtre italien, t. 1, 10) ; « (À Colombine qui sort). A nous revoir à la Comédie » (Delosme, Mezzetin grand sophy de Perse, 1689, ibid., t. 2, 343) ; « À c’tte revoyance, mère Nantaise, et la compagnie » (Le Cabinet de lecture, n° 237, 5 juillet 1937, 14b) [revoyance s. f. est attesté en 1802 par Nisard, Etudes sur le langage pop., 297 ; c’est alors une forme poissarde] ; « goupillon, partant – A la revoyure, je me sauve… salut, la compagnie » (H. Lelièvre, Album grotesque, Rouen, 1827, 19). Comm. de P. Enckell.
◇◇ bibliographie. FertiaultVerdChal 1896 à l’arvoyote ; BlochVosgesMérFr 1921, 128 « Pour dire adieu, au revoir, la locution à la rwayòt est usitée même au Thillot » ; BoillotGrCombe 1929 ; MarMontceau 1938 ; DromardDoubs 1991 ; ColinParlComt 1992 ;
RobezMorez 1995 ; JacquotChampagney 1998 ; FEW 14, 423b, videre.
△△ enquêtes. EnqDSR 1994-96. Taux de reconnaissance : Haute-Saône, 100 % ; Doubs, Jura, 65 % ; Territoire-de-Belfort,
30 %.
|