brimbelle n. f.
〈Lorraine, zones romanes de l’Alsace, Haute-Saône (est), Territoire-de-Belfort〉 fam., vieillissant
1. Le plus souvent au pl. "petite baie comestible, d’un noir bleuâtre, à saveur douce et sucrée (fruit du Vaccinium myrtillus), employée notamment dans la confection de confitures et de tartes". Stand. myrtille. Synon. région. airelle*. – Tarte aux brimbelles (J. Desgênes, La Grange du Hazard, 1949, 41). Au moment des brimbelles (Robert Billerey, Histoire de Belfahy, 1977, 63). Crème de brimbelle (Le Pays, 16 octobre 1998, 25). La fête des brimbelles au sommet du Ballon d’Alsace (Le Pays, 17 juillet 2000, 10).
1. Quand les soirées sont belles
Sous les sapins noirs […] Et j’emplis des écuelles […] De gentilles brimbelles Aux jolis p’tits grains noirs. (Chanson de É. Roy, dit Milo, de Lepuix [Territoire-de-Belfort], av. 1960, dans Pays comtois Magazine, novembre-décembre 1996, 77.) 2. Selon les saisons, je picorais de-ci de-là framboises, brimbelles, mûres ou noisettes… (R. Riblet-Buchmann, Mon Paradis vosgien, 1978, 15.)
3. Bernard […] s’enfonce à son tour juqu’aux genoux dans les brimbelliers* […].
– Vous avez goûté ? Elles sont bonnes cette année ! crie Isabelle, dents et lèvres bleuies par le jus de brimbelles. Et déjà mûres ! (G. Laporte, Le moulin du Roué, 1984, 123-124.) 4. Sur les chaumes jaunis aux chaleurs de l’été,
nous voici grapillant les violettes brimbelles, et quand nous les aurons goûtées à satiété, nous nous rafraîchirons aux claires cascatelles. (R. Begeot, cité dans G. Taiclet, J.-P. Escher, René Begeot et la vallée du Rahin. Une vie, une œuvre, 1997, 85.)a a Du même auteur, un autre poème intitulé « Les brimbelles », commence par ces vers : « Quand viendra le temps des brimbelles, En juillet sur nos verts ballons, On chantera
des ritournelles Pour en célébrer les moissons » (R. Begeot et al. Contes comtois des rois René, 1978, 185).
5. La brimbelle est aux « chaumes » et aux sous-bois vosgiens ce que la mirabelle est à « la plaine », ce que la lavande est à la Provence. La brimbelle c’est un concentré de soleil, de ciel gris ou bleu, d’air pur et de santé. (G. Remy,
En cueillant les brimbelles, 1986, 57.)
6. Après le 15 août les matinées sont plus fraîches, la forêt plus belle avec sa verdure
et ses fruits sauvages ; les arbres sont gonflés à en éclater sous les rayons du soleil,
la mousse caresse les pieds qui s’enfoncent doucement, et les pentes regorgent de
ces petites boules bleues sucrées qui colorent les lèvres et les dents d’un jus indélébile.
Il fut décidé ce jour-là d’aller « aux brimbelles ». (Fr. Martin, L’Enfance retrouvée, 1989, 33.)
7. […] son short bleu, un rien trop vaste, portait au fondement le sceau de la brimbelle écrasée […]. Il tenait à la main un vieux pot au lait […] : des myrtilles tassées
au fond du pot le remplissaient au petit tiers. (P. Pelot, Ce soir les souris sont bleues, 1993, 17.)
8. Le Benjamin était un paysan madré qui distillait plus ou moins clandestinement les
brimbelles et les autres fruits sauvages. (J. Chaudron, Autour de la Bessotte. Souvenirs d’un enfant de Lorraine, 1994, 143.)
9. La chasse aux brimbelles [titre] / Fondé en 1974, le peloton de gendarmerie de Xonrupt-Longemer, dans les
Vosges, est le plus ancien du massif. […] L’intervention la plus originale est cette
prise de 50 litres de myrtilles opérée dans la réserve biologique du Tanet, interdite
aux randonneurs : « Jusqu’à trois litres de brimbelles, nous fermons les yeux, mais au-delà nous confisquons et nous reversons le tout aux
collectivités, genre maisons de retraite et hôpitaux », explique le chef Rémy Mangel […]. (L’Est républicain, éd. Nancy, 28 août 1997, 410.)
V. encore s.v. pot-de-camp, ex. 6 et 8 ; tarte, ex. 19.
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
10. À l’ordinaire, elle [la grand-mère] habitait Saint-Dié, ville de grès rouge dans le
vert des sapins. C’était le pays des myrtilles (que nous appelions des brimbelles) […]. (P. Gaxotte, Mon village et moi, 1968, 170.)
