les citations
cavée n. f.
Val-d’Oise, Essonne, Nord, Pas-de-Calais (Avesnois), Somme, Aisne, Oise, Normandie, Eure-et-Loir, Loir-et-Cher, Loiret usuel "dépression allongée dans un terrain ; en part. chemin creux, sentier encaissé". Je revins par […] la cavée (J. Le Povremoyne, Ma Grand’mère paysanne, 1971 [1954], 13).
1. Braye-la-Forêt était à l’évidence un de ces villages accotés aux anciennes forêts royales que le goût parisien du plein air commençait à aménager et à coloniser. […] la venelle campagnarde se transforma de manière inattendue en ruelle villageoise […]. Les rafales avaient pris possession de la ruelle […] ; il me fallut, pour demander mon chemin, sonner longtemps à la porte d’une des maisonnettes. De nouveau la bourrasque seule me tenait compagnie dans le dédale des futaies privées. Les branches qui se rejoignaient au-dessus de ma tête s’égouttaient monotonement […]. La solitude des villas enterrées sous les branches était si complète que mon pas malgré moi se faisait plus léger et plus long. Il me semblait que je venais au fond de cette cavée perdue dans les feuilles éveiller je ne sais quoi d’enseveli. (J. Gracq, La Presqu’île, 1991 [1970], 194-195.)
2. Les vallons secs, incisés vers l’avant en « cavées » profondes, mais fondus dans l’orchestration générale des lignes, le cèdent de plus en plus à des vallées humides. (Pays et gens de France, n° 76, l’Oise, 7 avril 1983, 5.)
3. Ma foi, dit la vieille, vous allez dévaler la cavée tout droit devant vous, il ne vous restera plus qu’un petit crochet à faire. Et vous allez tomber droit sur le presbytère. (S. Anne, Victorine ou le Pain d’une vie, 1985, 128.)
4. Le chemin[,] devant moi, se resserre… La cavée est bordée de fossés* et de rideaux d’arbres. Des vaches normandes aux mamelles lourdes et traînantes cherchent leur bien sous les pommiers… (B. Alexandre, Le Horsain, 1988, 13.)
5. Au bout du bois, la cavée s’enfonçait comme un puits au milieu des ronces et des noisetiers, vers les gloussements du gué. (J.-Cl. Ponçon, La Braconne, 1989, 127.)
en cavée loc. adj. [En parlant d’une voie de communication] "de niveau inférieur aux terrains avoisinants". Stand. encaissé. – Route en cavée.
6. Un chemin en cavée s’offre à moi ; je m’y enfonce entre les hauts fossés* herbeux, couverts de mûriers et d’aubépines. (B. Alexandre, Le Horsain, 1988, 9.)

◆◆ commentaire. Attesté dep. 1642 (« cavée de montagne » Oudin, v. TLF), cavée est le part. passé f. substantivé de fr. caver "creuser", qui s’est probablement confondu avec l’afr. cavée, forme normanno-picarde de chavée, attesté au même sens dep. le 12e s. (d’après TLF). Le mot est donné comme terme de vénerie par GLLF et TLF, mais accompagné d’exemples de J. Lorrain, Flaubert et Proust, illustrant en fait le sens régional ; Rob 1985 « région. (Nord, Ouest) » avec ex. des Goncourt (1869) et de G. Duhamel 1935 en référence à Nesles-la-Vallée (Val-d’Oise), lequel écrivain remarque que le mot n’est « plus guère employé que dans certaines provinces » ; NPR 1993-2000 « région. ». En effet, cavée est caractéristique aujourd’hui de quelques régions au nord (il est aussi « vivace dans le Hainaut picard », DelcourtBelg 1998)a, à l’ouest et au sud de Parisb ; il est également attesté dep. 1841 au Québec, où il est aujourd’hui « vieilli ou région. (dans l’est du Québec) » (DHFQ 1998).
a Relevé aussi en picard (ALPic 33).
b Pour une attestation du 18e siècle à Châteaudun (Eure-et-Loir), v. Bulletin de la Société archéologique d’Eure-et-Loir 25, 1990, 38 : « l’an 1755 l’on a fait la prosesion du tour de la paroiesse a present par la cavé du Journet et l’on a couppé par dans Crépinville auquel l’on allait autre foy par la cavez du haut », comm. de M.-R. Simoni-Aurembou.
◇◇ bibliographie. BarbeLouviers 1907 ; LepelleyBasseNorm 1989 ; LepelleyNormandie 1993 ; SchortzSenneville 1998 ; FEW 2, 551a, cavere.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Essonne, Loir-et-Cher, Pas-de-Calais, Val-d’Oise, 100 % ; Oise, 60 % ; