bourrasse n. f.
〈Indre, Cher (sud), Allier, Gard, Languedoc occidental, Puy-de-Dôme (spor.), Creuse, Aquitaine〉 fam., vieilli "pièce d’étoffe très épaisse, généralement carrée, de laine ou de coton, dont on enveloppe
le bébé au maillot par-dessus les couches". La « bourrasse » du nouveau-né (Ph. Valette, Mon Village, 1947, 179). La bourrasse, qui enveloppait étroitement les jambes comme le corps de l’enfant et
ne lui laissait, hormis les bras, aucune possibilité de mouvements, semble aujourd’hui
avoir relâché son étreinte (BrunetFrBourbonn 1964). Des bourrasses, ces épais langes de laine pour les bébés (A. Aucouturier, Le Dénicheur d’enfance, 1996, 84). Dans le temps on te mettait les nénets [= petits enfants] dans une bourasse [sic], ils pouvaient plus bouléguer*. (MazodierAlès 1996).
1. […] le berceau de bois posé sur le sol où dormait le bébé emmailloté dans sa bourrasse, coiffé du bonnet trois pièces qui devait l’empêcher d’avoir les oreilles écartées
[…]. (G. Thévenot, Une vie de Creusois, 1996 [1981], 37.)
2. Je profitais, dès ma naissance, de méthodes nouvelles : / Primo. Je n’avais pas de
« mailluvères » [= bandes à emmailloter], leur histoire était révolue, j’étais langée. Quel progrès !
Je pourrais ainsi agiter mes petits bras tout à loisir, et mes petits pieds étaient
à l’aise dans la bourrasse. (É. Méallet, D’une fougère… à l’autre, 1992, 107.)
3. Et puis, il y a déjà la poussette du grenier et les bourrasses de l’armoire à Léo. Elle est bien un peu jeune, notre Marie, mais des fois, la vie
n’attend pas. (A. Aucouturier, Le Dénicheur d’enfance, 1996, 205.)
4. C’était le baptême du Janot. Sa bourrasse était dissimulée sous la robe de baptême brodée, présent de sa marraine, mais ce
fut enfoui dans son burnous qu’il parcourut le chemin de Beauvoir au bourg*. (S. Lavisse, Les Locatiers de Beauvoir, 1998, 31.)
■ encyclopédie. « Le lange [pièce d’étoffe ordinairement carrée et d’environ 80 cm de côté, dans laquelle
on enveloppait le bébé], en étoffe de laine moelleuse et chaude, était superposé à
la couche » (ALMC 1467*). Quelquefois bourrasse désigne indifféremment le lange ou les couches, ou, plus rarement, les seules couches.
V. SéguyToulouse 1950, 86, où pernes est glosé "langes".
■ dérivés. 〈Allier〉 bourrasson, n. m. "id.". Voir s.v. drapeau, ex. 7. 〈Languedoc occidental, Haute-Vienne (sud), Corrèze, Dordogne (La Coquille), Aquitaine〉 bourrassou n. m. "id.". « Louis admirait son frère : un petit bout de chou, minuscule dans le grand “bourrassou” où Léonard était emmailloté » (P. Louty, Léonard, le dernier coupeur de ronces, 1995, 22). – 〈Corrèze〉 être dans les bourrassous loc. verb. fam. "être enveloppé de langes". « – [La cliente] On ne fait plus de langes ? – [La vendeuse] Oh, ça fait longtemps qu’ils
ne sont plus dans les bourrassous ! » (Tulle, dans un magasin de prêt-à-porter pour enfants, gérante env. 35 ans, août
1998). Fig. et ironique être encore dans les bourrassous loc. verb. "(d’une personne) être en retard pour son âge, être peu dégourdi".
