borde n. f.
I. 〈Gard, Aude, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Aveyron, Lot-et-Garonne,
Gers, Hautes-Pyrénées〉 "ensemble de bâtiments ou habitation rurale complexe, comprenant une maison d’habitation
et diverses dépendances (étable, grange)". Vieille borde en ruine (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 46).
1. Il habitait en compagnie de son père, une misérable borde, au-dessus du Vilar, dans un coin perdu […]. (L. Massé, La Terre du liège, 1953, 83.)
2. Lucienne se plaisait à Fontvieille et elle aimait la maison des collines. Elle y allait
souvent le jeudi ou le dimanche. La borde d’argile appuyée aux bois et regardant la plaine de Garonne lui paraissait la plus
belle demeure du monde. (P. Gamarra, Le Maître d’école, 1994 [1955], 207.)
3. Un village en terre occitane. Des maisons de briques, une église à clocher ajouré
dressant ses trois cloches dans le vent d’autan, des platanes. Dans le fond, la ligne
sombre, saules, vergnes*, prunelliers, anis, fenouils, de la Save. […] Les bordes ont de vastes toits obliques couvrant maison, étables et hangars. (P. Gamarra, Cantilène occitane, 1992 [1979], 71.)
4. Toutes ces habitations, posées ça et là, sans ordre, quelquefois groupées en tout
petit hameau, sont encore appelées par certains « métairies » ou « bordes » […]. La dispersion n’implique pas – et n’a jamais impliqué – l’isolement. Tout un
réseau de solidarité s’est tissé entre la « borde » et le bourg*, ancienne sauveté ou bastide qui anime et domine le paysage. (Pays et gens de France, n° 17, le Lot-et-Garonne, 14 janvier 1982, 7.)
5. Construites huit fois sur dix à l’abri d’un repli du sol, toujours orientées au sud,
les « bordes », toutes de plain-pied, sont faites d’une habitation, suivie, sur un même plan, des
étables. (Pays et gens de France, n° 73, le Tarn-et-Garonne, 17 mars 1983, 9.)
6. On comprend que les beaux fils de la Gascogne, aux longues rapières et aux longues
dents, se soient échappés par volées de leurs pigeonniers faméliques […]. Dans les
longs intervalles entre les cônes à girouettes, les bordes qui s’espacent sur les collines ont pour plus de moitié fermé leurs volets ; le torchis
jaune s’en va par plaques entre les voliges de leurs colombages […]. (J. Gracq, Carnets du grand chemin, 1992, 46.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
7. Dans le Lauragais, colza et tournesol font partie du paysage au même titre que les
« bordes », ou métairies, de formes allongées, isolées au milieu des champs. De dimensions plus
ou moins importantes selon la grandeur de l’exploitation, la métairie comprend généralement,
dans la partie à l’abri du vent nord-ouest, le logement du métayer avec un étage sur
rez-de-chaussée. À côté, prennent place les dépendances et les hangars. (Pays et gens de France, n° 60, l’Aude, 16 décembre 1982, 3.)
II. 〈Aude, Ariège, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes〉 "l’un des bâtiments destinés à l’élevage (stand. étable, bergerie) ou à l’exploitation agricole (stand. grange)".
8. La fenaison [dans les montagnes pyrénéennes] n’est pas moins éreintante. Le foin,
en effet, après avoir été étendu, retourné, mis en tas, doit être porté jusqu’à la
« borde » la plus proche. (J.-Fr. Soulet, La Vie quotidienne dans les Pyrénées sous l’ancien régime, 1977 [1974], 95.)
9. Ce cri fut comme une alerte qui figea le village. On sortit des maisons et des bordes, même l’incessante noria des sacs de fumier s’interrompit […]. (L. Durand, La Porte de Kercabanac, 1982, 88.)
10. Ils [des chiens bâtards] y mettent autant d’ardeur que le labrit du berger de naguère
à rassembler les brebis près du parc ou de la borde. (Chr. de Rivoyre, Belle Alliance, 1982, 42-43.)
