tourteau n. m.
I. 〈Pyrénées-Orientales〉 Souvent dans le syntagme tourteau à l’anis usuel "couronne de pain brioché, parfumée à l’anis".
1. Ce chaleureux boulanger [à Espira-de-l’Agly, Pyrénées-Orientales] fait cuire de généreuses
et grosses miches au feu de bois […] et prépare des fougasses* aux gratons salés et sucrés [sic], à la purée de citron ; des tourteaux à l’anis et de savoureux cakes aux noix. (É. de Meurville & M. Creignou, Le Guide des gourmands 1991, 1990, 30.)
2. On n’a oublié [pour le déjeuner] ni le saucisson, ni le confit de canard, ni le tourteau à l’anis. (A. Conte, Au village de mon enfance, 1994, 122.)
3. Initialement, le tourteau à l’anis était composé d’une pâte à pain à laquelle on ajoutait des grains d’anis. […] Le
tourteau à l’anis est consommé toute l’année, en dessert, au goûter ou au petit déjeuner. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Languedoc-Roussillon, 1998, 147-148.
■ encyclopédie. V. L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Languedoc-Roussillon, 1998, 147-148.)
II. 〈Gers〉 "gâteau des rois en forme de brioche ronde".
4. Même à Arton [lieu-dit de Lectoure (Gers)], le jour de l’Épiphanie (fête des Rois),
il n’y a plus que la stricte famille pour partager le traditionnel « tourteau », que l’on trouve chez Mme Brutus, l’excellente pâtissière de Lectoure : brioche ronde
parfumée à la fleur d’oranger et saupoudrée de sucre, à l’intérieur de laquelle on
cache une fève. (D. Roberts et V. de Montal, Vivre à la campagne en Gascogne, 1989, 38.)
III. 〈Dordogne〉 "crêpe de farines de froment et maïs mêlées".
■ encyclopédie. Recette de « Tourteaux » dans LaMazillePérigord 1929, 330-331.
IV. 〈Deux-Sèvres〉 tourteau fromagé /fromager/ (moins usuel) au fromage loc. nom. m. usuel "petite galette en forme de sphère légèrement aplatie, à croûte noire, faite d’une
pâte brisée recouverte de fromage frais de chèvre (et/ou de vache) mêlé de jaunes
d’œufs, de farine ou de fécule de pommes de terre et des blancs d’œufs battus, cuite
à four moyen".
5. Appétissant, dodu, sous sa robe de bure,
Le tourteau fromagé, du beau pays mothais, A gagné les faveurs des exigeants gourmets Quoique peu vaniteux de sa sobre parure. (M.-Cl. Lambert, « Le tourteau fromagé », dans Aguiaine 2, 1967, 216.) 6. [Au marché] La marchande de gâteaux […] présentait une demi-douzaine de galettes* vernies et autant de tourteaux fromagers. Ces tourteaux étaient sa spécialité ; bien que la réussite en fût malaisée, elle prétendait ne
jamais les manquer. Ceux-ci étaient comme il se doit semblables à des boules de charbon ;
mais leur croûte noire cachait une pâte bien levée, fraîche, moelleuse et d’une incomparable
saveur. (Cl. Sainte-Soline, Journée, 1979, 131-132.)
7. Lezay […] est aussi le fief du tourteau fromagé, spécialité du pays à base de fromage de chèvre dont le chapeau brûlé par le four
procure un goût exquis à l’ensemble. (M. Smith, Vendée, Poitou, Charentes, 1979, 95.)
8. Enfin, les tourteaux fromagés étaient l’apanage incontesté du Chêne-Vert, accompagnés du vin blanc de Nicolas Lebrault,
le meilleur, celui que produisait sa vigne. (M. Clément-Mainard, La Foire aux mules, 1989 [1986], 32.)
9. – Je me souviens surtout des tourteaux. Une quantité incroyable de tourteaux au fromage, sur toute la surface du grenier de tante Reine. Avec leur croûte noire qui luisait
sous les robes blanches des demoiselles d’honneur qui les faisaient défroisser au
grenier. (Témoignage sur un mariage en Poitou dans les années 50, dans R. Doisneau
et D. Pennac, La Vie de famille, 1993, 9.)
— Par ellipse.
10. […] les tréteaux couverts de nappes blanches où s’alignaient les fromagés ventrus dont le dôme brun sombre et la croûte dorée enferment la belle pâte jaune.
(Aguiaine 4, 1970, 326.)
— Au sing. à valeur générique.
11. « Le broyé [= galette de pâte sablée], le tourteau-fromager, les sablés, c’est local. Les touristes aiment les voir fabriquer. Je suis sur le
marché de La Roche-Posay [Vienne] trois fois par semaine […]. » (Charente libre, les Mensuelles de la Région Poitou-Charentes, 21 octobre 1998, 3.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
12. […] le tourteau fromagé (un gâteau à base de sucre, d’œufs et de fromage blanc de chèvre, dont la croûte
surprend par sa couleur marron foncé, presque noire). (Le Monde, 25 juillet 1982, Supplément, VI.)
■ encyclopédie. V.L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Poitou-Charentes, 1994, 122-124.
◆◆ commentaire. Attesté dep. l’afr. comme désignation de divers types de pains et, surtout, de pâtisseries,
souvent difficiles à déterminer (cf. DuPineauR [1746-48] "espèce de gâteau"), tourteau ne s’est conservé que dans quelques aires, où il correspond à des référents variés.
Ces emplois, qui sont à aj. à FEW 13/2, 110b, torta, apparaissent mal dans les dictionnaires généraux contemporains : GLLF (« vx » "sorte de tourte salée ou sucrée", avec une citation tronquée de Sainte-Soline, ici ex. 6) ; Ø Rob 1985 et NPR 1993-2000 ;
TLF (tourteau fromager avec le seul indicateur « gastronomie », sans exemple) ; Lar 2000 (tourteau fromager « spécialité de la Vendée et du Poitou »).
I. Attesté [dep. 1931 (« tourte à l’anis », Guide UNA] dep. 1933 (« tourteau à l’anis » Curnonsky-Croze, Le Trésor gastronomique de France).
II. Non documenté à date ancienne.
III. Attesté dep. 1929 dans La MazillePérigord (« Les tourteaux se font aussi dans le pays comme plat maigre de vendredi »). IV. Type lexical du Poitou (cf. en 1485 à Poitiers « troys tourteaux de fromaige », Gdf), attesté dep. 1808-1825 en patois et dep. 1864 dans le français des Deux-Sèvres
(HöflerRézArtCulin), tourteau fromager est d’usage courant dans les Deux-Sèvres, sa région de production ; connue dans les
départements voisins, la lexie se dérégionalise au-delàa, en même temps que son référent, par la voie du commerce (ainsi à Belfort, Nancy,
Strasbourg).
a « Un fromagé, s’il vous plaît » (Homme, env. 65 ans, dans une boulangerie de Saint-Hilaire de Riez (Vendée), 25 juillet
2000 ; le terme est inconnu de la jeune vendeuse saisonnière [originaire de l’Anjou],
mais la patronne la renseigne d’un geste).
◇◇ bibliographie. (I) CampsRoussillon 1991. – (II) BoisgontierAquit 1991.– (III) BoisgontierAquit 1991. – (IV) RézeauOuest 1984 et 1990.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Pyrénées-Orientales, 100 %. IV. Deux-Sèvres, Vienne, 100 % ; Charente, Charente-Maritime, Vendée, 75 %.
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