airelle n. f.
〈Allier (sud-est), Ain, Rhône, Loire, Isère (sud), Drôme, Hautes-Alpes, Lozère (nord),
Ardèche, Haute-Loire, Cantal (nord), Puy-de-Dôme, Corrèze (nord), Haute-Vienne (sud).〉
1. Le plus souvent au pl. "petite baie comestible, d’un noir bleuâtre, à saveur douce et sucrée (fruit du Vaccinium myrtillus), employée notamment dans la confection de confitures et de tartes". Stand. myrtille. Synon. région. brimbelle*. – Aller aux airelles ; peigne à airelles ; râteau à airelles (GagnonBourbonn 1982, 77) ; jus d’airelle (J. Anglade, La Soupe à la fourchette, 1996 [1994], 33) ; confiture d’airelles, tarte aux airelles, sirop d’airelles ; eau d’airelle. Dernier
week-end de juillet : […] Fête des airelles, Duerne [Rhône] (P. Wells, La France gourmande, 1988, 236).
1. […] on rencontre quatre formes secondaires d’activité qui intéressent une partie importante
des Foréziens. […] la cueillette des airelles et la récolte des plantes médicinales […], la chasse aux grives, […] la confection
des chapelets. (J. Valentin, « Quelques formes complémentaires de l’économie rurale des Monts du Forez », dans Mélanges géographiques offerts à Ph. Arbos, 1953, t. 1, 131.)
2. Je suis le cantonnier des chemins vicinaux. […] Quand j’ai fini ma journée vers les
quatre heures et demie de l’après-midi […], je rentre en sifflotant. C’est bien rare
si dans mon panier, j’ai pas quelques champignons, des amandes sauvages, des noix
ou bien des airelles. Les airelles sont des fruits très délicats qui poussent sous les sapins, sur la mousse, c’est
très fin comme goût, c’est d’un bleu foncé très pur et d’un goût subtil… Vous, vous
ne pouvez pas en manger à Paris parce que ça supporte pas le voyage […]. (F. Raynaud,
Heureux !, 1975 [av. 1972], 124.)
3. Une lueur rosâtre entra par la fenêtre. C’étaient les lettres clignotantes : MAMMOUTH
qui s’allumaient et s’éteignaient irrégulièrement sur le ciel couleur d’airelle. (J. Anglade, Un temps pour lancer des pierres, 1974, 350.)
4. L’eau sourd de chaque rocher. Et les airelles sont toujours aussi savoureuses. Goûtez-les, et vous m’en direz des nouvelles. (J. Mallouet,
Jours d’Auvergne, 1992 [1975], 36.)
5. Les fruits sauvages sont en général fort appréciés en tartes ou en confitures (fraises
des bois, framboises, mûres). […]. Mais ce sont les « airelles », les myrtilles qui sont le plus commercialisées et exportées vers la Suisse et l’Angleterre.
[…] Dans les Monts du Forez, en août, se tiennent de véritables foires aux airelles. (A. Pourrat, Traditions d’Auvergne, 1976, 96.)
6. Dans le village certains exploitants viennent cueillir les airelles sur les communaux. […] « Je fais ce que je veux. Si les gens du village veulent ramasser des airelles, qu’ils en ramassent. Mais ça ne m’empêche pas d’y passer avec mes moutons. » (La Margeride : la montagne, les hommes, 1983, 309 ; enquête de juin 1979, informateur de 52 ans, berger au Malzieu-Forain,
Lozère.)
7. Olivier fêta à Saugues ses dix-sept ans en compagnie de la mémé, de l’oncle Victor
et de Marceau devant une tourte aux airelles quadrillée de pâte dorée. (R. Sabatier, Les Fillettes chantantes, 1980, 263-264.)
8. La confiture était d’un violet sombre, riche de petits fruits pareils à des grains
de chapelet.
– Ce sont des airelles. Elles poussent dans le bois. Bientôt elles seront mûres. Nous irons les cueillir ensemble. – Je connais. Elles servent à faire la teinture des sabots. (J. Anglade, La Soupe à la fourchette, 1996 [1994], 57.) 9. Et, enfin, après avoir contourné plusieurs touffes nues d’avoir été cueillies le jour
même, nous arrivâmes aux myrtilles. Elles étaient là, bleues, rondes, tout juste mûres
sous leur voile de levure, comme en ont les raisins et les prunes sur l’arbre. […]
Ah ! Ce n’était pas le parfum puissant des airelles de juin, ni le sucre de celles d’août. Mais nous étions le quinze octobre […]. (M. Delpastre,
Cinq heures du soir, 1997, 182.)
