babet n. m.
〈Loire, Isère (Vienne), Drôme (nord), Ardèche, Haute-Loire (Velay), Puy-de-Dôme (Ambertois)〉 usuel Le plus souvent au pl. "cône des conifères, et particulièrement du pin, formé d’écailles ligneuses qui protègent
les graines". Stand. pomme de pin. Synon. région. pigne*, pine*, pive*, sapinette*. – Aller aux babets ; ramasser des babets ; boges* de babets (Bïzà neirà 31 (1981), 17 ; MeunierForez 1984).
1. – Tu verras, me disait ma mère, à Retournac [Velay], il y a la Loire ; Papa t’emmènera
avec lui à la pêche […] ; il y a aussi beaucoup de bois ; nous irons ramasser des
champignons, des mûres, des airelles*, des « babets ».
– ?? – Des babets, ce sont des pommes de pin ; on s’en sert pour allumer le feu […]. (R. Mathevet, dans Bïzà neirà 31 (1981), 13.) 2. […] Armandine eut la permission de se rendre seule aux Chirouzes, un bois de conifères
qui s’étendait à l’ouest du village. Elle avait pour mission de rapporter un plein
panier de « babets » bien secs qu’Élodie utilisait pour allumer son feu. (Ch. Exbrayat, Le Chemin perdu, 1982, 66.)
3. […] les babets ramassés au bord du bois pour la flambée […]. (M. Jouvency, « Momies », dans Vents d’Auvergne, 1998, 92.)
□ En relation synonymique avec pomme de pin.
4. Sur le sol, des pommes de pin roulent sous les pas.
– Dis, Pierre, tu te souviens quand on allait aux ruches [au glossaire : éclats d’écorce] et aux babets ? (R. de Maximy, Le Puits aux corbeaux, 1996 [1994], 82.) □ Dans un énoncé définitoire ordinaire. V. ici ex. 1.
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
5. […] le temps de cueillir un brin de genevrier […], de ramasser quelques « babets », des pommes de pin, les plus gros ou les plus épanouis […]. (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 76.)
6. […] je rassemblais des pommes de pin, de gros « babés » de pins maritimes, bien ouverts. (Cl. et J. Jeury, Le Crêt de Fonbelle, 1981, 95.)
7. D’autres récoltaient l’écorce des arbres abattus afin qu’elle donnât un peu de chaleur
à leur logis froid après que le feu eût bien démarré avec les babets, pommes de pin vendues en ville par ceux des villages les plus proches. (M.-H. Reynaud,
dans M. Carlat, L’Ardèche, 1985, 248.)
8. Les paysans ne se promènent pas dans les bois. Ils vont y couper des arbres, y ramasser
des branchages, des pommes de pins – ou babets – pour allumer le feu, des châtaignes, des champignons, y cueillir fraises, framboises
et airelles* […]. (M. Exbrayat, Maria de Queyrières, 1990, t. 1, 30.)
9. Le mois de septembre s’éternisait. Je noyais le temps en ramassant des « babets », ces pommes de pin toutes ratatinées […]. Nous en faisions provision avant la saison
froide. (Y. Gimbert, Roche-Longue, 1994, 47.)
— Dans une comparaison Ton gâteau est sec comme un babé (MazaMariac 1992).
■ prononciation. 〈Ardèche, Haute-Loire〉 [babe] (v. ci-dessous la remarque de ALMC 256, et FréchetMartVelay 1993) ; cf. la
graphie babé (ici ex. 6), choisie également par MazaMariac 1992 .
■ synonymes. 〈Isère, Drôme (centre)〉 babelle n. f. Quand on était gamins, on se battait à coup[s] de babelles (DucMure 1990). Dans une comparaison à valeur métaphorique : rond comme une babelle "en état d’ébriété avancée" (Ibid.). La forme babelle vient d’une variante dialectale féminine (v. DuraffGloss 958 ; ALJA 272 pts 81, 82).