11. – Je viens de la borde, dit Pauline essoufflée. / Pardi, on le savait, […] avec Pérétou ils logeaient à la
bergerie durant le mauvais temps pour nourrir les moutons au fourrage. (G. J. Arnaud,
Les Moulins à nuages, 1988, 40.)
12. Au sud de la maison, à quelque cinquante mètres, l’antique borde au toit de chaume descendant fort bas sur des murs de planches fixées à des poteaux
verticaux placés sur des dés de pierre. Son auvent tourné vers l’est abrite les deux
charrettes, le tarare… et la volaille qui court s’y réfugier à la moindre ondée. (G. Laporte-Castède,
Pain de seigle et vin de grives, 1989, 116.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
13. […] une sorte de bâtiment d’exploitation, autrefois très répandu, plus petit, utilisé
comme bergerie, comme fenil ou comme remise pour le matériel de culture ; ce type
de construction, appelé borde, est toujours couvert de chaume. (P. Bidart, G. Collomb, L’Architecture rurale française. Pays aquitains, 1984, 48.)
14. Le chaume demeure encore dans certains secteurs, soit comme couverture des plus vieilles
maisons dans les hautes vallées d’Aure et de Campan, soit pour couvrir les « bordes », les granges bâties sur les replats* à mi-pente des versants, dans le haut Lavedan. (Pays et gens de France, n° 65, les Hautes-Pyrénées, 20 janvier 1983, 7.)
■ remarques. « Avec cette valeur, le mot borde est souvent réservé [dans les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques] à l’usage
dialectal, et le français régional préfère dire grange » (BoisgontierAquit 1991).
◆◆ commentaire. Sur un premier sens de afr. borde "petite maison, cabane", issu d’abfrq. *borda et attesté en afr. dep. 1172-75 (Chrétien de Troyes) et auj. archaïque (v. l’exemple
de Huysmans dans GLLF), s’est développé en français, sous l’influence des parlers
ouest d’oïl et ouest occitans, le sens de "métairie, ferme" (dep. 1531, Marot, v. TLF) ; déjà, en effet, on relève borda en ce dernier sens à Poitiers en lat. médiéval et dep. 1179, Comminges, dans Brunel
(tous les deux dans TLF). Mais ce sens n’a pas véritablement pénétré en français standard
comme le montre son accueil dans la lexicographie (« en aucunes contrées de ce Royaume » Nicot 1606 ; « vieux » Fur 1690 ; « dans quelques provinces » Littré ; « dialect. » GLLF ; « vx ou régional » Rob 1985 et TLF, lequel précise « surtout de la France du Sud-Ouest » ; « hist. » Lar 2000) et il est resté caractéristique du Sud-Ouest (cf. CaylaLanguedoc), où il
entre dans l’appellation de nombreux (micro)toponymes ; il est courant également comme
terme de géographie (cf. GeorgeDictGéogr 1993 « dans la France du Sud-Ouest »). Il a été stigmatisé à Toulouse par DesgrToulouse 1768, 62.
◇◇ bibliographie. PépinGasc 1895 ; KellerRussoBéarn 1985 ; SuireBordeaux 1988 ; CampsLanguedOr 1991
"ferme", avec un ex. valant pour le sens II ; BoisgontierAquit 1991 ; BoisgontierMidiPyr
1992 ; MoreuxRToulouse 2000 (plutôt sens I) ; FEW 15/1, 187b, bord.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, 100 % ; Tarn, Tarn-et-Garonne, 65 % ; Hautes-Pyrénées,
50 % ; Lot-et-Garonne, 20 % ; Gironde, 10 % ; Gers, Landes, Lot, Pyrénées-Atlantiques,
0 %. (II) Ariège, Landes, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, 100 % ; Gironde, 20 % ; Aveyron,
Haute-Garonne, Gers, Lot, Lot-et-Garonne, Tarn et Tarn-et-Garonne, 0 %.
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