V. encore s.v. babet, ex. 1 et 8 ; burle, ex. 7.
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
10. Sans savoir que les baies sylvestres contenaient des quantités très appréciables de
facteurs nutritifs de première nécessité, […] les paysans d’Auvergne, depuis longtemps,
n’ignoraient rien des propriétés de certaines d’entre elles et notamment des myrtilles
(appelées faussement airelles bien souvent) pour les affections intestinales des hommes et des animaux. (F. Morisson,
« Les myrtilles : richesse naturelle du pays », Horizon Auvergne 11, septembre 1968, 43.)
11. Il m’arriva cependant plusieurs fois de m’aventurer sous les hautes fougères. Par
endroits, en effet, il y avait des touffes pressées de ces petits arbustes qui portent
les « merises » – c’est le nom qu’on donne ici aux airelles. (J. Vinatier, Jean de la Rose, berger des Monédières, 1999 [1985], 75.)
12. Myrtille de l’Ardèche […]. Autre appellation : Airelle, localement, mais les botanistes désignent par ce nom une autre espèce. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Rhône-Alpes, 1995, 268.)
V. encore s.v. brimbelle, ex. 11.
— En concurrence avec myrtille. V. ici ex. 5 et 9 ; s.v. piat, ex. 3.
■ encyclopédie. Le jus très foncé de ces baies était autrefois utilisé comme produit tinctorial, par
exemple pour teindre la laine ou le bois (v. supra ex. 8) ou encore « pour teinter le vin et lui donner cette couleur foncée qu’appréciaient tant les montagnards » (A. Pourrat, loc. cit.) ; on en faisait aussi du « vin d’airelles » (J.-L. Simon et J.-Fr. Simon, Là ou le vent s’envole. Chroniques d’un bout de France, 1850-1920. Le Monastier [Haute-Loire]
et ses entours, 1983, 34) ou de l’eau-de-vie (v. P. Magnan, L’Aube insolite, 1999 [1946], 83 ; J. Valentin, « Quelques formes complémentaires de l’économie rurale des monts du Forez », dans Mélanges géographiques offerts à Ph. Arbos, 1953, t. 1, 131 ; J. Vinatier, Jean de la Rose, berger des Monédières, 1999 [1985], 23).
2. Par méton. (au pl. ou dans un sens collectif) "sous-arbrisseau portant ces baies (Vaccinium myrtillus)". Synon. région. brimbellier*. – Un pied d’airelle ; une touffe d’airelles. Passer dans les airelles.
13. Au-dessus des forêts s’étendent les communaux, masse de terrain sur masse de terrain,
couverts d’une laine de bruyère et d’airelles. (H. Pourrat, En Auvergne, 1966 [1950], 167.)
14. Au mois d’octobre 1909, je quittai mes bois tapissés d’airelles et me trouvai étroitement enfermé au cours complémentaire de Thiers […]. (J. Anglade,
Le Tour du doigt, 1980 [1977], 45.)
15. L’airelle a de toutes petites feuilles rondes et les clients n’aimaient pas en trouver dans
les fruits, surtout pour la confiture. Alors, le soir, on n’en pouvait plus de souffler…
Nos airelles-myrtilles sont plutôt des myrtilles. Enfin, nous les appelions des airelles. Elles donnent un fruit très sucré, noir, un peu teinturier mais excellent pour la
santé. (Cl. et J. Jeury, Le Crêt de Fonbelle. Les gens du Mont Pilat, 1981, 112.)
16. Les brebis aiment les plants d’airelles et les broutent. (La Margeride : la montagne, les hommes, 1983, 309.)
V. encore s.v. airelier infra.
■ remarques. Les confusions et contradictions ne sont pas rares dans les dictionnaires, encore
au 20e s., à propos de airelle et de myrtille et de ce qu’ils désignent. Il semble cependant aujourd’hui acquis, en français standard,
que la variété Vaccinium myrtillus est désignée par myrtille et que airelle, s’il désigne parfois le genre Vaccinium (ainsi s.v. brimbelle, ex. 12), nomme plus souvent la variété Vaccinium vitis-idaea, dont les baies rouges, de saveur acide, sont notamment utilisées dans certaines recettes
de gibier. Cf. Jardins de France (revue de la Société Nationale d’Horticulture) n° 6, juillet-août 1996, 15 : « Il règne une certaine confusion entre les appellations airelles et myrtilles. Pour
plus de clarté, nous appelons myrtilles les Vaccinium qui portent des baies de couleur bleue ou noire, et airelles celles aux fruits rouges », et Hanse 1994 s.v. myrtille : « l’usage tend à opposer la myrtille, qui est noire, à l’airelle, qui est rouge. En Belgique, la distinction est nette et constante ». En Belgique, en effet (FEW 25, 655b), et en Suisse romande (GPSR 1, 229a), cette distribution est acquise depuis plusieurs
décennies, ce qui a pu contribuer à la répartition sémantique de ces termes en français
standarda.
a L’ambiguïté nouvellement générée (lorsqu’elle est connue) dans l’aire de airelle "fruit du Vaccinium myrtillus" par la répartition sémantique entre airelle et myrtille en standard y favorise sans doute l’usage occasionnel du composé airelle myrtille (V. supra ex. 15 et P. Cousteix, « Vacances en pays d'Artense. Témoignage 3 », Bïzà Neirà 91, 1996, 31).
