tarte n. f.
I. 〈Moselle (est), Alsace〉 tarte flambéea loc. nom. f. usuel "fine abaisse de pâte à pain de forme rectangulaire (moins souvent, ovale ou ronde),
garnie d’un mélange de crème et fromage blanc, d’oignons hachés, de lardons et d’huile
de colza, traditionnellement cuite au four à bois et servie sur une planchette". Synon. région. flammekueche*. – Tarte flambée au feu de bois. En été, profitez de la terrasse où l’on sert les tartes flambées (Le Guide rouge 2000, 2000, 273 [Restaurant des environs de Bitche, Moselle]).
a Une première version d’un article tarte flambée est parue dans Kulturelle und sprachliche Entlehnung : die Assimilierung des Fremden. Akten der gleichnamigen
Sektion des xxv. Deutschen Romanistentages […] in Jena vom 28.9 – 2.10.1997, Bonn, 1999, 165-167.
1. Parmi les plats inédits ou oubliés que Gérard Burg devaient [sic] créer ou ressusciter, l’un d’eux a connu une extraordinaire fortune, il s’agit de
la tarte flambée […]. En 1959, au Barberousse à Haguenau, réapparaît pour la première fois en Alsace,
sur une table de restaurant, ce vieux plat qui s’identifie si bien aux racines profondes
de notre Région. (Gazette hôtelière, Strasbourg, juin 1981, 7.)
2. La salle de l’auberge bourdonnait. Ce dimanche soir, comme de tradition, les Strasbourgeois
s’étaient arrêtés ici, au retour du week-end, pour manger et boire en famille. […]
Un coup d’œil lui apprit que les dîneurs en étaient à leur deuxième carafe d’edelzwicker
et à leur quatrième ou cinquième tarte flambée. […] pourquoi la pizza italienne triomphe-t-elle à travers le monde alors que la tarte
flambée alsacienne, de même nature, aussi nourrissante, aussi délicieuse et aussi
peu chère, n’a point franchi les Vosges ? […] « Aucun mystère. Tarte flambée extraordinaire. Ont bien raison de la garder pour eux. » (P.-M. Doutrelant, La Bonne Cuisine et les autres, 1986, 137 et 139.)
3. Dans les rues du vieux Wissembourg, accordéon et tartes flambées seront naturellement encore de mise pour cette journée de clôture [des fêtes de la
Pentecôte]. (Dernières Nouvelles d’Alsace, 27 mai 1996, LO 3.)
4. S’il y avait un championnat de la meilleure tarte flambée, celle des Clauss ne serait pas loin de la première place. Elle est en tout cas en
première division pour sa pâte à la fois fine, moelleuse et légèrement croustillante.
(J. Lindecker, Fermes-auberges dans les Vosges, 1996, n. p.)
5. Hier à Littenheim, un village situé à côté de Saverne, c’était la fête de l’agriculture
[…]. Le public put s’attabler pour se rafraîchir et déguster en fin d’après-midi des
tartes flambées servies dans la cour de la ferme. (Dernières Nouvelles d’Alsace, 11 août 1997, ST 3.)
V. encore ici ex. 10 ; s.v. cordon-bleu, ex. 1 ; cuisine, ex. 1 ; flammekueche, ex. 7 ; mauricette, ex. 4 ; rossbif, ex. 1.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
6. […] la tarte flambée (une sorte de pizza alsacienne dite « flammekueche* » avec crème et lardons). (G. Pudlowski, Je vous écris de Strasbourg, 1988, 79.)
— En lien synonymique avec flammekueche.
7. Le flammekueche* ou tarte flambée, apprécié par nos grands-mères[,] avait disparu pratiquement de nos menus. Il vient
de faire une rentrée triomphale dans notre gastronomie locale […]. (Cl. Riegel, « Éloge du Winstub » dans La Gastronomie alsacienne, 1969, 234.)
8. […] les tartes flambées paysannes que mitonne la grand-mère dans le four maison. Vraie flammekueche* bucolique, avec pâte épaisse, délicieusement craquante, et intérieur crémeux : c’est
évidemment le morceau de roi pour lequel on fait le déplacement. / La version nature
est exquise, comme les gratinées au fromage et forestières avec champignons. (Dernières Nouvelles d’Alsace, 20 mars 1988, TE 2.)
V. encore s.v. flammekueche, ex. 1 et 3.
□ En emploi métalinguistique.
9. « Comme il était chic de parler français, des citadins baptisèrent le flammekueche*, tarte flambée », raconte-t-il [un restaurateur d’Ittenheim, Bas-Rhin]. « Ce qui est incorrect. En terme culinaire [sic, au singulier], flamber veut dire arroser avec de l’alcool et allumer. Il faudrait
donc dire tarte flammée ». (Dernières Nouvelles d’Alsace, 12 mai 1997, TE 3.)
