vergne, verne n. m. ou f.
usuel "arbre de la famille des bétulacées, dont l’espèce Alnus glutinosa est la plus répandue en France, qui pousse dans les lieux humides". Stand. aulne/aune.
1. verne, parfois vergne f. 〈Haute-Marne (est), Bourgogne, Franche-Comté, Haute-Savoie, Savoie, Ain, Isère, Gard
(Cévennes), Ardèche, Haute-Loire (Velay).〉 – [Pour colorer les œufs de Pâques] on employait aussi […] les écorces de vernes (R. Bichet, Un village comtois au début du siècle, 1979, 97). Vernes et frênes fixent le sol qui descend vite vers les rochers de la berge (A. Mante, Le Temps s’élève, 1995, 186).
1. Une seule [source] s’est échappée, une solitaire en ce bout du monde. Le père Charles,
le vieux chasseur, l’a faite sienne. A-t-il planté les vergnes qui l’encadrent, je ne sais, mais il a creusé le vivier où tout de suite elle se
perd. (J. Cressot, Le Pain aux lièvres, 1977 [1943], 171.)
2. […] là, un figuier, là, un noisetier ; là-haut, les bras d’une verne qui semble secouer un tapis de vigne vierge. (J.-P. Chabrol, La Gueuse, 1966, 13-14.)
3. Marcel était émerveillé. Une maison toute seule, sans voisins, sans rues, sans école,
au milieu des prés et des bois, près d’une rivière sauvage qui court dans les vernes et les buissons, faisant cascade sur un barrage de troncs échoués. (H. Vincenot,
Mémoires d’un enfant du rail, 1981 [1980], 21.)
4. – […] Je me rappelle, en 1928, il avait fait très froid. Quand on passait au bord
de l’Arve, en-dessous des Houches, on entendait sauter les vernes. Le froid faisait éclater les vernes parce que la sève gelait… (Témoignage recueilli aux Houches, Haute-Savoie, dans J.-N. et
Ph. Deparis, La Place du village, 1998, 136.)
□ En emploi métalinguistique. L’aulne, nommé verne (R. Collin, Les Bassignots, 1969, 89). Les aunes ont toujours été des vernes (MarconotÉvette 1997, 117).
— Par méton. "bois de cet arbre". Les sabots en verne sont légers (P. Chalmin, Traditions orales de Cubry-lès-Soing (Haute-Saône), 2000, 60).
5. Monsieur Bonnabeau [sabotier] sculpte, pare et creuse la grossière ébauche […] tirée
d’un morceau de verne ou de foyard* demi-sec, coupé à la bonne lune. (J. Gadant, Un écho du terroir, Couches-en-Bourgogne, 1984, 143.)
V. encore s.v. charmille, ex. 11.
2. verne m. (parfois f.) 〈Saône-et-Loire, Ain, Rhône, Loire, Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence, Gard, Haute-Loire.〉 – Vds bois de chauffage, vernes sur pieds (Hebdo La Renaissance, 11 janvier 1992, dans ValMontceau 1997).
6. Cette rivière n’est guère qu’un ruisselet qui prend sa source au-dessus d’Areze. Quelques
vernes se sont acclimatés sur ses bords. (Cl. Courchay, Quelque part, tout près du cœur de l’amour, 1987 [1985], 69.)
7. La Bourbince serpente entre deux rangées de vernes de toutes tailles, poussés au petit bonheur et penchés sur elle dans les postures
les plus diverses. (M. Mazoyer, Les Vacances des berthes, 1985, 107.)
8. Les vernes ne quittaient plus cette couleur garance par laquelle leurs branches dénudées annoncent
le printemps. (P. Magnan, Le Mystère de Séraphin Monge, 1990 [1986], 69.)
9. La traque d’un chevesne entre les vernes et les joncs, la poursuite d’une compagnie de perdreaux dans la haute garrigue roussie
[…]. (R. Chabaud, Un si petit village, 1991, 146.)
10. Les épicéas, les vernes des grands bois de la vallée de la Dore, accompagnaient ma rêverie. (R. de Maximy,
Le Puits aux corbeaux, 1996 [1994], 112.)
V. encore s.v. chaud, ex. 4.
— Par méton. "bois de cet arbre". Feu de verne (P. Magnan, L’Aube insolite, 1998 [1946], 97).
11. – Ben ! Tiens ! J’en ai une paire [de sabots] en verne, là, qui sont pas mauvais ! (D. Bayon, Au flanc de ma colline, 1995, 69.)