■ dérivés. 〈Haute-Loire, Puy-de-Dôme〉 airelier n. m. "(synon. moins usuel du sens 2 supra)". Synon. région. brimbellier*. « Je ne saurai [sic] me dispenser de dire un mot des airelles* qui constituent une source de revenus appréciables. L’airelier, ou myrtille, pousse dru dans les bois de pins ou de hêtres et produit certaines années
une quantité prodigieuse de baies qu’on cueille du commencement d’août jusqu’à la
mi-septembre » (Autrefois, la vallée de l’Ance. Jean Chataing (1871-1941), 1985, 93) ; « Ils s’enfoncèrent au plus profond du bois [la scène se passe en Algérie]. Le sol était
tapissé de lentisques. “Chez moi, se dit Adrien, ce seraient des aireliers.” » (J. Anglade, La Soupe à la fourchette, 1996 [1994], 328). – Première attestation : airellier 1913, J. Romains (né à Saint-Julien-Chapteuil, Haute-Loire), dans TLF ; FEW 25, 655a, ater.
◆◆ commentaire. L’aire du mot montre qu’il doit sa diffusion (sans doute favorisée par la commercialisation,
et l’industrialisation, assez récente, de l’exploitation des baies fraîches) au français
de Lyon (où il est attesté dep. 1573, FEW) ; cette aire de fr. airelle transcende de manière particulièrement caractéristique les aires des mots dialectaux
(v. ALLy 490, ALJA 485, ALP 533, ALMC 212, ALAL 328)a. Le terme a d’abord pénétré en français par la filière des botanistes, qui l’ont
utilisé pour désigner le sous-arbrisseau et ont été suivis par les lexicographes de
la langue référentielle. La coexistence ancienne de la variante, beaucoup plus rare,
aurelle (basée sur un traitement très localisé, FEW 25, 655b), et la localisation des premières attestations sont des arguments en faveur d’un
emprunt du mot français aux parlers francoprovençaux de la Loire (après 1500, en référence
au Pilat ; stéph. 1605, DAOSuppl 709) plutôt qu’à l’occitan (v. M.-G. Boutier dans
FEW 25, 657a et n. 77) ; la base est lat. région. *atrella, dérivé sur ater "noir, sombre" en raison de la couleur des baies. Sur son aire régionale, airelle subit en général la concurrence du synonyme standard myrtille (voir aussi supra ex. 5 et 9).
a À noter les titres de cartes de l’ALLy « Des airelles » (avec ce commentaire : « Les airelles de notre région sont bleues […]. Autrefois on cueillait les airelles
pour en faire de la piquette et quelquefois de la liqueur. Aujourd'hui on en fait
de la confiture »), ALP « L'airelle ; l'airelier » ; ALMC « Airelle-myrtille ; “airellier” ».
◇◇ bibliographie. PrajouxRoanne 1934 ; MazaleyratMillevaches 1959 (dans la métalangue, 85) ; GagnonBourbonn
1982, op. cit. ; GebhardtOkzLehngut 1974, 68 ; GoosseMél 1991, 420-428 [1974] ; Arveiller, MélCamproux
1978 2, 809-819 ; MédélicePrivas 1981 « seul terme utilisé, pourtant myrtille est en général connu » ; TuaillonRézRégion 1983 ; ArnouxUpie 1984 ; Germi, MélTuaillon 1989 2, 186-198 ;
MazaMariac 1992 ; FréchetMartVelay 1993, qui témoigne de la concurrence de myrtille : « […] myrtille […] s’introduit de plus en plus en Velay comme mot du commerce (on va aux airelles,
mais on vend des myrtilles ou on achète des tartes aux myrtilles) » ; LengertAmiel ; PlaineEpGaga 1998 ; ChambonÉtudes 1999, 104-105 (Pourrat, Gaspard des montagnes) ; FEW 25, 655a, ater.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ardèche, Drôme, Loire, Haute-Loire, Rhône, 100 % ; Ain,
60 % ; Isère, 40 %.
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