avec prép.
〈Basse Bretagne〉 usuel Pour marquer un rapport d’origine ou de cause, et correspondant selon les contextes
à "par le fait de ; à cause de ; chez ; auprès de". J’ai eu des sous avec mon père (RLiR 42 (1978), 157). Il a été mordu avec le chien (LeBerreLeDûBret 1985, 169).
1. Je vois que tu es malin. On va pouvoir faire quelque chose avec toi. (G. Massignon, Récits et Contes populaires de Bretagne, 1981, 26 [Recueilli dans les Côtes-d’Armor 1954].)
2. Celui-là* se moque de moi en plein milieu de ma figure parce qu’il y a du mauvais français
avec moi sur ma langue. Mais moi, au moins, je parle français un petit peu. Et même je
vois que les gens me comprennent à peu près puisqu’ils me répondent de retour. (P.-J. Hélias,
Le Cheval d’orgueil, 1975, 218.)
3. Il se serait suicidé « avec la honte », chuchotent les gens. (H. Pollès, Sophie de Tréguier, 1983, 206.)
4. « Avec la poitrine s’en va la pauvre Sophie », disent les amies en sortant, avec une vraie pitié, sans la pousser vers sa tombe
comme les autres qui plaisantent : « Bah ! assez d’argent a sa mère pour la soigner !… » (H. Pollès, Sophie de Tréguier, 1983, 213.)
5. « De drôles de choses j’ai appris sur Meudic et le Borgne avec Chennec Keraliès.[…]. » (H. Pollès, Sophie de Tréguier, 1983, 228.)
6. D’autres parasites étaient encore à redouter : ceux qui mangeaient les pousses naissantes
des graines de rutabagas. […] On entendait bien des paysans se lamenter à leur sujet :
« Tous mes rutas sont partis avec les c’hwenn du. Je vais être obligé de faire une nouvelle semence. » (J. Ropars, Au Pays d’Yvonne. Mémoires d’une paysanne léonarde, 1993 [1991], 149.)
7. « Oui, répondait fièrement ma mère, je suis bien aidée avec elle. Yvonne aide aussi son père et ne rechigne pas devant le travail des champs
comme le font la plupart des jeunes filles. » (J. Ropars, Au Pays d’Yvonne. Mémoires d’une paysanne léonarde, 1993 [1991], 169.)
8. – Jakez ! Tu restes manger avec nous ?
– Volontiers, tante Chann. Cela sent bien bon chez vous. – Ah, le flatteur ! Mais tu tombes bien, j’ai eu des œufs avec une de mes cousines de Tréméoc qui était en ville hier. Il y a une belle omelette et des pommes de terre. (Colette Vlérick, Le Brodeur de Pont-l’Abbé, 2000 [1999], 94.) 9. – Et vous avez du monde là-bas [à l’hôpital] ? J’étais pas au courant !
– Oui, « Tin » ! Ça fait presque 3 semaines qu’il est là-bas avec son cœur…(L. Poënot, Ch. Kerivel, Douarn’ Stories, 2000, 20.) V. encore s.v. venir, ex. 1.
□ En emploi métalinguistique.
10. Il est au lit avec sa jambe veut dire « Il est couché parce qu’il a mal à la jambe ». Si quelqu’un est avec son cœur, c’est qu’il est malade du cœur. Sachant cela, vous ne serez plus surpris quand quelqu’un
vous dira sans rire : J’ai été chez l’oculiste avec mes yeux ! / Si vous abordez le délicat sujet de l’emploi de avec en basse Bretagne, on vous citera certainement la phrase suivante – qu’on pourrait
entendre effectivement, et que votre interlocuteur prétendra d’ailleurs avoir lui-même
entendue : Elle est restée couchée huit jours avec le docteur… ce qui signifie que le médecin a prescrit à cette brave dame de garder le lit pendant
huit jours – en tout bien tout honneur ! (Y. Le Berre et J. Le Dû, Anthologie des expressions de Basse Bretagne, 1985, 170.)
V. encore s.v. envoyer, ex. 4 et 7.
— comment ça va avec toi ? "comment vas-tu ?". Comment est-ce que ça va avec toi ? (GallenBÎle 1997, 14).
◆◆ commentaire. Calques des emplois variés de bret. gand. Cet usage par les Bretons du fr. avec est observé dep. 1548 (B. des Périers, Nouvelles Récréations, éd. Kr. Kasprzyk, Paris, 1980, 226-229 : une sentence prononcée par le prévôt de
Bretagne à l’encontre d’un voleur et de son fils prévoit qu’il « seroit pendu et estranglé, le petit ovecques luy » ; le père et le fils sont pendus ; le prévôt ne comprend pas qu’on ait pendu le fils,
et explique que « ovecques luy » voulait signifier que le voleur serait pendu « et que son fils seroit present pour veoir faire l’execution : afin de se chastier
de faire mal par l’exemple de son père »). Absents des dictionnaires généraux du français, ces emplois sont pris en compte
dans les relevés régionaux depuis la fin du 19e siècle ; on notera qu’ils sont aussi pour partie en usage dans la zone romane du
Morbihan (ainsi à Questembert, au témoignage de B. Moreux).
◇◇ bibliographie. BullFinistère 1897, je frapperai avec toi ; KervarecQuimper 1910, 621 (« avec […] d’un usage très répandu, indique toutes espèces de rapports, que les exemples
suivants feront voir : Il a reçu un coup de bâton avec lui (de lui). Il a acheté des bonbons avec lui (à lui). Il a pris du chocolat avec lui (de lui) […] » ; PicquenardQuimper 1911 avoir avec qqn "recevoir de" et donné avec = donné par ; la maison lui a été donnée avec son père ; BuléonBBret 1927 Je suis domestique avec le médecin […] chez le médecin. Il m’a demandé comment ça va avec moi […] comment je me porte. J’ai été malade avec le remède énergique que vous m’avez administré ; PichavantDouarnenez 1978-1996 « On fait tout avec. C’est l’un des mots de base de la conversation » ; RLiR 42 (1978), 157 ; LeBerreLeDûBret 1985, 170 ; GallenBÎle 1997, 6 j’ai acheté avec lui, 7 je prends mon temps avec moi, 9 j’ai eu 10 francs avec mon père, 14, 15 il est au lit avec sa jambe/avec son cœur ; aj. à FEW 24, 30b, ab hoc.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Morbihan, 75 % ; Côtes-d’Armor et Finistère, 65 %.
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