◆◆ commentaire. Emprunté à l’occitan, principalement au languedocien (1638, Toulouse bourrassos "draps dont on enveloppe les petits enfants" J. Doujat, Dictiounari moundi, Toulouse, 1895 ; Alès bourâsso "pièce d’étoffe de laine dont on enveloppe les enfants au maillot, c’est celui de tous
les jours, il est au-dessous du lange de parade" Sauvages 1756 et 1785), où il dérive du sens premier "étoffe grossière" (v. bourras) et ignoré de la lexicologie générale française, le particularisme est attesté en
français dep. 1802 en Languedoc (VillaGasc), 1825 en Limousin (SaugerPrLim), 1861
en Basse Auvergne (MègeClermF). L’aire d’extension, du Béarn au Berry et du Périgord
à l’Auvergne, correspond à l’aire dialectale, bien qu’en retrait (DubuissBonBerryB
1993 signale l’emploi de bourrasse "lange" pour l’Indre et le sud du Cher, mais, contrairement à ce qui se passe dans l’Allier,
aucun témoignage, oral ou écrit, ne vient confirmer cet emploi pour la seconde moitié
du siècle). La diffusion s’est faite du sud vers le nord, et, semble-t-il, sans influence
transversale. Alors qu’une très grande perméabilité caractérise habituellement les
échanges de l’aire francoprovençale vers l’est de l’Auvergne et le sud-est du Bourbonnais,
des villes comme Roanne ou Lyon – où bourrasse a le sens technique "étoupes et flottes de chanvre" (PrajouxRoanne 1934 ; PuitspeluLyon 1894) –, ignorent le sens "lange" pour cette forme (Gardette ne le cite que pour les marges du domaine, ALLy 5, 974).
Cet emploi, qui reposait sur des coutumes propres au mode traditionnel d’emmaillotage
des bébés s’est, de ce fait, peu diffusé. La bourrasse est abandonnée depuis une ou deux générations et le terme survit dans le registre
familier, hors de tout contexte dialectal, aujourd’hui, en raison de sa valeur affective
et ludique ; en témoigne l’emploi encore vivant de fr. bourrassou (transfert, non adapté, de l’occitan) dans le Limousin.
◇◇ bibliographie. FEW 1, 640b, burra III ; VillaGasc 1802, bourasse ; SaugerPrLim 1825 bourassou "linges dont on enveloppe les enfants au berceau" [dites] langes ; MègeClermF 1861 "lange en laine dont on enveloppe les enfants nouveaux-nés" quelquefois au pl. "ensemble des langes qui servent à emmailloter un enfant" ; JaubertCentre 1864 "lange, maillot, couche, morceau de drap de futaine dont on enveloppe un tout petit
enfant" ; G. Dumont, Essai de folklore de la région de Bourbon-l’Archambault, Moulins, 1935 "petite couverture ou lange pour envelopper les couches des enfants" ; Cl. Rouleau, Essai de folklore de la Sologne bourbonnaise, Moulins, 1935 "grossière étoffe (fait partie de la layette)" ; SéguyToulouse 1950 « vocabulaire affectif, langage des nourrices » ; E. Tisserand, Du patois au français régional en un point du domaine bourbonnais […], DES Clermont-Fd, 1961, s.v. maillot "maillot (du nouveau né)" ; BrunetFrBourbonn 1964 "pièce d’étoffe […] enroulée par dessus le maillot […]" ; PierdonPérigord 1971, 141 (‑e, ‑ou) "maillot d’un bébé" ; BonnaudAuv 1976 "lange de laine" ; EspallBernisToulouse 1979, 92 « employé essentiellement par les plus de 40 ans » ; P. Delaigue, Patois et parlures du Bas-Berry, Châteauroux, 1983 "long molleton dans lequel on emmaillotait les bébés" ; SabourinAubusson 1983 et 1998 "molleton qui sert à envelopper le bébé lorsqu’il a été langé" ; BridotSioule 1977 "étoffe de laine croisée, très épaisse, servant autrefois à envelopper les nouveaux-nés
par-dessus une toile […]" ; QuestThiers 1987 "lange épais" ; DesrichardSouvigny 1989 bourasse "lange" « dans toute l’aire » ; BoigontierAquit 1991 (‑e, ‑ou) "maillot des petits enfants en tissu épais de laine ou de coton" « chose désuète et mot en passe de devenir hist. » ; BoisgontierMidiPyr 1992 (-e, ‑ou) « mot et chose archaïques dont le souvenir subsiste encore » ; DubuissBonBerryB 1993 "lange" ; PotteAuvThiers 1993 "lange de laine" ; BerthierIssoudun 1996 "lange, généralement de couleur brune, dont on emmaillotait un bébé de la tête aux
pieds ; on relevait l’extrémité du lange pour la fixer à l’aide d’épingles de sûreté" ; MazodierAlès 1996 ; MoreuxRToulouse 2000 « le mot, qui désigne une réalité disparue, est connu surtout des plus de 60 ans » ; ALF 1839 "langes", où la grande variété des types lexicaux cartographiés incite principalement à s’interroger
sur les conditions de l’enquête, n’est pas fiable ; voir ALCe 826 ; ALLy 974 et ALLy,
t. 5, 560 ; ALMC 1467 ; ALAL 916 ; ALG 639.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-1996 : Ø.
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