11. Les myrtilles ou airelles*, brimbelles pour les Vosgiens, sont fraîches et délicieuses. (Femme pratique, septembre 1972, 151, cité dans MélGoosse, 424.)
12. De Plombières à Remiremont, notre itinéraire se fera franchement montagnard, avec
les eaux vives dans les sous-bois de sapins noirs où prospèrent les « coulemelles » et les « jaunirés » (qui sont des champignons) ainsi que les « brimbelles » (qui sont des petits fruits que vous pourrez récolter à la saison et que les Parisiens
baptisent myrtilles). (J. Vartier, Histoire de notre Lorraine, 1973, 382.)
13. […] tout le monde connaît la Myrtille commune (Vaccinium myrtillus), arbrisseau de 50 cm de haut, popularisé par ses baies noires et pruineuses, les myrtilles
que les gens des Vosges saônoises appellent encore des brimbelles. […] On récolte les brimbelles pour en faire des desserts. (J.-P. Perney, Fleurs de Franche-Comté, 1976, 150-151.)
14. Ou bien on nous envoyait cueillir les fruits sauvages qui tour à tour mûrissaient
dans nos campagnes : fraises des bois, myrtilles, framboises ou mûres, qui seraient
transformées en confitures ou utilisées pour les tartes. Que de fois nous a-t-on envoyés
au revers du Fort de Château-Lambert cueillir ces myrtilles qu’on appelle chez nous
des « brimbelles » et dont les tartes sont si appréciées de nos contemporains ! (M. Sauvage, « Les travaux & les jours dans les Vosges saônoises », Barbizier, Bulletin de liaison de folklore comtois, n° 9, décembre 1980, 27.)
— En alternance avec myrtille.
15. […] un menu gourmand […] où l’on trouve […] les brimbelles du Ballon d’Alsace qu’ailleurs on appelle plus couramment des myrtilles. (L’Est républicain, éd. Belfort, 23 octobre 1996, 261.)
16. Belfahy / Fête / de la myrtille / Dimanche 25 juillet, / de 10 à 22 heures [titre]
/ Tous les Haut-Saônois savent que Belfahy est le village le plus haut de la Haute-Saône,
qu’il est le lieu de la première station de sports d’hiver du département et que les
brimbelles y abondent. (Les Affiches de la Haute-Saône, 14e année, 23 juillet 1999, n.p. [4].)
2. Par méton. "sous-arbrisseau portant ces baies (Vaccinium myrtillus)". Synon. région. airelier*. – Un pied de brimbelles ; une touffe de brimbelles. Les brimbelles effeuillées (Revue lorraine populaire 23, août 1978, 46).
17. Dans les régions de faible altitude, pommiers, cerisiers sauvages, charmes et trembles
recouvrent un sous-bois enchanteur […], tapissé de brimbelles […]. (Pays et gens de France, n° 79, les Vosges, 28 avril 1983, 7.)
■ dérivés. 〈Lorraine〉 fam., vieillissant brimbellier n. m. "sous-arbrisseau (Vaccinium myrtillus) portant ces baies". Synon. région. airelier*. « Ce sentier, je pourrais encore en dénombrer presque chaque pierre, chaque racine,
chaque minuscule plage de sable, chaque brimbellier… » (R. Riblet-Buchmann, Mon Paradis vosgien, 1978, 15) ; « […] on s’a [sic] roulé dans les brimbelliers » (G. Remy, En cueillant les brimbelles, 1986, 57) ; « J’ai été piqué par des guêpes […]. Je pense que j’ai marché sur un nid dans les brimbelliers… » (P. Pelot, Ce soir les souris sont bleues, 1993, 18) ; « Sous les sapins poussaient des brimbelliers [en note : arbuste qui portait les brimbelles (les myrtilles)] qui, à certains endroits, étaient
aussi hauts que moi, si bien que je n’avais pas besoin de me baisser pour en cueillir
les fameuses baies violettes » (J. Chaudron, Autour de la Bessotte. Souvenirs d’un enfant de Lorraine, 1994, 141) ; « Dans les taillis de chênes, de hêtres ou de bouleaux qui dominent le village [Vescemont,
Territoire-de-Belfort] à l’Est comme à l’Ouest, les brimbelliers ne portent cette année aucun fruit » (L’Est républicain, éd. Belfort, 25 juillet 1996, 256) ; v. encore ci-dessus, ex. 3 ; s.v. cachette, ex. 1 ; pot de camp, ex. 7. – Attesté dep. AcC 1838 (brimballier) et Lar 1928 (brimbellier).
