pigne1 n. f.
I. 〈Surtout Provence, Languedoc, Haute-Loire (régions du Puy et de Saugues), Puy-de-Dôme, Dordogne,
Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 fam. "cône des conifères, et particulièrement du pin, formé d’écailles ligneuses qui protègent
les graines". Stand. pomme de pin. Synon. région. babet*, pine*, pive*, sapinette*. – Pignes sèches, éclatées, prêtes à s’embraser (Chr. de Rivoyre, Belle alliance, 1982, 115). Pigne aux écailles ouvertes (H. Noullet, La Falourde, 1996, 12). Des pignes tombées (M. Rouanet, Balades des jours ordinaires, 1999, 170).
1. – […] On va se ramasser des tas de branches de pin, de pignes, de tout et pour la fête on aura un feu comme personne en a jamais eu dans toute la
ville. (J. Rambaud, Adieu la raille, 1964, 59.)
2. Les gosses […] jouaient sans fin parmi les montagnes de fagots, les brassées de sarments
et les sacs de pignes. (J.-P. Chabrol, Les Rebelles, 1965, 263.)
3. […] soleil décollant les lamelles d’écorce, déhiscence claquante des pignes, aiguilles sèches sous le pied du promeneur : tout glorifie la sécheresse combustible.
(J. Gracq, Lettrines, 1988 [1967], 242.)
4. Laurent […] jouait à pousser du pied une pigne : s’il l’amenait jusqu’à la maison, il aurait gagné. (Fr. Mauriac, Un adolescent d’autrefois, 1982 [1969], 37.)
5. Rien ne se perd : on ratelle les éclats et les pignes, on en remplit des sacs. (J. Anglade, Le Voleur de coloquintes, 1972, 311.)
6. – Une pigne se détache du sommet d’un pin et tombe à quelques centimètres du couple entrelacé.
(É. Boissin, Le Minot, 1988, 105-106.)
7. La graine de pin ne coûte rien. Il suffit de faire, en été, ample provision de pignes aux écailles encore fermées, de les exposer au soleil sur l’aire et de recueillir
les graines. (G. Laporte-Castède, Pain de seigle et vin de grives, 1989, 60.)
8. Les pignes sont aussi redoutables pendant l’incendie que la tourbe après. Tandis que celle-ci
est plutôt insidieuse dans la propagation du feu mal éteint, la pigne est directement responsable d’incendies de broussailles. Le feu la fait éclater,
ce qui communique à cette bombe enflammée une force de projection considérable. (Ch. Daney,
Dictionnaire de la Lande française, 1992, 231.)
9. […] j’avais demandé au papé* quelles pignes étaient bonnes à râteler et il m’avait indiqué un monceau qu’il ne me restait plus
qu’à pousser dans cette toile à carreaux mise à même le sol. (P. Chevrier, La Haute-Bigue, 1996, 70.)
10. Il fallait tout en cherchant les champignons ne pas négliger le ramassage des pignes pour faire chanter le feu dans la cheminée. (M. Fillol, Petites Chroniques des cigales, 1998, 103.)
11. Il suffit d’attacher la pigne, pointe en bas, à une ficelle sur votre terrasse. Lorsque les écailles de la pigne sont ouvertes, c’est qu’il fait beau et sec. Lorsque les écailles se ferment, c’est
qu’il fait gris et humide. (La Dépêche du Midi, éd. Hautes-Pyrénées, 28 juillet 1999, Supplément, 3.)
— Dans le syntagme pigne de pin (ou, plus rare, de sapin). Les « pignes » de pin rongées par les écureuils (Fr. Mauriac, L’Agneau, 1954, 165). Les « pignes » de pins qui craquent au dur soleil d’été (A. Detaille, Les Noyaux de cerises, 1978, 37).
12. Du jardin à la maison, je traînassais […]. Je passais des heures à pousser une pierre
ou une pigne de pin de la pointe du pied, et c’est un peu comme si j’avais roulé devant moi mon âme ou
mon ennui. (H. Monnier, L’Enfant du Mont-Salvat, 1985 [1980], 257.)
13. […] une paire de lapins nourris de pèbre d’ail [= sarriette] et de pignes de pin. Des lapins un peu maigres, mais savoureux comme des lapins de paradis terrestre.
(Y. Audouard, Les Contes de ma Provence, 1986, 23-24.)
14. […] on remet une bûche sur le feu ou une pigne de pin parce que le bruit de la pigne qui prend feu c’est amusant, ça plaît aux enfants
[…]. (Chr. de Rivoyre, Crépuscule, taille unique, 1989, 153.)