3. vergne m. (parfois f.) 〈Centre-Ouest, Indre, Cher, Allier, Aude, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne,
Lot, Aveyron, Lozère, Cantal, Puy-de-Dôme, Corrèze, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers,
Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde.〉 – De grands espaces boisés de pins, de bouleaux, de vergnes, etc. (M. Rouche, Des Wisigoths aux Arabes, l’Aquitaine (418-781). Naissance d’une région, 1977, 187). Un vergne bien feuillu (L. Pujol, Le Temps des fleurs, 1979, 101). Ruisseau bordé de vergnes (G. Marthon-Marchi, La Terre à ses sabots, 1994, 110). Haie de vergnes (J. Mallouet, De mes montagnes, 1997, 154).
12. Par la porte restée grande ouverte, la vue plongeait, au-dessus du moutonnement des
vignes, jusqu’à la rivière embrumée, avec les toits bruns et la fumée des fermes,
et la tache claire, parmi le bleu des vergnes lointains, du déversoir du Moulin-Vieux… (J.-L. Boncœur, Le Moulin de la vieille morte, 1988 [1955], 44.)
13. Le long de l’eau on aménagea une voie carrossable qui en épouse tous les méandres
et qui forme une véritable allée de parc ; […] grands arbres, hêtres ou chênes, et
parfois au hasard des sites un pin, un vergne ou un acacia […]. (J. Delteil, La Deltheillerie, 1968, 95.)
14. C’est la chanson patoise que chantait ma grand-mère quand j’avais six ans : / Le merle, / il a fait son nid au pied d’un vergne […]. (J. Anglade, Le Voleur de coloquintes, 1972, 14.)
15. Le village […] se situe dans le département des Deux-Sèvres, à la limite de la Vendée,
là où la plaine vient se diluer dans le Marais : pays des poissons et des anguilles,
planté à profusion de frênes, de vergnes et de peupliers qui lui donnent, de loin, l’aspect d’une forêt, d’une oasis d’eau
et verdure. (M. Mathé, Les Sentiers d’eau. Souvenirs du Marais poitevin, 1978, 8.)
16. Un héron montera des profondeurs d’une île pour aller se ficher, flèche d’ébène, dans
on ne sait quelle cible d’un bosquet de frênes et de vergnes. (P. Gamarra, Le Fleuve palimpseste, 1984, 80.)
17. […] berges de ruisseaux encombrées de vergnes et d’osmondes royales. (Chr. de Rivoyre, Crépuscule taille unique, 1989, 41.)
18. Mes parents vinrent par la suite se fixer à Saint-Pierre-de-Maillé [Vienne] et j’eus,
au cours des vacances, tout le loisir d’explorer les rives de la Gartempe. Je devins,
à cette époque, le complice de mon père : pour occuper ses loisirs, en hiver, il confectionnait
des verveux et, la saison de pêche venue, nous allions les tendre […]. / Au niveau
de chaque engin nous cassions une petite branche de « vergne » pour nous repérer le lendemain matin. (P. Chaussebourg, Mes Chemins d’écoles, 1992, 201.)
19. Tous les oiseaux du monde trouvaient ici un perchoir sur les vieux saules, les vergnes et les ormeaux centenaires. (R. Eckert, Jeantou Supaud, manant auvergnat, 1995, 215.)
20. […] au fond du jardin où chantonnait entre les vergnes le parcimonieux ruisseau du Moulinot. (H. Noullet, La Falourde, 1996, 102.)
21. Vers la fin de l’été, un dimanche après-midi, nous allions en famille nous promener
le long du ruisseau. Papa [sabotier] y choisissait les vergnes qu’il abattrait pour faire des sabots. Je ne sais pas où il prenait les frênes et
les ormeaux. (L. Gaborit, Quand on était petits à la Tranchelardière, 1998, 100-101.)
22. Sur la lande que le gel a pétrifiée, les noisetiers et les vergnes s’ornent de longs chatons soufrés que le vent agite et délabre en un nuage doré.
(J. Mallouet, Les Jours chiffrés, 1999, 19.)
V. encore ici ex. 23 ; s.v. borde, ex. 3.
□ En emploi autonymique.
23. Je descendis vers la Hure, qui est le ruisseau de Maltaverne, et où je savais que
Simon pêchait […]. Je remarquai que la bordure d’aulnes (pourquoi ne pas donner aux
aulnes leur nom d’ici : les vergnes ?) la bordure de vergnes paraissait bleue. (Fr. Mauriac, Un adolescent d’autrefois, 1982 [1969], 62.)
— Par méton. "bois de cet arbre".
