an n. m.
I. 〈Provence〉 l’an pèbre loc. nom. m. fam. "(pour évoquer des temps reculés)". Stand. fam. l’an quarante, Mathusalem. – Ma voiture, elle date de l’an pèbre (BouvMars 1986) ; remonter à l’an pèbre.
1. Son père haussa les épaules, et répliqua :
– Tante Fine parle de l’An Pebre ! Moi aussi je l’ai connue cette source, mais elle a dû se perdre. (M. Pagnol, Jean de Florette, 1995 [1963], 805.) 2. – […] Moi j’en ai bu toute ma vie de l’eau de la Calade et ça m’a jamais fait que
du bien hé !
– Mais nous aussi, nous en buvons […] ! Seulement, nous, nous sommes ici depuis l’an pébré […]. (P. Magnan, La Naine, 1987, 129.) 3. Il [un platane] devait dater de l’an pèbre et avait tellement eu le temps de profiter* qu’il mordait un peu sur la chaussée. (P.-J. Vuillemin, Les Contes du pastis, 1988, 43.)
4. Laugier fouille dans ses tiroirs pour retrouver le vieux calibre hérité de son père
[…] et qui n’a plus dû servir depuis l’an pèbre. (R. Merle, Treize reste raide, 1997, 115-116.)
5. La mer m’allège, je flotte. Je retrouve des sensations que je n’avais pas éprouvées
depuis l’an pèbre. (G. Del Pappas, Massilia dreams, 2000, 34.)
— moins usuel "(pour évoquer un futur lointain, très improbable)". J’attends […] des explications ! Sinon, vous pouvez les attendre en l’an pèbre, les
clefs ! (G. Del Pappas, Massilia dreams, 2000, 13).
■ remarques. La locution est qualifiée de « rare » par ArmKasMars 1998, qui est le seul lexique relevant ce dernier sens.
■ graphie. La graphie de l’ex. 2 indique une prononciation possible avec des [e].
II. 〈Surtout à l’ouest d’une ligne allant de Dieppe aux Bouches-du-Rhône〉 premier de l’an loc. nom. m. usuel "premier jour de l’année". Stand. premier janvier, jour de l’an, nouvel an. – Du 1er de l’an à la Saint-Sylvestre (Les Carnets de guerre de Gustave Folcher, 2000 [1981], 212). Avoir une orange et des biscuits au premier de l’An (L. Jégou, Le Bénitier du diable, 1982, 46). Du pot-au-feu pour marquer le premier de l’an (Panazô, La Françoise, 1996, 22). Au premier de l’an (I. Frain, La Maison de la source, 2000, 342).
6. Quelques mois plus tard, quand vint le premier de l’An, ma mère m’envoya – je ne sais pour quelle raison – pour la journée chez ma tante.
(M. Bernard, Pareils à des enfants, 1994 [1941], 237.)
7. Au premier de l’An, et durant tout le mois de janvier, le facteur apportait des lettres de vœux. (Cl. Menuet,
Une enfance ordinaire, 1992 [1972], 101.)
8. Et chaque année, pour le premier de l’an, il lui faisait cadeau d’une paire de [sabots] plus jolis encore. (Cl. Joli, Bonnes Gens, 1976, 17.)
9. Ils ont vécu de leur côté, moi du mien, sans même que nous échangions de cartes pour
le premier de l’an […]. (M. Peyramaure, L’Orange de Noël, 1996 [1982], 118.)
10. Plus que le premier de l’an, c’était la rentrée scolaire qui marquait l’avènement d’une nouvelle année. (S. Pesquiès-Courbier,
La Cendre et le feu, 1984, 263.)
11. Au Premier de l’An, il y avait échange de bons vœux[,] avec le discours prononcé par le plus ancien.
(M. Fouriscot, Marie la dentellière, 1987, 195.)
12. […] les festivités du Premier de l’ana commencent en fait la veille au soir, où la nuit de la Saint-Sylvestre est célébrée
autour d’un repas riche en victuailles et boissons. (Chr. Hongrois, Faire sa jeunesse en Vendée, 1988, 40.)
a En note : « Dans le canton de la Châtaigneraie [Vendée], le terme “Jour de l’An” n'est pas usité ».
13. J’ai retrouvé ce cahier jauni dans un sachet de plastique empli de « compliments » et de dessins pour les Noëls, les premiers de l’an ou les fêtes des Mères, à côté des « cahiers de communion » où nous recopiions des prières durant la semaine qui précédait la cérémonie. (H. Bouchardeau,
Rose Noël, 1990, 131-132.)
14. Je vis venir le premier de l’an comme une délivrance et je sus, dès cet instant, que le collège était en fait devenu
ma famille. (G. Georgy, La Folle Avoine, 1991, 219.)