10. […] de retour dans mon Alsace natale, après des années passées sous d’autres cieux
en France et ailleurs, je m’étonne du fleurissement, au bord des routes et aux frontons
des restaurants d’Alsace, de panneaux « Tarte flambée, spécialité alsacienne ». […] / Notre Flammekuche* n’est pas une tarte flambée, ni au plan de sa préparation, ni de sa cuisson, ni au point de vue « lexicographique » [sic !]. Cette traduction de l’alsacien en français est un barbarisme. / D’ailleurs, à
« l’Intérieur* », les restaurateurs ne se trompent pas et ils n’ont aucun complexe : les établissements
qui mettent notre spécialité à la carte, écrivent « Flammekuche » […]. / Alors, Mesdames, Messieurs les organisateurs de fêtes, les restaurateurs,
soyez « authentiques », affichez la bonne vraie couleur, servez du Flammekuche. (Dernières Nouvelles d’Alsace, 25 mai 1997, TE 2 [Courrier des lecteurs].)
■ remarques. Pour la concurrence avec flammekueche, v. ce mot.
■ encyclopédie. La tarte flambée, préparation traditionnelle dont plusieurs régions de France ont
connu des variantes, a été introduite dans le circuit de la restauration en Alsace
à la fin des années 50. On trouve aujourd’hui dans un grand nombre de restaurants
alsaciens diverses tartes flambées qui renchérissent sur la formule de base (laquelle
est alors qualifiée de nature, normale ou paysanne) : tarte flambée gratinée (sur laquelle on ajoute du gruyère), tarte flambée forestière (avec des champignons), tarte flambée aux pommes (servie comme dessert), etc. Elle commence à être connue à travers la France où divers
restaurants ou chaînes de restauration l’inscrivent à leur menu, et l’on trouve aussi
dans le commerce des tartes flambées surgelées (voir s.v. flammekueche, ex. 4) ; mais la dérégionalisation du mot semble à peine commencée et l’étranger
non prévenu est souvent surpris, qui comprend spontanément tarte flambée comme "tarte (aux fruits) arrosée d’un alcool qu’on fait flamber". V. L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Alsace, 1998, 116-118. Recette de « Tarte flambée », ibid., 328.
II. [Pâtisserie]
1. 〈Surtout Nord, Pas-de-Calais〉 tarte à la bouillie/au lait bouilli/au libouli loc. nom. f. vieillissant "tarte dont la garniture est faite de crème pâtissière, dessert traditionnel des ducasses*". Les tartes à la cassonade, à la rhubarbe, au lait bouilli (P. Marchand, dans Les Pays du Nord (Nord, Pas-de-Calais), 1994, 87). Tarte au « libouli »a (A. Viseux, Mineur de fond, 1991, 30).
a En note : « Ou “lait-bouli”. Crème pâtissière. »
11. De vin en bière et de bière en vin, de chansons en histoires où Cafougnette, le héros
du pays noir, est roi, on arrive enfin à l’apothéose. Les discours s’arrêtent, les
regards se fixent : à bout de bras, au milieu de la table, ma mère vient de poser,
énorme, luisante à souhait, sursaturée d’œufs frais, la tarte à la bouillie. (R.-H. Desbordes, Mineur à Bruay-en-Artois, 1982, 10.)
12. La tarte à la bouillie a été un dessert très répandu à Senneville. Selon la recette classique on étend,
sur un fond de tarte en pâte brisée, une sauce béchamel au chocolat ou à la vanille,
éventuellement parfumée de zeste de citron. (SchortzSenneville 1988, 145.)
13. Pour la « Ducasse »*, chaque famille faisait des tartes villageoises ou « tartes au lait bouilli ». (M. Teneur Van-Daele, Au temps des artisans, 1989, 68.)
2. 〈Pas-de-Calais (Boulonnais)〉 tarte au papin loc. nom. f. "id.". Synon. région. papin aux pruneaux.
14. […] mémère Harlé [à Wirwignes, Pas-de-Calais] qui prit sa retraite à plus de 80 ans
et fut célèbre dans tout l’arrière-pays boulonnais pour sa tarte au papin (une pâte briochée, garnie d’une sorte de crème pâtissière aux pruneaux) […]. (L’Événement du jeudi, 9 juillet 1992, 106.)
3. 〈Nord, Marne (nord), Lorraine〉 tarte au sucre loc. nom. f. usuel "fine abaisse de pâte brisée garnie de sucre roux légèrement humecté d’eau et parsemée
de noisettes de beurre". Synon. région. galette* au sucre. – Fine tarte au sucre, toute tiède (La Voix du Nord, Supplément Dimanche découvertes, 25-26 octobre 1998, 18).