24. Il rendait visite au sabotier des Roches qui creusait encore des sabots de pin ou
de vergne comme autrefois. (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 183.)
25. Dans la vie de tous les jours, l’Auvergnat se chaussait de sabots […] en bois – pin,
bouleau, hêtre ou vergne. (A. Pourrat, Traditions, d’Auvergne, 1976, 46.)
26. Par terre, dans un coin, des bûches écorcées, bûches de vergne, celles qui font les sabots les plus légers, les plus jolis. (J. Anglade, La Soupe à la fourchette, 1996 [1994], 34.)
27. […] Albert […] tapotait de son manche de couteau un morceau de vergne pour en décoller l’écorce et se faire un sifflet. (P. Moinot, Le Matin vient et aussi la nuit, 1999, 200.)
◆◆ commentaire. Attesté dep. l’afr. (fin 12e s., Chrétien de Troyes, TLF ; dep. 1542 au sens métonymique « jadeau de vergne », Rabelais, TLF), ce type est représenté surtout, au plan dialectal, dans le sud-ouest
et le centre d’oïl, et en occitan sauf gascon (FEW), tandis que dans le nord règne
le type aulne (ALF 74). « Cette frontière observée dans les patois s’est perpétuée dans les français régionaux
[…] et se trouve restituée au Canada (cf. Québec aulne, Acadie-SPM verne, vergne). La représentation du mot dans la lexicographie générale est incohérente et lacunaire.
Il conviendrait de distinguer trois grands ensembles, de l’est à l’ouest : 1° verne n. f. (Sud de la Haute-Marne, Bourgogne, Franche-Comté, Suisse romande, Ain, Savoie,
Aoste, Isère, Velay, Ardèche) : 2° verne n. m. (Saône-et-Loire, Ain, Rhône, Loire) ; 3° vergne n. m. [spor. f.] (Berry, Bourbonnais, Poitou-Charentes, Aquitaine, Midi-Pyrénées) » (DSR). L’état de la documentation par rapport à celle dont disposait le DSR n’infirme
pas cette division tripartite ; elle permet de l’enrichir, notamment de sources auvergnates,
le silence des principaux répertoires concernant le français du Puy-de-Dôme étant
à entendre comme un « signe de forte légitimité » (ChambonÉtudes 1999, 140).
◇◇ bibliographie. Les indications bibliographiques qui suivent sont partiellement reprises du DSR 1997.
– [Représentation du mot dans la lexicographie générale] Rich 1732-1759 verne m. "sorte de bois qu’on nomme ordinairement aulne" ; Trév 1743-1771 verne m. « vieux mot » "aulne" ; Ac 1798-1935 vergne, verne sans marque ; Besch 1845 vergne m. "ancien nom de l’aulne" et verne "nom vulgaire de l’aulne" ; Littré 1872 vergne m. et verne sans marque régionale ; Lar 1876 verne m. "nom vulgaire de l’aulne dans certaines provinces" et vergne m. "synon. de verne ou aune" ; DG 1900 vergne m., verne « dialect. » ; Lar 1904 vergne m., verne "nom vulgaire de l’aulne" ; Lar 1933 vergne m., verne "nom vulgaire donné quelquefois à l’aulne" ; Lar 1964 vergne m., verne "nom usuel de l’aulne" ; Rob 1964 vergne m., verne "nom dialectal de l’aulne", GLLF vergne m., verne "nom régional de l’aulne" ; Rob 1985 vergne m. « régional (Centre) » et verne m. « régional » ; TLF vergne, verne m. « région. (Sud de la France, de la Vendée aux Vosges) » ; NPR 1993-2000 vergne m. « régional » ; Lar 2000 vergne, verne m. "aulne d’une espèce commune en Eurasie tempérée". – [Lexicographie différentielle et études] VillaGasc 1802 « Les termes vergne ou verne ne sont pas usités [en fr. stand.] » ; RollandGap 1810 ; SajusLescar 1821 vergne (genre non indiqué) ; MonnierJura 1824 verne dans la métalangue de pat. vana ; ConnyBourbR 1852 verne m. ; JaubertCentre 1864 vergne f. ; PuitspeluLyon 1894 verne m. ; GuilleLouhans 1894-1902 verne ; ConstDésSav 1902 dans la métalangue s.v. vêrna « En