sapinette n. f.
I. 〈Rhône (Beaujolais), Loire (Roanne), Hautes-Alpes (Champsaur), Ardèche (Annonay)〉 "lieu planté de sapins". Stand. sapinière. – J’ai vu un chevreuil en passant dans la sapinette (VurpasMichelBeauj 1992). Nettoyer la sapinette (MichelRoanne 1998).
II. [Conifère]
1. 〈Surtout Ardèche, Dordogne, Gironde〉 "conifère, notamment épicéa, if ou cèdre".
1. […] demeure bourgeoise à toiture d’ardoise, précédée par un « parc » d’espèces exotiques, sapins, sapinettes, et même cèdres bleus, et annoncée tout le long du chemin par une grille gris d’argent.
(J. Peyré, Souvenirs d’un enfant, 1958, 221-222.)
2. Le chemin était long jusqu’à la villa « Les pervenches », bâtisse de bois et de céramique avec une véranda […], une galerie légère adossée
à la façade, le tout dissimulé par une haie de sapinettes. (J. Cayrol, Les Enfants pillards, 1989 [1978], 43.)
3. Alors, je grimpai dans une sapinette, mon observatoire ; elle embaumait la résine, l’encens, les aromates. (J. Cayrol,
Les Enfants pillards, 1989 [1978], 146.)
4. […] lourde maison dissimulée dans les pins francs, les chênes, les sapinettes et quelques platanes. (M. Perrein, Les Cotonniers de Bassalane, 1984, 41.)
5. La villa de Victor, c’est un sommet en son genre […]. Il s’est offert des sapinettes bleues, une splendeur […]. (Cl. Courchay, Quelque part, tout près du cœur de l’amour, 1987 [1985], 109.)
6. – […] Il y a tout un peuple de corneilles et de corbeaux, d’oiseaux de nuit : chouettes,
engoulevents, chats-huants, grands ducs en particulier. Dans ces bois de chênes, de
pins, de sapinettes, un autre monde d’oiseaux de jour et d’écureuils. (M. Mauron, Les Cigales de mon enfance, 1987, 162.)
7. Elle écoute religieusement le silence. Et non, ça n’est pas tout à fait silencieux…
Là-bas au fond du pré derrière la clôture des sapinettes, Albertine a entendu quelque chose. (Th. Duret, Albertine au bord des chemins, 1988, 88.)
V. encore chicon, Rem., ex. de Salgon.
2. 〈Normandie〉 "conifère, notamment if, cyprès ou thuya".
III. 〈Surtout Haute-Normandie, Calvados, Orne〉 Le plus souvent au pl. "cône des conifères, et particulièrement du pin, formé d’écailles ligneuses qui protègent
les graines". Stand. pomme de pin. Synon. région. babet*, pigne*, pine*, pive*. – Jouer avec des sapinettes (SchortzSenneville 1998, 159).
8. – Je te vois bien souvent, dit-il, en la croisant, en train de traverser notre place.
C’est-il de la neige que tu vas vendre ?
– Y a plus de châtaignes, répondit-elle, y a plus de champignons. Faut bien vendre un peu plus de sapinettes. Et elle montrait sa petite charrette débordant de pommes de pin bien ouvertes […] qui servaient à allumer les feux de Montigné-les-Rairies [Maine-et-Loire]. (L. de La Bouillerie, Entre hommes et loups, 1983, 37-38.) IV. 〈Orne (sud-est), Sarthe, Maine-et-Loire (nord)〉 Le plus souvent au pl. "aiguille des conifères, et particulièrement du pin". Il était propre ce sol des sapinières, les sapinettes blondes le recouvraient comme
d’un tapis (A. Bardin, Angelina, une fille des champs, 1958, 94). Sous les sapins où tombent les sapinettes (G. Chevereau, Une enfance à la campagne, 1987, 119).
9. Ils sentaient bons, les sapins, le long de la route. Un fossé large et profond de
chaque côté, avec une herbe légère et douce, mêlée de sapinettes, semblait tendre comme un profond giron. (A. Bardin, Angelina, une fille des champs, 1958, 40.)
