les citations
tomber v.
I. Emploi tr.
1. Ain, Loire (Roanne), Drôme, Gard, Hérault, Aude, Lozère, Ardèche, Auvergne usuel "abattre (un arbre ; un mur, une cloison)". On a tombé tous les pins du vieux cimetière, ils avaient la maladie (MazaMariac 1992).
1. Mais quelques jours après [une blessure à la main], sans attendre, mon père a tombé un arbre à la hache : la plaie s’est rouverte et s’est infectée. (L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 192.)
— Au fig. Clermont-Ferrand tomber qqn "venir à bout des capacités de résistance de". Stand. abattre.
2. – Ça l’a tombé ! Il a dû faire deux, trois ans de désintoxication. (Employé SNCF, env. 40 ans, Langeac, Haute-Loire, 25 janvier 1999.)
2. Ain, Loire, Isère, Drôme, Provence, Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Haute-Garonne (Toulouse), Aveyron, Lozère, Ardèche, Haute-Loire, Cantal, Puy-de-Dôme, Limousin, Dordogne usuel
2.1. "faire tomber ; laisser tomber".
— [Le sujet désigne une personne] Synon. région. échapper*. – Il tombe ses lunettes (R. Bastide et al., Alcools de nuit, 1988, 170).
3. – […] il a trifouillé dedans [un dictaphone]. Il a « tombé » une bobine – elle prononçait « tommbé » l’accent de l’Aveyron [sic sans préposition] – je l’ai ramassée. (A. Paraz, Une fille du tonnerre, 1952, 58.)
4. Nous avions une chatte noire, que nous appelions Hortense. Jean s’amusait avec elle et, un jour, il la tomba dans l’eau. (M.-Th. Chalon, Une vie comme un jour, 1976, 163.)
5. Hugues joue au ballon, « tombe » les quilles, participe au Tour de Saint-Martin à bicyclette […]. (J. Jaussely, Deux saisons en paradis, 1979, 155.)
6. Il s’est levé [par peur des punaises] comme poussé par un ressort. Ils tombent les deux lits. Il y a des couvertures et des draps partout. (Y. Rouquette, La Mallette, 1994, 85.)
7. Il nous arrivait parfois de bombarder pendant toute la récréation sans les [des tulipes] atteindre ; mais lorsque nous parvenions à en tomber une c’était un cri de joie. (D. Bayon, Au flanc de ma colline, 1995, 45.)
8. Le râteau servait à rassembler les quelques brins qu’on avait tombés en envoyant les fourchées [de foin] sur la charrette. (L. Merlo, J.-N. Pelen, Jours de Provence, 1995, 218.)
tomber la poussière loc. verb. "dépoussiérer, faire le ménage".
9. L’ostal et ses occupants devaient être astiqués pour recevoir les invités. Elles [les femmes] avaient, en conséquence, « tombé la poussière », récuré les cuivres, lessivé la vaisselle réservée aux grandes occasions […]. (A. Durand-Tullou, Le Pays des asphodèles, 1990 [1989], 122.)
Hérault tomber les murs/tomber l’armoire loc. verb. "faire un grand nettoyage" (CampsLanguedOr 1991).
Emploi pron. réfl. "faire une chute". Où c’est que tu t’es tombé ? (GononPoncins 1984). Il s’est tombé en allant chercher le chat au galetas (DucMure 1990).
10. Nous étions évidemment en retard au rendez-vous fixé par mon père qui devait nous attendre avec impatience. Nous courûmes si fort dans la rue Chaussade aux trottoirs étroits et aux pavés disjoints que « je me suis tombée ». (M. Fouriscot, Marie la dentellière, 1987, 98.)
— [Le sujet désigne un inanimé concret] Le vent a toutes tombé les noix (DucMure 1990).
2.2. "cesser d’avoir (un élément constitutif)". Stand. perdre.
— [Le sujet désigne une personne]
11. Je suis vieille […]. Je tombe les dents et les cheveux. (G. de Lanauve, Les mémoires d’Anaïs, 1969, 298.)
12. Le médecin le lui dit toujours : « Il vous faut marcher, marcher. Vous tomberez quelques kilos. » Et même, il le fait, je peux vous le dire. Mais il est toujours aussi gros. (M. Rouanet, Je ne dois pas toucher les choses du jardin, 1993, 24.)
