burle n. f.
〈Surtout Loire (sud), Isère (Vienne), Drôme, Ardèche, Haute-Loire (Velay)〉 usuel "vent violent et froid, qui souffle en tempête du nord ou du nord-ouest, balayant en
congères la neige qui tombe et la neige au sol, caractéristique des hauts plateaux
du Velay, du Vivarais et du Pilat". Stand. tourmente. Synon. région. écir*. – La « burle » et la neige bloquent les chemins (J.-C. Gouy, « Les écoles de l’Yssingelais en 1833 », Per lous chamis 24, 1977/1978, 22). Une face rougeaude façonnée par la burle (M.-H. Reynaud, dans M. Carlat, L’Ardèche, 1985, 179).
1. Quand j’étais chez moi, dans ce haut plateau du Massif Central, […] le long hiver,
la burle glacée, les congères […]. (A. Camus, L’Exil et le Royaume, 1962 [1957], 1577.)
2. En 1941-42, malgré le passage d’une locomotive-chasse neige, la « Galoche »* fut bloquée au lieu-dit « Le Fieu » situé à quelques centaines de mètres de la gare de Tence [Haute-Loire]. À cet endroit,
la pente était si raide et la neige si abondante, que le convoi s’embourba ! Les voyageurs
descendirent sous la « burle » et se mirent en devoir de pousser, puis de tirer… Pure perte, le convoi ne bougea
pas d’un mètre et très rapidement il devait être enfoui sous les congères. Pendant
une douzaine de jours on ne vit plus apparaître que la cheminée. (C. Bertholet, « La “galoche”, une épopée en rose et en gris », Per lou chamis 22, 1977, 31.)
3. Au début de décembre, […] quand la neige hésite à tomber, elle [la bise*] vous envoie dans les yeux une poudre impalpable, aussi fine que du sable, qui vous
picote comme mille aiguilles ; mais au cœur de l’hiver, elle devient la « burle » qui pousse la neige en congères capables d’enterrer une charrette ou un cabanon.
(Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 7.)
4. Le Pilat ? Un univers de bruyères, d’épicéas, de sources fraîches et bondissantes.
L’hiver est long, ici, et la « burle » y souffle le froid. (Pays et gens de France, n° 41, la Loire, 8 juillet 1982, 2.)
5. Vers deux heures, la « burle » se mit à souffler et construisit rapidement des congères énormes. (M. Fouriscot,
Marie la dentellière, 1987, 62.)
6. À Sainte-Eulalie [Ardèche], juste sous la source [de la Loire], j’ai vu […] des champs
de fleurs. Mais c’est aussi le pays de la burle qui souffle l’hiver. La Loire est alors sibérienne. (Le Monde, 18 juillet 1992, 25.)
V. encore s.v. lauze, ex. 14 ; traverse, ex. 1.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
7. Les gens de là-haut savent bien, eux, ce que c’est que la burle ; ce vent vif et glacé qui balaie, quatre mois de l’année, le plateau et les pentes
du haut Vivarais. Les gens de là-haut, mais pas l’étranger, pas le touriste qui ne
connaît du pays que les sentiers faciles et ensoleillés, bordés d’airelles* et de digitales. (P. Perrève, La Burle, 1984 [1981], 31.)
8. Sur ces plateaux que balaie en hiver la burle, ce blizzard démoniaque accumulant d’énormes congères dans les moindres replis de
terrain, la maison, immobile et morte, ressemble à un igloo du cercle polaire ou à
un bateau échoué […]. (Pays et gens de France, n° 22, la Haute-Loire, 18 février 1982, 7.)
9. La burle (la bise*) glisse entre les tuiles et les lauzes* une poussière de neige glacée […]. (F. Rey, La Haute saison, 1984, 256.)
10. La route fuit à perte de vue et les maisons basses aux toits de lauses* se blotissent au creux de quelque ondulation à l’abri de la burle, ce vent d’hiver qui balaye le grand plateau silencieux. (M. Carlat, dans M. Carlat,
L’Ardèche, 1985, 31.)
11. Quand souffle la burle, quand sous ses tourbillons se forment les congères, nous trouvons protection dans
nos maisons aux vieux murs de pierre. Avec les voisins on se réchauffe autour d’un
verre de vin, sans grands mots. Déjà, dans nos têtes, des projets s’échafaudent pour
le lendemain. Quand le vent glacé aura cessé sa danse infernale, ensemble, nous dégagerons
les chemins. (M. Debatisse, Paysans dans la burle, 1993, 164.)