◆◆ commentaire. Attesté en français dep. 1765 brinbelle (Enc 10, 572b s.v. mirtille, sans marque régionale ; l’article est dû au Languedocien G.-F. Venel) et 1775 brimbelle (« Cette plante, appellée brimbelle en Lorraine » Valmont de Bomare, Dictionnaire raisonné universel d’histoire naturelle, s.v. airelle), le mot a été relevé au 19e s. dans trois aires : à l’Ouest (Orne et Seine-Maritime), à l’Est (de la Lorraine
aux Vosges et au Juraa ; dénoncé par MulsonLangres 1822 et attesté chez les Goncourt [aux origines lorraines]
dans Guérin 1892) et en provençal (brimbellas pl. "un des noms de l’airelle" Honnorat 1848 ; brimbello "fruit de l’airelle" Mistral). Il n’a guère pénétré dans la langue générale (un exemple dans le Journal de Gide en 1939, Frantext) et est aujourd’hui caractéristique du français des Vosges du sud, notamment dans
les régions à l’est du domaine de l’ALLR qui ont l’équivalent patois ⌈ blu ⌉ (v. déjà BlochVosgesMérFr 1921, 133) ; on ne retiendra pas l’indication de NPR 1993-2000
(« région. (Normandie, Provence, Est) »), qui confond les données dialectales et françaises. Pour une attestation au 19e siècle, cf. « Je recommande à Monselet, quand il viendra dans les Vosges, les confitures de brimbelles, ou myrtilles, ou airelles, ou morets, ou raisins des bois. Je les lui recommande – afin qu’il les évite » et « je suis tombé dans un buisson de myrtilles ! Ce sont des brimbelles que je bois à la poignée ! Sainte Brimbelle, merci !… Je t’ai dédaignée à La Bresse
[…] / ; mais ici, dans cette forêt du Rouge-Gazon, je ne crains pas de te faire amende
honorable. Tu es acidulée en diable, chère brimbelle, mais tu rafraîchis les palais
desséchés ! Sois bénie, sainte Brimbelle ! » A. Delvau, « Du Pont des Arts au pont de Kehl », 1866, dans Le Voyage en France, Paris, Robert Laffont, t. 2, 1997, 634 et 640). Dérivé sur le rad. onomatopéique
bri(m)b‑, exprimant l’idée de petitesse (cf. bribe, brimborion), avec le suff. ‑elle (peut-être favorisé par airelle).
a Ainsi en 1837 (« Airelle Myrtille, Vaccinium Myrtillus […]. Les fruits du Myrtille [sic] sont très recherchés dans les Vosges et dans le Jura, où on les nomme Brimbelles » J. Roques, Nouveau Traité des plantes usuelles, Paris, t. 2, 414), datation aimablement communiquée par M. et Ph. Hyman.
◇◇ bibliographie. ToubinJura 1870 ; BeauquierDoubs 1881 ; PutonRemiremont 1901 brinbelle ; RobRemiremont 1911 ; RollandFlore 7, 235 « brimbelle,français de Lorraine et de Franche-Comté. (La tarte aux brimbelles est renommée dans ces pays) » ; BlochLex 1915 [brɛ̃bɛl] "fruit du Vaccinium myrtillus" (s.v. airelle) « En fr. pop. partout [dans les Vosges méridionales] », et dans la métalangue s.v. sirop : « S[irop] de carottes, de poires, de prunes, de brimbelles, de genièvre ou de sureau » et s.v. tarte « Tarte de brimbelles » ; BlochVosgesMérFr 1921, 133 « Il arrive même que le français régional emploie des mots peu ou à peine connus du
patois, tels que “mouche à miel” et surtout celui qui désigne l’airellea, brẽbèl, usité partout, tandis que tous les patois disent blu(y) » ; CollinetPontarlier 1925 ; AubBRanrupt 1962, § 168 ; LanherLitLorr 1989 et 1990 ;
ColinParlComt 1992 ; DuchetSFrComt 1993 ; A. Litaize, MélLanher 1993, 115-121 ; MartinVosges
1993 brimbelles "myrtilles" s.v. cache et pot-de-camp (aller aux brimbelles) ; MichelNancy 1994 ; JacquotChampagney 1998 brimbelle "myrtille" ; LesigneBassignyVôge 1999 ; ALLR 121 ; TLF ; Rob 1985 ; FEW 1, 528a, bri(m)b-.
a Sur cet emploi, v. la remarque s.v. airelle.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Vosges, 100 % ; Meurthe-et-Moselle, 85 % ; Meuse, 80 % ;
Moselle, 75 %.
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