— [Le sujet désigne un arbre]
13. […] une tarte aux pommes d’un pommier tardif qui les « tombait » toujours avant qu’elles ne soient mûres. (H. Noullet, La Falourde, 1996, 94.)
14. Sapins très doux au toucher, ne tombent pas leurs aiguilles. (Écriteau à l’étal d’un marchand de fleurs, Clermont-Ferrand, 3 décembre 1999.)
II. Emploi intr. fam.
Nord il tombe que + prop. complétive. "il se trouve que".
15. On les voit toujours sur les photos marron pâle écrites au crayon derrière qu’il envoyait à ma mère […]. […] il tombe qu’ils s’étaient retrouvés, après la guerre […]. (A. Stil, Beau comme un homme, 1977 [1968], 97.)
Nord, Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Oise, Ardennes, Champagne, Clermont-Ferrand si ça tombe loc. phrast. "(pour présenter une éventualité)". Stand. éventuellement, peut-être, fam. si ça se trouve. – Si ça tombe, y a rien de vrai dans ce qu’ils disent (CartonPouletNord 1991). Vous devez avoir faim si ça tombe (Y. Gibeau, Mourir idiot, 1988, 223).
16. Quand je pense à mes beaux arbres fruitiers, des pommiers de la meilleure sorte ! Si ce n’est pas moi, qui s’en occupera ? On me les coupera si ça tombe… (J. Rogissart, L’Orage de la Saint-Jean, 1959, 130.)
17. – […] Je vais peut-être passer contremaître si ça tombe… (Y. Gibeau, Mourir idiot, 1988, 194.)
V. encore s.v. heure, ex. 9.

◆◆ commentaire.
I. Archaïsme issu du français général où la construction transitive de tomber (avec un COD humain ou inanimé) est bien représentée jusqu’à la période préclassique (ca 1213-début 17e siècle, TLF ; TL ; Gdf ; Huguet ; FEW 13/2, 403a, thumb-) avant de disparaître, proscrite par Malherbe (FEW), de la langue classique (Ø Cayrou et DuboisL) ; régulièrement dénoncé par la suite, au 17e sièclea et dans les recueils de cacologies dep. le milieu du 18e siècle, cet emploi, absent de GLLF, NPR 1993-2000, Lar 2000, est qualifié de « vx ou région. » (Rob 1985, citant Giono), « vx » (TLF, citant le même ex. de Giono)b. Avec un CDO (humain), tomber est revenu en fr. pop. du 19e siècle (lutteurs). Cet emploi couvre une vaste aire compacte du Sud-Est où il n’est pas exclu que l’usage parallèle de l’occitan depuis le 12e s. et du frpr. (FEW) a pu favoriser le maintien de cette construction transitive, attestée par exemple en Vivarais dep. la fin du 16e siècle (« l’eau […] tomba presque toute la muraille des jardin et mesmement celle des basses cours de la maison de Massebœuf » Les Mémoires de Achille Gamon, avocat d’Annonay en Vivarais, (1552-1586) […], Valence, J. Céas et fils, 1888, 35).
II. Attesté dep. 1928 en référence au français de l’Aisne (« […] Batiste a bossé avec les prisonniers allemands dans les fermes, et il a trouvé plaisant de leur prendre leur naturlich, comme il a pris aux gars de l’Aisne leur fameux idiotisme : si ça tombe, pour dire : peut-être » M. Stéphane, Ceux du trimard, 1928, 3-4, n. 1), ce tour dont la dispersionc donne à penser qu’il s’agit d’un archaïsme, se rattache à fr. tomber "arriver par hasard" (surtout dans des locutions comme tomber du ciel / à merveille / pile ; tomber bien / mal). Il est inconnu des dictionnaires généraux du français et absent de FEW s.v. thumb.
a « Il a pour opposé dans son espece le stile plat & bas, qui est composé de pensées & d’expressions basses, qui laissent une idée d’un esprit rampant & vulgaire ; & qui même est souvent mêlé de termes impropres & de barbarismes […], & le patois des Provinces, qui font un François corrompu de leur plus belle éloquence, un verbe actif d’un neutre, comme j’ay tombé mon gand, sortez ce cheval de l’écurie, &c. mettent un auxiliaire pour un autre, & font masculin ce qui est feminin » ([Antoine Courtin], Nouveau traité de la civilité qui se pratique en France parmi les honnestes gens, 4e éd., 1675 [la 1re éd. date de 1671], 162 ; comm. de P. Enckell).