■ encyclopédie. À l’occasion de la Fête du livre de Saint-Étienne, qui a lieu chaque année en octobre
depuis 1986, les babets d’or, distinctions accordées aux lauréats de certains prix, sont remis au cours de la réception
appelée La Nuit des Babets.
◆◆ commentaire. Type dialectal, dérivé en -ellu (construit, par métaphore, sur le radical d’un nom d’animal issu de bab-, selon DauzatGéogrLing 1938, 123 et ALLy 5, 317), dont on peut tracer précisément
l’airea : quart sud de la Loire, trois-quarts nord de l’Ardèche, Velay, sud-est du Puy-de-Dôme
(sporadique) et très rares points adjacents du Rhône, de l’Isère et de la Drôme. Le
mot a été emprunté par le français régional, où il est documenté dep. 1795 (« Au mois de Juin, temps ou la seve monte avec plus de force, le sapin jette son fruit,
appellé communément Babais » Alléon-Dulac, Mémoires pour servir à l’histoire naturelle des départemens de Rhône et de Loire, Paris/Lyon, t. 1, 355), avec une graphie qui reproduit ici la prononciation [babɛ] de la région stéphanoise (cf. ALLy pt 61, etc.). L’expansion du mot en français à
partir de Saint-Étienne, au-dessus des types dialectaux autochtones, est rendue manifeste
aussi bien par les remarques de GononPoncins (« il est venu de Saint-Étienne et a pris la place du patois beló », « on croit le mot français [standard] ») que par celle du témoin de l’ALMC pour Saint-Didier-en-Velay (« babé c’est le mot français ») ; sa présence dans l’Ambertois relève de la même influence stéphanoise. Dans le
nord de la Drôme, le mot possède aussi apparemment une diffusion plus forte en français
que dans les parlers dialectaux où il est pratiquement absent (ALP seulement pt 6).
Enfin, le fait que Le Puy et sa zone aient adopté pigne* (cf. FréchetMartVelay ; absence de babé dans la nomenclature de QuesnelPuy)b à la différence du reste de la province, témoigne de l’adhésion de ce petit centre
directeur à une nouvelle norme supra-régionale. Sur le plan formel, la graphie babet (parfaitement adaptée à la phonie même là où le français ne connaît qu’un seul phonème
de type /e/ réalisé [e] en syllabe fermée), majoritairement adoptée par les auteurs,
manifeste une captation suffixalec.
a ALF 1515 ; ALLy 441 ; Ø ALJA 491 ; ALP 572 ; ALMC 256 ; Ø ALAL 272 ; DauzatGéogrLing
1938, 123-124 ; FEW ; DuraffGloss 958.
b Seulement s.v. aller, « aller aux pignes ∼ babés ».
c Cf. le même phénomène ci-dessous s.v. bousset.
◇◇ bibliographie. ParizotJarez [1930-40] ; BaronRiveGier 1939 ; DornaLyotGaga 1953 « seul mot employé dans un certain rayon autour de Saint-Étienne » ; BonnaudAuv 1977 babé, babelou (« Ambertois, Velay ») ; RLiR 42 (1978), 189 ; ArmanetVienne 1984 ; GononPoncins 1984 « usuel, même pour les petits enfants, car on croit le mot français [standard] : il
est venu de St-Étienne et a pris la place du patois beló » ; MeunierForez 1984 ; MartinPilat 1989 « usuel » ; MaurelFirminy 1989 ; MazaMariac 1992 babé ; FréchetMartVelay 1993 « usuel sauf dans la région du Puy où l’on emploie surtout pigne* » ; FréchetAnnonay 1995 ; LaloyIsère 1995 ; FréchetDrôme 1997 babelle, babet ; PlaineEpGaga 1998 « très fréquent » ; ALLy 441 (et ALLy t. 5, 441, § 10), ALMC 256 (à Saint-Didier-en-Velay, Haute-Loire,
« le témoin dit : “babé c’est le mot français” ») ; aj. à FEW 1, 192, bab (y verser les données correspondantes de FEW 21, 72a ‘cône de pin ou de sapin’).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : ø.
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