besoin n. m.
〈Charente-Maritime, Charente, Vienne (sud), Ain, Loire (Saint-Étienne), Provence, Hérault
(vieilli), Pyrénées-Orientales, Auvergne, Limousin, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques
(est), Landes, Gironde〉 faire besoin à qqn loc. verb. fam. ou pop. "être utile à, être nécessaire à ; manquer à".
1. [Le sujet désigne une personne ou un groupe de personnes] Cet enfant me fait besoin (PénardCharentes 1993).
1. – Ben, pour le moment, répondit Guilhem, tu travailleras à la maison avec nous ; ta
mère va me faire besoin aux champs pour remplacer ce pauvre Piertou. (Panazô, L’Honneur de la Janille, 1991, 65.)
— [Par métonymie du compl.]
2. La Maïré me le répétait mais sans insistance : je « faisais besoin » à la ferme. (M. Peyramaure, L’Orange de Noël, 1996 [1982], 259.)
2. [Le sujet désigne un inanimé concret] Si j’emporte ce livre, est-ce qu’il ne vous fera pas besoin ? (BoisgontierAquit 1991). Cette bêche me fait besoin (PénardCharentes 1993).
3. Les trouvères […] répètent à qui veut l’entendre que se marier ainsi est une folie.
/ L’un d’eux s’amuse à dénombrer tout ce qu’il faut pour monter un ménage, et son
énumération pittoresque est à décourager les plus téméraires. Il décrit une maison
de paysan : toute pauvre qu’elle est, que de choses y font besoin ! (E. Faral, La Vie quotidienne au temps de saint Louis, 1942, 150.)
4. – Si j’avais su qu’elle te ferait besoin, je t’aurais bien prêté ma mobylette… et son porte-bagages… (J.-M. Soyez, La Ramandeuse, 1980, 194.)
5. – Je vous le [un bâton] laisse, Charlotte. Il vous fera besoin plus qu’à moi.
– Vous savez bien que, même avec son aide, je ne marcherai plus. (H. Noullet, La Destalounade, 1998, 153.) V. encore s.v. lever, ex. 1.
— En emploi impers. ça me (te/lui, etc.) fait besoin.
6. Madame Lamerlie m’a envoyé sa servante sur le soir, pour m’emprunter mes fers à gaufres,
que ça lui faisait besoin […]. (G. de Lanauve, Anaïs Monribot, 1995 [1951], 114.)
7. – Tu sais, cette friche […] ? Je la voulais depuis longtemps, mais tu connais Selves :
têtu comme une bourrique ! Il voulait pas vendre parce qu’un jour, qu’il disait, ça lui ferait besoin. (M. Peyramaure, L’Orange de Noël, 1996 [1982], 187.)
□ En emploi métalinguistique.
8. Il serait intéressant de pouvoir noter aussi toutes les expressions qu’on entend quotidiennement
en Auvergne : on dira par exemple d’un objet qu’il « fait besoin » (il est bien utile) ou on en demandera « autres deux » qu’on fera « plier »* (envelopper) dans un papier. (A. Pourrat, Traditions d’Auvergne, 1976, 65.)
◆◆ commentaire. La loc. faire besoin(g) est attestée depuis le moyen français (d’abord ca 1390) et jusqu’au début du 18e s. chez des auteurs de diverses origines, provinciaux ou parisiens (v. FEW ; Gdf ;
Huguet ; HunterChapelain ; Brunot 4, 531 ; Liv ; en outre : ChiquartCuisS, Bagnyon,
base MF ; B. des Périers, Palissy, Charron, Frantext). Admis dans l’usage littéraire du 17e s. (Chapelain, Sorel, Molière, La Fontaine) jusqu’à Regnard (v. Liv), il est enregistré
avec retard et sans marque par les grands dictionnaires (Ac 1798-1878 et – sur la
base d’exemples classiques – Littré 1863 et Lar 1867) et il est encore employé par
Chateaubriand et Sand (TLF). Mais dès la fin du 18e s. et au début du 19e s., les réactions des puristes montrent qu’il n’est plus senti comme appartenant
au standard et témoignent d’un repli sur des zones périphériques méridionales (Fér
1787 ; JBLGironde 1823 ; SaugerPrLim 1825 ; ReynierMars 1829 ; PomierHLoire 1835 faire de besoin ; GabrielliProv 1836). Aujourd’hui, cette construction ne se maintient guère, et
de façon plutôt sporadique, qu’au sud de la Loire, où elle relève probablement d’un
registre diastratiquement et diaphasiquement peu élevé. Il est inutile (malgré Liv
1, 243 n. et BoisgontierAquit 1991) d’en appeler, pour rendre compte des faits, à
l’italien et/ou à l’occitan. Dans la lexicographie générale d’aujourd’hui, les marques
« class. et littér. » (GLLF, avec un ex. de Gide), « vieilli ou régional » (Rob 1985), « vx » (TLF) ne rendent qu’imparfaitement compte du statut du tour.
◇◇ bibliographie. Fér 1787 ; SajusLescar 1821, 47 ; JBLGironde 1823 ; SaugerPrLim 1825 ; ReynierMars
1829 ; PomierHLoire 1835 faire de besoin ; GabrielliProv 1836 ; LengertAmiel ; JaubertCentre 1864 s.v. faire ; PuitspeluLyon 1894 s.v. faire ; FertiaultVerdChal 1896 s.v. faire ; 1914 « J’avais oublié de te dire que tu dises à Marius de me prêter 2 rasoirs si ça le dérange
pas [et] s’il a un polissoir qui ne lui fasse pas besoin […] » (G. Bacconnier et al., La Plume au fusil. Les poilus du Midi à travers leur correspondance, Toulouse, 1985, 36) ; BrunMars 1931 ; MittonClermF 1937, 44 ; ManryClermF 1956, 404 ;
LouradourCreusois 1968, 131 ; EscoffStéph 1976 ; RézeauOuest 1984 ; BoisgontierAquit
1991 ; FréchetMartAin 1998 « globalement bien connu » ; RézSchnFéraud ; FEW 17, 276a, *sunni.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Dordogne, Haute-Vienne, 100 % ; Corrèze, 90 % ; Creuse,
70 %.
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