b La loc. verb. tomber la veste a gagné le français de référence : marquée justement comme « fam. » par GLLF, Rob 1985, Lar 2000 et NPR 2000, elle est maladroitement présentée « vx » par TLF (avec un exemple de 1966). Elle a transité par Lyon où elle est documentée dep. 1919 (« Bourse du travail… Salle comble, surbondée… X…, secrétaire général du Syndicat, “tombe la veste”, car la chaleur est accablante », Progrès de Lyon, 9 juin, dans Mâcon 1926). Le sentiment de sa provenance méridionale était si fort pour certains locuteurs belges, il y a quelques décennies, qu’ils prononçaient « à la méridionale : tom’ber la veste » (PohlBelg 1950). Une chanson du groupe toulousain Zebda, sous le titre Tomber la chemise, a connu un grand succès en 1999 ; elle a certainement contribué à répandre et, sans doute, à dérégionaliser ce syntagme.
c Il est aussi « très usuel » en Wallonie, bien qu’absent de PohlBelg 1950 (comm. de M. Francard).
◇◇ bibliographie. (I.1.) Sauvages 1756 « Toumba un oustâou, abbatre une maison, la jetter par terre, & non la tomber » et « je me suis tombé » ; VillaGasc 1802 ; BonnaudAuv 1976 ; MartinPilat 1989 « usuel à partir de 20 ans » ; MazaMariac 1992 ; BlancVilleneuveM 1993 ; FréchetMartVelay 1993 « usuel » ; FréchetAnnonay 1995 « usuel » ; FréchetDrôme 1997 « usuel » ; FréchetMartAin 1998. – (I.2.) DesgrouaisGasc 1766 ; LagueunièreAgde [ca 1770] ; Sauvages 1785 ; Féraud 1788 ; VillaGasc 1802 ; JBCPérigord 1818 ; JBLGironde 1823, 142 ; DéribierHLoire 1824 je me suis tombé et j’ai tombé quelque chose ; SaugerPrLim 1825 ; ReynierMars 1829-1878 ; PomierHLoire 1834, 219 ; PomierHLoire 1835 ; MègeClermF 1861, 16 ; AnonymeToulouse 1875 ; ChambonVayssier 1879 ; PuitspeluLyon 1894 ; PépinGasc 1895 ; VachetLyon 1907 ; Mâcon 1926 tomber la veste ; BrunMars 1931 tomber le chapeau, la veste ; MittonClermF 1937il a tombé son chapeau ; MichelCarcassonne 1949, 21 ; SéguyToulouse 1950 ; MoussarieAurillac 1965 tomber un objet ; EscoffStéph 1972 et 1976 ; BonnaudAuv 1976 se tomber ; MédélicePrivas 1981 ; OlivierMauriacois 1981 ; TuaillonRézRégion 1983 (Privas, Provence, Puy-de-Dôme) ; ArnouxUpie 1984 ; GononPoncins 1984 « tout le monde » ; BouvierMars 1986 ; MartelProv 1988 ; DucMure 1990 ; CampsLanguedOr 1991 ; CampsRoussillon 1991 ; LangloisSète 1991 ; MazaMariac 1992 ; FréchetMartVelay 1993 « usuel » ; PotteAuvThiers 1993 ; CovèsSète 1995 ; FréchetAnnonay 1995 « usuel » ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 « usuel » ; FréchetMartAin 1998 ; MichelRoanne 1998 ; BouisMars 1999. – (II) CartonPouletNord 1991 ; TamineChampagne 1993 ; ClermontF, comm. pers. de J.-P. Chambon.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : I.1. Cantal, Haute-Loire (nord-ouest), Lozère, Puy-de-Dôme, 100 % ; Aude, Gard, Hérault, 90 %. I.2.1. Pyrénées-Orientales, 100 % ; Corrèze, Dordogne, 65 % ; Haute-Vienne, 40 % ; Creuse, 15 %. II. Oise, Pas-de-Calais, Somme, 100 % ; Aisne, 80 % ; Nord, 75 %.