rousse n. f.
〈Champagne, Lorraine, Franche-Comté〉 usuel "poisson comestible (Cyprinidés), vivant dans les eaux douces tranquilles ; variété de cette espèce, aux yeux et aux
nageoires rouges" Stand. gardon et rotengle. – Tanches, carpes, rousses et chevênes à l’épais goût de vase (R. Collin, Les Bassignots, 1969, 100).
1. Ils prirent, ce matin-là, une des plus belles perches qu’ils avaient jamais prises
à la ligne ! La dame tanche, point !… Mais plus tard, dans l’après-midi, ils avaient
trouvé un banc de rousses ; aussi c’est une bonne dizaine qu’ils en avaient ramené, le soir. (P. Arnoux, Afin que rien ne se perde…, 1984, 164.)
2. La pointe de ses sabots est agressive, tant elle se redresse ; Claire qui connaît
bien l’Ami, sait qu’il l’a voulu ainsi : c’est là que, d’un coup sec, il fait passer
de vie à trépas un blanc ou une rousse sortie toute frétillante de son étang […]. (J. Lazare, L’Ami Pouchu, 1988, 118.)
3. Mon père vidait la bourriche dans le bac de l’évier blanc, rinçait celle-ci minutieusement
et après ce rituel chacun pouvait admirer les poissons, des perches très prisées,
mais seulement au printemps, de la tanche, beaucoup de rousses et quelques perches canadiennes que mes petits frères appelaient « soleils ». (J. Bader, J’avais 5 ans en 1943, 1994, 145.)
4. Ils connaissaient parfaitement les fonds, savaient où lancer la ligne, entre les herbes
où se réfugiaient les poissons, ou encore sous une barque, abri des perches et des
rousses. (M. Dussauze, Le Pont du lac Saint-Point, 1995, 132.)
V. encore ici ex. 5.
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
5. D’autres poissons peuplaient l’Ognon : chevesnes, perches, brochets, pour ne citer
que quelques-uns. Mais le gardon, « la rousse », tenait la meilleure place. « Combien as-tu pris de rousses ? » s’entendait dire le pêcheur qui ne revenait pas bredouille. (A. Olivier, Village comtois au cœur du siècle, 1997, 158-159.)
— Au sing. à valeur collective.
6. Au pied de Mont-Saint-Léger, sur la Gourgeonne où nous allions si souvent taquiner
la rousse et la vandoise : c’est en ces lieux bucoliques que Léopold Estienney installa une
scierie qui devint une grosse affaire. (P. Magnin, La Haute-Saône au temps du tramway. Age d’or et modernité, 1996, 45.)
7. Face à Port-Titi [au bord du lac de Saint-Point, dans le Haut Doubs], les deux fosses
du Petit et du Grand-Noir sont bien connues des pêcheurs, avec le plat des Sarrasins
entre les deux. Polo n’en démord pas : « Avant, le plat des Sarrasins était fameux pour la perche. Aujourd’hui, c’est fini. » La « rousse » (le gardon) se ferait rare elle aussi. (Pays comtois Magazine, n° 13, juillet-août 1997, 30.)
■ dérivés. 〈Ardennes (nord)〉 roussette ou 〈Ardennes, Meuse〉 rossette n. f. usuel "id.". « Son “vif” était sacrifié. Selon le fond et le courant, il le choisissait en maître : un goujon
bien dodu, relevé à une sortie d’égout, une “rossette” de taille moyenne, frétillante, aux nageoires et aux yeux rouges, ou bien encore,
un jeune chevesne […] » (G. Lemaître, Les Hommes du fond, 1957, 30).
◆◆ Type lexical attesté, sous diverses variantes, de la Belgique (roussette, DasnoyNeufchâteau 1852 ; rossète, FrancardBastogne 1994) à la Franche-Comté (roussotte*) en passant par la Meuse (roussatte, à Cumières, 1940, FEW). – TamineArdennes 1992 ; FEW 10, 590a, russus. ◆◆ commentaire. Dérivé sur l’adj. roux, rousse, en emploi substantivé – le poisson étant ainsi dénommé en raison de la couleur de ses branchies –, rousse a été accueilli dans la lexicographie générale dès 1765 (Enc) et il est encore enregistré
de façon sporadique et sans marque diatopique dans quelques dictionnaires du 20e s. (TLF « synon. usuel de rotengle », avec un exemple tiré d’un dictionnaire de pêche de 1827). Il semble cependant surtout
usuel dans l’aire franc-comtoise, où il a fait l’objet de relevés réguliers dep. 1876
(ContejeanMontbéliard 1876 ; BoillotGrCombe 1929 ; DoillonComtois [1926-1936] ; FleischJonvelle
1951, qui indique le mot gardon comme « inconnu ») et où il a pénétré le patois (ALFC Compl. cxxxi) ; à quoi s’ajoutent quelques traces du mot dans la Sarthe, la Côte-d’Or (encore
attesté en 1919a, il n’y est pas relevé aujourd’hui), les Ardennes et la Gaume (cf. FrancardBastogne
1994 s.v. rossète « en fr. rég. rousse »), la Champagne (RéginVallage 1992) et la Lorraine (Revue lorraine populaire, février 1975, 2). Le terme n’apparaît pas dans les relevés récents de régionalismes,
mais il se lit chez les auteurs régionaux contemporains (v. exemples ci-dessus).
a Cf. cette lettre d’un soldat du Midi à sa famille : « Auxonne [Côte-d’Or], 23 juin 1919. Hier après-midi j’ai été pêché j’ai pris deux ou
trois poissons qu’on appelle ici Rousse la Saône est énormément poissonneuse » (G. Bacconnier et al., La Plume au fusil. Les poilus du Midi à travers leur correspondance, 1985, 377 [sic pour la graphie et la ponctuation]).
△△ enquêtes. EnqDSR 1994-96. Taux de reconnaissance : Doubs, Jura, Territoire-de-Belfort, 65 % ; Haute-Saône,
50 %.
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