12. […] la Burle de là-haut. Ce vent du nord gavé de neige en flocons, poussière, nuages, qui gifle,
aveugle, glace, ensevelit, gouache uniformément routes et paysages. / Burle violente, sournoise, envahissante, qui transforme le Haut-Plateau ardéchois en un
monde inhumain […]. (J. Durand, Les Contes de la burle, 1993, 9.)
V. encore s.v. écir, ex. 2 et 6.
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
13. Par le vent du nord, la neige s’appelle la burle. Elle est dure, impalpable, sauvage. Elle s’attaque aux êtres et aux choses, les assiège,
les violente, les réduit par la douleur : elle est une des armes de l’hiver. (Ch. Forot,
M. Carlat, Le Feu sous la cendre, 1979, t. 1, 74-75.)
14. Les vastes plateaux pelés [de l’Ardèche], les bois, la solitude alentour sont toujours
largement assez convaincants pour imaginer le soulagement des voyageurs en vue de
l’auberge isolée, quand le mistral local, la burle, sculptait des congères sur le plateau. (L’Événement du jeudi, 29 juillet 1993, 102.)
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
15. La « burle » – ceci pour les personnes nouvellement installées dans notre région – est ce vent
glacial qui, pareil au blizzard canadien, balaye en hiver les plateaux vellaves, y
amoncelant par endroits – généralement toujours les mêmes – la neige en des congères
d’une hauteur parfois impressionnante de deux à trois mètres et même davantage. Il
est à remarquer que ce mot de « burle » évoque assez bien le hurlement sinistre du vent. En certains patois, il désigne le
meuglement des bovins. Appliqué aux personnes, il est synonyme de cris répétés et
prolongés de douleur… (L’Éveil du Velay, 7 janvier 1974, cité dans Philippe Bonnin et al., « Habiter et se déplacer en Margeride », Ethnologie française 11, 1981, 26.)
◆◆ commentaire. Déverbal de fr. région. burler*, attesté dep. DornaLyotGaga 1953 (même date s.v. écir, ex. 2) ; un seul exemple dans la base Frantext (ici ex. 1). Non pris en compte par la lexicographie contemporaine (sauf le substantif
dans Lar 2000 « région. (Massif central) »), burle et burler ne sont relevés dans les glossaires régionaux que dans la seconde moitié du 20e s., ce qui est peut-être l’indice d’une pénétration assez récente de cet emploi en
français (mais burler "hurler" est attesté en français de Lyon dep. ca 1750, Du Pineau). Absent de MartinPilat 1989, burle figure dans Charpigny et al., Marius Champailler, paysan de Pélussin [Loire], 1986, 258 (au glossaire : « Fr. rég. burle » ; « L’informateur précise que ce mot [= patois burla] vient de la Haute-Loire voisine ») ; cette dernière notation est un indice intéressant de la diffusion du mot et de
sa pénétration dans le dialecte. Les termes burle et burler* sont les exacts correspondants de québ. poudrerie et poudrer.
◇◇ bibliographie. DuPineauV ca 1750 ; DornaLyotGaga 1953 ; ALLy V, 801, 4 ; MélédicePrivas 1981 « terme connu de tout le monde quoiqu’il ne corresponde pas à une réalité vécue à Privas » ; FéliceChambonL 1983, D-61 ; TuaillonRézRégion 1983 ; ArmanetVienne 1984 ; ArnouxUpie
1984 ; MeunierForez 1984 (en référence au Mezenc) ; DufaudLLouvesc 1986 burle ("vent qui souffle du nord […] particulièrement en montagne et sur les hauts-plateaux") s.v. burla dans la métalangue ; ChartronStÉtienne 1987 s.v. burle, dans la métalangue ; MazaMariac 1992 ; QuesnelPuy 1992 ; FréchetMartVelay 1993 ;
FréchetAnnonay 1995 ; FréchetDrôme 1997 ; PlaineEpGaga 1998 « encore utilisé » ; aj. à FEW 1, 491a, *bragullare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ardèche, Drôme, Haute-Loire (Velay), 100 % ; Loire 60 % ;
Isère et Rhône, 30 % ; Ain, 0 %.
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