10. Enfin, après avoir traversé le taillis où je trouvais des champignons, flâné le long
de mes sentiers bordés de bruyère fleurie, de fougères élégantes et de grands sapins,
j’entrais dans le chemin creux qui longe notre sapinière, où je voyais les tas de
sapinettes que j’avais râtelés le jeudi précédent […]. (G. Chevereau, Une Enfance à la campagne, 1987, 70-71.)
— En emploi non-comptable. Ramasser de la sapinette.
◆◆ commentaire.
I. Attesté dep. 1600 dans le français du Vivarais (O. de Serres, FEW), et accueilli par
Cotgr 1611, ce sens est toujours en usage dans sa région d’origine (diffusé par Lyon
juqu’en Mâconnais : il est en effet celui qu’il faut entendre dans ce passage de Lamartine
1851 : « l’écureuil que nous avions pris sur le nid, dans la sapinette, quand j’étais enfant », Frantext). Dérivé sur afr. sapine "bois de sapins" (dep. ca 1190, FEW), avec le suff. ‑ette (à valeur collective ; cf. Ronjat, § 709 2°, i)a. Ignoré de la lexicographie générale, qui ne donne que le concurrent sapinière, attesté dep. 1632 et qui appartient au fr. de référence.
II. Plusieurs conifères ont été ou sont désignés sous ce nom, dérivé sur fr. sapin, avec le suffixe ‑ette (à valeur diminutive), attesté dans le français de France dep. 1765 (Enc, TLF) :
"nom de diverses espèces d’épicéas d’Amérique du Nord" (TLF), "épicéa d’Amérique du Nord" (Rob 1985 ; NPR 1993-2000 ; Lar 2000) ; cf., au Québec, Dionne 1909 "variété de sapin"b. Mais seuls GLLF et Lar 2000 signalent le mot comme « région. (Midi) », au sens de "cèdre". Le sens est indécis dans Maupassant 1884 « Y’a une sapinette près d’ la barrière » et Flaubert 1857 « Tout au fond, sous les sapinettes, un curé de plâtre lisait son bréviaire » et 1880 « Quatre sapinettes aux angles flanquaient ce monument » (tous les trois dans Frantext).
III. Caractéristique du français de Normandie, où il est attesté dep. le 19e siècle, ce sens a été aussi relevé à Courtisols, dans la Marne (FEW, loc. cit.).
IV. Absent des dictionnaires consultés, ce sens est en usage dans le français de l’Orne
et de la Sarthe, où il est attesté dep. 1859 (FEW, loc. cit. ; aj. ALIFO 316*, pts 20, 23, 33 ; ALBRAM 347, surtout Sarthe et partie nord du Maine-et-Loire).
a Cf. R. Tomassone et B. Combettes, RLiR 34 (1970), 224-225 et B. Hasselrot, Etude sur la vitalité de la formation diminutive française au xxe siècle, Uppsala, 1972, 11, n. 4a.
b Mais le mot, attesté en ce sens dep. 1815 (FichierTLFQ), n’a pas vraiment pénétré
le français du Québec, qui a opté pour le terme épinette.
◇◇ bibliographie. (I) VurpasMichelBeauj 1992 ; FréchetAnnonay 1995 « globalement bien connu » ; GermiChampsaur 1996 ; MichelRoanne 1998 « connu au-dessus de 40 ans » ; FEW 11, 215a, *sappus. – (II) MoisyNormand 1887 "variété de sapin, dite aussi sapin du Canada" ; MazeHavre 1903 "thuya" ; FréchetMartVelay 1993 "jeune épicéa" « peu vivant » ; ALN 454* "conifère d’agrément" (Gavray, Manche), "conifère nain" (Argueil, Seine-Maritime), "if" (Aumale, Seine-Maritime) ; FEW loc. cit. – (III) TuaillonRézRégion 1983 (Normandie) ; LepelleyBasseNorm 1989 ; BrasseurNorm 1990 ;
LepelleyNormandie 1993 ; SchortzSenneville 1998 ; ALBRAM 346 (Maine-et-Loire, pt 98
et Sarthe, pts 115, 122).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : III. Basse-Normandie, 60 %.
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