fr. verne est masculin » ; PoirierAcadG ; ParizotJarez [1930-40] verne m. « remplace entièrement aulne » ; DuraffVaux 1941 verne f. ; PohlBelg 1950 verne m. ; FleischJonvelle 1951 verne (genre non précisé) ; MassignonAcad 1962 (types vergne, verne f.) ; DuprazSaxel 1975, 213 bois de verne (sans marque, dans la métalangue) ; NouvelAveyr 1978 vergne m., s.v. bergne ; RLiR 42 (1978), 186 verne f. « au sud d’une ligne Vendée-Vosges » ; BichetRougemont 1979 verne f. ; GonthiéBordeaux 1979 vergne m. ; ManteIseron 1980 verne f. « le mot français aulne n’est jamais employé » ; MédélicePrivas 1981 n. m. ou f. « pas […] très utilisé car les aulnes ne sont pas très répandus autour de Privas […]
Sa forme la plus courante est verne » ; RouffiangeMagny 1983 vergne f. « fr. rural » ; TuaillonVourey 1983 verne f. « constant ; le mot fr. aulne n’est pas connu de tous ; il n’est jamais employé. La chronique locale des journaux,
les petites annonces utilisent le mot verne » ; GononPoncins 1984 verne m. « seul mot connu » ; MartinAoste 1984 verna, verne f. ; RézeauOuest 1984 et 1990 vergne m. ou f. ; DuraffHJura 1986 (vallée de la Bienne) verne f. ; MartinPellMeyrieu 1987 verne f. ; SuireBordeaux 1988 vergne m. ; MartinPilat 1989 verne m. « forme usuelle chez tous ceux qui désignent cette variété d’arbre et beaucoup ignorent
le nom français [standard] aulne » ; BrasChauvSPM 1990 verne, vergne f. ; DucMure 1990 verne f. ; BoisgontierAquit 1991 vergne f. ; CampsLanguedOr 1991 vergne m. (Cévennes, Lozère), verne f. (Cévennes) ; SuireBordeaux 1991 et 2000 vergne m. ; TavBourg 1991 verne f. souvent m. « très vivant partout (sauf dans l’extrême nord de la Côte-d’Or) où le nom officiel
est ignoré ; mot senti comme français [standard] » ; BoisgontierMidiPyr 1992 vergne m. ; ChaumardMontcaret 1992 vergne m. ; MazaMariac 1992 verne f. ; VurpasMichelBeauj 1992 verne m. ; BlancVilleneuveM 1993 verne f. ; DubuissBonBerryB 1993 vergne m. ; DuchetSFrComt 1993 verne f. ; FréchetMartVelay 1993 verne f. « usuel » ; GagnySavoie 1993 verne f. « partout ; usuel » ; TamineChampagne 1993 (sud de la Haute-Marne) verne f., var. vergne ; VurpasLyonnais 1993 verne m. « connu » ; FréchetAnnonay 1995 verne f. « globalement connu » ; SalmonLyon 1995 verne m. ou f. ; GermiChampsaur 1996 verne m. ; DromardDoubs 1997 verne ; DSR 1997 (avec bibliographie) verne f. ; FréchetDrôme 1997 ver(g)ne m. ou f. « globalement connu » ; ValMontceau 1997 verne m. « appartient au patrimoine régional » ; FréchetMartAin 1998 verne m. et f. ; MichelRoanne 1998 verne m. ; ChambonÉtudes 1999, 140 vergne m. (Pourrat, Gaspard des montagnes) et 240 verne f. (DuraffVaux) ; CormierAcad 1999 varne, verne f. ; NaudMadeleine 1999 verne f. ; MoreuxRToulouse 2000 vergne m. « aulne […] gagne du terrain ; les jeunes ne connaissent pas vergne » ; Lecoy RLiR 32, 1968, 54 ; ALF 74 ; ALO 339* ; ALB 555 ; ALCB 571 (sauf centre du
domaine) ; ALFC 392 ; ALLy 448* ; ALP 584 ; ALLOr 253 ; ALLOc 189 ; ALMC 266 ; ALAL
190 ; FEW 14, 299b-300a, verno.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ardèche, Ariège, Aveyron, Landes, Lot, Hautes-Pyrénées,
Deux-Sèvres, Yonne, 100 % ; Corrèze, 90 % ; Creuse, Vienne, 80 % ; Charente, Saône-et-Loire,
Tarn, Vendée, 75 % ; Haute-Vienne, 70 % ; Ain, Drôme, Haute-Loire (Velay), Tarn-et-Garonne,
65 % ; Gironde, 60 % ; Charente-Maritime, Haute-Garonne, Pyrénées-Atlantiques, 50 % ;
Isère, Lot-et-Garonne, Loire, 40 % ; Nièvre, 30 % ; Dordogne, 25 % ; Côte-d’Or, 20 % ;
Gers, Rhône, 0 %.
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