avoir v.
〈Basse Bretagne〉 usuel [Au futur, souvent avec compl. d'obj. antéposé] "boire (une boisson) ou manger (un aliment solide) ; acheter (un produit) dans un magasin". Stand. prendre, vouloir. – Du café vous aurez ? (GallenBÎle 1997, 21).
1. – […] Je vais vous donner le pain et le beurre, attendez un peu, les hommes n'ont
jamais de patience quand ils sont assis le ventre à table. Vous aurez peut-être un petit coup d'eau-de-vie, oui, un coup d'eau-de-vie fait du bien sur
le chaud du café. (P.-J. Hélias, L'Herbe d'or, 1982, 56.)
2. [Commande dans un magasin] Des bougies un paquet j'aurai s'il vous plaît. (H. Pollès, Sophie de Tréguier, 1983, 33.)
3. [À table] Qui aura encore ? Mangez tout ce que vous dit votre cœur. Le reste est pour les cochons. (H. Pollès,
Sophie de Tréguier, 1983, 43.)
4. Ce fut alors que Ninette sortit de sa cuisine, et s'exclama, enjouée :
– J'ai ce qu'il vous faut, les gars ! […] Un panier d'huîtres […], avec du pain beurre [v. pain-beurre] et du muscadet. […] Ninette se retournait maintenant vers Mary qui contemplait la scène en souriant : – Et vous, ma fille, des huîtres vous aurez aussi ? De nouveau Mary sourit, tant de l'accent que de la tournure de la phrase. – Volontiers, madame Mével, j'adore ça. (J. Failler, Boucaille sur Douarnenez, 1996 [1995], 189-190.) 5. – Du café vous aurez ? demanda la vieille.
– Merci, dit Mary, pas à cette heure-ci. Je suis invitée à déjeuner à Tréboul et il est déjà midi. (J. Failler, Boucaille sur Douarnenez, 1996 [1995], 193.) V. encore s.v. pain-beurre, ex. 1.
□ En emploi métalinguistique.
6. Le trait sans doute le plus marquant du français des bas Bretons à l'époque actuelle
consiste en des transpositions directes de breton en français, de plus en plus souvent
prises au second degré. Tous ceux qui ont été peu ou prou au contact des bas Bretons
connaissent la fameuse phrase : « Du café vous aurez, du pain et du beurre et un couteau pour manger avec ? » qui, utilisée initialement par dérision, est devenue une sorte de signe de reconnaissance.
Cette phrase, qu'aucun Bretonnant n'a sans doute prononcée, a son fondement dans la
réalité. (Y. Le Berre et J. Le Dû, Anthologie des expressions de basse Bretagne, 1985, 10.)
V. encore s.v. envoyer, ex. 4.
◆◆ commentaire. Typique du français de Basse Bretagne, ce calque de bret. eur banne [boisson] / eun tamm [aliment solide]… ho-po ? combine une inversion syntaxique et un sémantisme original. Absent des dictionnaires
généraux contemporains, il est attesté en français dep. 1910 à Quimper (Kervarec,
615, dans un exemple du paragraphe intitulé Prononciation, à propos de l'accent qui « affecte presque constamment la syllabe pénultième » : Tu aúras du poisson ? et aussi, 621, Tu auras du pain pour ton goûter ?). Relevé également dans le français de Saint-Pierre-et-Miquelon (v. BrassChauvSPM
1990 s.v. avoir « Vous aurez un café tout à l'heure ? »), ce tour y est donné comme un calque de l'anglais ou du breton.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Finistère, 95 % ; Morbihan, 75 % ; Côtes-d'Armor, 65 %.
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