15. Il [un ivrogne à vélo] essaie d’éviter les nids-de-poule formés par l’orage d’hier
[…]. Le vent a encombré le passage de branches, de feuilles glissantes et de pignes de pin qui sont de véritables pièges. (Cl. Couderc, Le Petit, 1998 [1996], 114.)
16. J’étais en train de ranimer le feu dans la cheminée. Il restait juste un peu de braise,
mais quelques pignes de pin jetèrent vite une grande lueur sur les murs. (J.-Cl. Libourel, Le Secret d’Adélaïde, 1999 [1997], 139.)
— aller à la pigne/aux pignes loc. verb. "aller ramasser des pignes".
17. Une grande expédition fut celle des pommes de pin, on allait « à la pigne » comme on disait. Il en fallait tant et tant de ces allume-feu ! (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 231.)
18. Nous étions à l’automne, et le petit bois manquant, Pierre avait décrété qu’il fallait
aller aux pignes, ça servirait d’allume-feux [sic]. (P. Chevrier, La Haute-Bigue, 1996, 50.)
□ En emploi métalinguistique ou autonymique.
19. – Un jour, pendant la guerre, à court de charbon, ils [les cheminots] ont fait descendre
les passagers pour ramasser des pignes qu’ils ont brûlées dans la chaudière…
– Des pignes ?… – Des pommes de pin, si vous voulez mieux !… (J. Ferrandez, « Le Train des pignes », dans Nouvelles du pays, 1986, 21.) 20. […] la montagne de linge qu’elle a fait bouillir dans l’antique lessiveuse posée dehors,
devant la souillarde*, sur un feu de pommes de pin (on dit pignes) et de petit bois (on dit barrot). (Chr. de Rivoyre, Racontez-moi les flamboyants, 1996 [1995], 85.)
21. […] on reconnaît un Parisien à ce qu’il l’appelle pomme de pin. Ici, on dit pigne […]. (La Dépêche du Midi, éd. Hautes-Pyrénées, 28 juillet 1999, Supplément, 3.)
— pigne amandière loc. nom. f. "pigne du pin parasol, qui contient des pignons".
22. […] Manon grimpait dans les pins, et lançait aux pieds de son mari des pignes amandières. (M. Pagnol, Manon des sources, 1995 [1963], 1072.)
23. […] une odeur forte […] liée pour moi au carnier de mon père, à ses joues froides
des dimanches soirs, à tout ce qu’il ramenait : pignes amandières, salades sauvages de la garrigue, poignées d’arbouses, champignons. (M. Rouanet, Bréviaire, 1994 [1987], 245.)
24. C’était vraiment la fête. Elle était complète si la pinède offrait des pignes amandières. À quatre pattes dans les aiguilles nous cherchions les petits fruits qui protègent
si bien par une coque dure l’amande parfumée. (M. Rouanet, Petit Traité romanesque de cuisine, 1997, 334.)
II. 〈Provence〉 le train des Pignes/pignes loc. nom. m. "(surnom d’un train assurant la desserte entre Nice et Digne)".
25. […] la Provence a un train bien à elle ! C’est le « train des Pignes », qui circule entre Digne et Nice sur 151 kilomètres de voie ferrée, construits entre
1890 et 1912. C’est lou lian, le lien « de la montagne à la mer et de la mer à la montagne », comme le dit France Chaix, maire de Saint-Benoît. Ce lien relie aussi les habitants
de ce pays de montagnes et de vallées isolées. Il sert particulièrement les jours
de foire, et c’est un atout exceptionnel pour le tourisme, d’une importance si vitale
pour cette région. Chaque année, 300 000 voyageurs empruntent la ligne. (Pays et gens de France, n° 31, les Alpes-de-Haute-Provence, 22 avril 1982, 18.)
26. […] il prenait un aller-retour pour Nice et il allait tout jouer au casino. Ils se
sont rencontrés dans le train des pignes avec la sœur d’Ambroisine, l’évaporée. Le coup de foudre ! (P. Magnan, Les Courriers de la mort, 1986, 270.)
27. Nous partions avant l’aube [de Grimaud, Var] ; à quatre heures et demie, nous prenions
à Cogolin le petit train du sud, celui qu’on appelait « le train des pignes », parce qu’on prétendait qu’il allait assez lentement pour permettre aux voyageurs
de descendre, de ramasser quelques pommes de pin et de remonter tranquillement ensuite.
(S. Prou, Le Dit de Marguerite, 1986, 160.)