15. Pour le premier de l’an, il [le père] se serait fait couper la tête plutôt que d’oublier de lui [la mule]
faire goûter le gibassier [= grosse brioche en forme de couronne] de Noël. (G. Ginoux,
Dernier labour au Mas des Pialons, 1994, 246.)
16. Nous avons enterré cette année […]. Et puis nous voilà, passé le Premier de l’An. (G. Batard, Le Musée de ma mémoire, 1995, 207.)
17. Le 31 décembre, le même réveillon qu’à Noël regroupait les membres de la famille.
[…] Le lendemain, premier de l’an, était le jour des étrennes : parfois je recevais quelques menus cadeaux de parents,
oncles ou tantes, en leur souhaitant la bonne année. (Chr. Signol, Bonheurs d’enfance, 1998 [1996], 148.)
18. Au 1er de l’an, toute la famille se réunit dans la pièce où vit ma grand-mère, les adultes autour
de la table à boire et chanter, les enfants sur le lit contre le mur. (A. Ernaux,
La Honte, 1997, 53.)
19. – Moi, mademoiselle, j’ai travaillé chez des nobles, chez un marquis, et je ne lui
ai jamais caché que j’étais communiste ! […] Eh bien le marquis il nous serrait la
main quand il nous rencontrait dans la rue, et au premier de l’an, il nous faisait la bise ! (J. Failler, Brume sous le grand pont, 1997, 60.)
20. Au matin, elle avait grogné lorsqu’il s’était levé.
– Ils te font travailler le Premier de l’An, maintenant ? (Fr. Thomazeau, Qui a tué Monsieur Cul ?, 1998 [1997], 63.) V. encore s.v. fricandeau, ex. 3.
— Dans le syntagme le jour du premier de l’an.
21. Le jour du Premier de l’An mon père s’était mis dans la tête de m’apprendre l’heure. (P. Guth, Mémoires d’un naïf, 1953, 33.)
■ graphie. Parfois avec une majuscule à Premier et/ou à An.
◆◆ commentaire.
I. Locution, non documentée à date ancienne, dont l’histoire et l’étymologie sont inconnues.
La référence, faite par R. Bouvier, à l’épidémie de pébrine qui a ravagé la sériciculture provençale en 1848 (et qui doit son nom au fait qu’elle
se manifestait sous la forme de petits points noirs, comparables à du poivre moulu,
cf. FEW 8, 553b, piper) est une hypothèse qu’il reste à fonder. – BouvierMars 1986 ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv
1991 ; ArmanetBRhône 1993 ; PovArmCamarg 1994 ; ArmKasMars 1998 « rare » ; BouisMars 1999 à l’an pèbre.
II. Selon FEW, le type ⌈ premier de l’an ⌉ (ainsi que premier jour de l’an, dont il est l’ellipse) couvre « l’Ouest, le Centre et les parties occidentale et centrale de l’Occitanie ». Si la documentation aujourd’hui disponible, y compris celle fournie par Frantext, invite à nuancer cette affirmation basée sur les dialectes (« d’après ALF ») – les ex. 15 et 20 ci-dessus concernent les Bouches-du-Rhône –, elle ne la dément pas : la majorité des auteursa employant cette locution en français appartient aux aires indiquées par FEW (auxquelles
on ajoutera le Québec, v. DQA 1992). Attestée dep. 1627 (« se rendre à Montpellier au premier de l’an » N. de Peiresc [Provence], Lettres, Frantext), la lexie est enregistrée dans les dictionnaires français, sans indication diatopique,
dep. 1845 (Besch, FEW), mais on remarquera que le seul exemple qu’ils donnent est
tiré de Chateaubriand (1848, TLF) et qu’elle a été dénoncée par AnonymeToulouse 1875.
a Ainsi dans Frantext, pour les auteurs les plus récents (dans l’ordre chronologique décroissant des ouvrages) :
R. Bazin, A. Fournier, A. France, J. Pesquidoux, H. Pourrat, E. Dabit, A. Gide, J.-P. Sartre,
Fr. Ambrière (et G. Guèvremont).
◆◆ commentaire. VerrOnillAnjou 1908 ; « Le jour du 1er de l’an on se souhaiter [sic] tous La Classe » (3 janvier 1915, VandrandPuyD, 66) ; BonnaudAuv 1976 s.v. premier ; RézeauChiffres 1993 ; FEW 24, 625a, annus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : I. Alpes-de-Haute-Provence, Var, 65 % ; Vaucluse, 50 % ; Alpes-Maritimes, 40 % ; Bouches-du-Rhône,
20 % ; Hautes-Alpes, 0 %. – II. Cantal, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, 100 %.
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