15. […] comme une mouche sur le papier à mouches, et si on la décolle, ça file entre elle
et le papier comme du sucre fondu, comme du guillant [sic pour guilant = liquide sirupeux] de tarte au sucre… (A. Stil, André et Violine, 1994 [1964], 205.)
16. Tarte au sucre / Le Nord ne craint pas la quantité de sucre ni la quantité de beurre, c’est d’ailleurs
là le vrai secret de la réussite : il faut que la tarte « guile » [= coule comme un sirop épais] comme disent les p’tits quinquins. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Nord-Pas-de-Calais, 1994, 226.)
17. Parmi les spécialités culinaires [du Nord] […] je vous dirai que la « tarte au sucre » fallait pas être la moitié d’un con pour l’inventer […]. (Renaud, Renaud bille en tête, 1997 [1994], 32.)
18. Elle l’avait souvent près d’elle quand il était tout gosse, c’était une bonne voisine.
Elle avait toujours un bout de tarte au sucre pour lui […]. (A. Collignon, Les Jonchères, 1997 [1995], 252.)
19. Après les fromages […], la maîtresse de maison apporta les tartes : tartes aux mirabelles,
tartes au sucre, tartes aux prunes, tartes aux brimbelles*… (G. Garillon, Vosges de mon enfance, 2000, 147.)
■ encyclopédie. Recette sommaire dans J.-M. Cuny, La Cuisine lorraine, 1975, 129, et L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Nord, Pas-de-Calais, 1994, 140 et 226.
◆◆ commentaire.
1. Attestée en 1969 (v. ci-dessus ex. 7 ; même date dans HöflerRézArtCulin, fondée sur
une autre source), mais certainement antérieure, la lexie a dû se répandre en français
d’Alsace lors de la commercialisation de ce mets à la fin des années 50 ; elle aurait
été préférée à tarte flammée, d’abord proposé par la maison Riss de Lampertheim (Gazette hôtelière, Strasbourg, octobre 1981, 24 ; cf. aussi supra, ex. 9). Adaptation de l’alsacien
flammekueche, littéral. "gâteau cuit à la flamme", aujourd’hui préférée à galette à la flamme, tarte flammée et tarte à la flamme ; pour ce dernier, cf. O. Guelliot, Les Pâtisseries populaires, Reims, 1914, 24 « tarte à la flamme (Lorraine) » Curnonsky, Trésor culinaire de la vieille France, 1927, 58 (où tarte à la flamme désigne la quiche) et AubBRanrupt 1962, 179 : « la tarte au lard, le tåt è le fyòm (littéral. tarte à la flamme) […], espèce de quiche lorraine qu’on faisait régulièrement
avec la cuisson du pain quand il y avait encore du feu au four » ; TLF s.v. flambé. II.1. Attesté dep. 1890 en référence à la Brie (« Meaux, Coulommiers et toute la Brie font des tartes à la bouillie pour les noces et
par centaines » P. Lacam, Mémorial historique et géographique de la pâtisserie, 7), la lexie a été relevée aussi en Seine-Maritime (SchortzSenneville 1998) et dans
la Haute-Loire (P. Chevrier, La Haute-Bigue, 1996, 17) ; c’est dans le nord de la France, semble-t-il, qu’elle est le plus attestée.
2. Attesté dep. 1914 dans un roman de R. Bazin dont l’action se situe à Boulogne (« une “tarte au papin”, c’est-à-dire dans une pâte légère, une bouillie épaisse mélangée de pruneaux », Gingolph l’abandonné, Paris, 257). De tarte et papin "bouillie pour enfants" (lequel est attesté dep. le 13e s., particulièrement dans le Nord de la France). – CartonPouletNord 1991.
3. La lexie tarte au sucre (dep. 1964 dans le français du Nord, v. ici ex. 15) n’est usuelle, ainsi que le référent,
que dans le Nord de la France (et au Québec, auquel renvoient les trois occurrences
du cédérom Le Monde ; v. DFPlus 1988, DQA 1992). Absente de Frantext, elle n’appartient pas au français de référence (Ø GLLF, Rob 1985, NPR 1993-2000,
Lar 2000) ; seul le TLF l’enregistre comme un fait marqué diatopiquement « région. (Nord de la France, Belgique, Canada) "tarte dont la garniture est faite essentiellement de sucre" ; (Lorraine, Nord de la France) "gâteau rond à base de pâte levée badigeonnée de jaune d’œuf, parsemée de noisettes
de beurre et largement saupoudrée de sucre". » – CartonPouletNord 1991 ; aj. à FEW 13/2, 112a, torta, où la lexie manque.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : (I) Bas-Rhin, Haut-Rhin, 100 % ; Moselle (est), 90 %.
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