28. Nouvelles menaces sur le train des Pignes [titre] / Une nouvelle fois, la ligne Nice-Digne des Chemins de fer de la Provence
(151 km) est menacée de fermeture. […]. Malgré son surnom suranné de « train des Pignes », la ligne Nice-Digne n’est pas un vulgaire tortillard survivant d’une époque révolue.
Elle est fréquentée, chaque année, par 300 000 voyageurs et remplit une indéniable
mission de service public tout en présentant un réel intérêt touristique. (Le Monde, 27 juin 1989, 18.)
29. Du 17 au 30 octobre, des conteurs sillonneront la région. Ils embarqueront également
à bord du train des Pignes et animeront les gares de la ligne. (Le Monde, 16 octobre 1997, 23.)
30. Vieilles locos du Train des Pignes : réparation à toute vapeur [titre] / Gérées par des bénévoles, les deux locos d’époque,
datant de 1909 et de 1928, et leur convoi pouvant contenir deux cent cinquante personnes,
font traditionnellement la liaison Puget-Annot en deux heures. […] Après avoir subi
quelques réparations, les deux vieilles dames vont retrouver la régularité des rails
dès le mois de septembre. (Nice-matin, éd. Menton, 11 août 1998, 3.)
31. NICE : la grève qui paralysait depuis quarante jours le « train des pignes », reliant Nice à Digne, a pris fin samedi 30 janvier. (Le Monde, 2 février 1999, 11.)
□ En emploi métalinguistique.
32. C’est l’autorail de Nice. Ici, on l’appelle le train des pignes parce qu’il passe dans les collines, dans les bois de pins. (Cl. Courchay, Un ami de passage, 1985 [1983], 22.)
■ remarques. On l’appelle aussi le petit train (des pignes) (Cl. Martel).
◆◆ commentaire.
I. Attesté dep. 1528 dans le français de Montpellier (« Les pignons qui viennent de la noix de pigne » [Christol] Platine de honneste volupté, Gdf), cette forme est entrée dans les dictionnaires du français dep. Besch 1845 (sans
marque) et les dictionnaires généraux contemporains la consignent toujours : GLLF
(sans marque, mais avec un ex. du Provençal Aicard) ; TLF (« région. (Sud de la Loire) », avec des exemples de Pesquidoux, 1921 et de Giono, 1929) ; Rob 1985 (« régional ») ; NPR 1993-2000 et Lar 2000 (« région. »). Le terme est un emprunt à l’aocc. pinha (14e siècle, v. TLF). Malgré sa dénonciation par quelques puristes du 18e siècle, pigne est aujourd’hui bien implanté dans une large aire continue du sud et du sud-ouest
de la France ; on l’observe sporadiquement en dehors de cette aire (ainsi M. Genevoix,
Bestiaire enchanté, 1973 [1969], 82 « Ces pins, leurs pignes attirent les écureuils » ; J.-L. Ezine [né dans le Calvados], La Chantepleure, 1983, 79 « feux de pignes » ; M.-Th. Boiteux, Le Secret de Louise, 1996, 86 « quelques pignes de sapins et du bois sec » ; Ch. Le Quintrec, Une enfance bretonne, 2000, 221 « Je ramassais des pignes »).
II. Non documentée avant 1982 (v. ici ex. 25), cette lexie doit son origine au fait que
ce train traverse des zones particulièrement boisées en pins maritimes.
◇◇ bibliographie. (I) VillaGasc 1802 ; JBLGironde 1823, 97 ; PépinGasc 1895 ; LambertBayonne 1902-1928 ;
BrunMars 1931 ; Mauriac, Les Anges noirs [1936] (Wiedemann MélJeune 1990, 381) ; MussetAunSaint 1938 pigne, pine ; GebhardtOkzLehngut 1974, 168 ; RLiR 42 (1978), 190 (Gard) ; GonthiéBordeaux 1979 ;
DuclouxBordeaux 1980 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; BouvMars 1986 ; SuireBordeaux 1988
et 2000 ; BlanchetProv 1991 ; BoisgontierAquit 1991 ; LangloisSète 1991 ; FréchetMartVelay
1993 ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 « bien connu, moins vivant à Valence » ; BouisMars 1999 ; QuesnelPuy 1999 ; MoreuxRToulouse 2000 ; ALP 572, ALLOr 246, ALLOc
182, ALMC 256 ; ALG 148 ; FEW 8, 520b, pineus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I formes pigne et pine non distinguées) Charente, Deux-Sèvres, Vendée, 100 % ; Vienne, 80 % ; Charente-Maritime,
75 %. II. Ø.
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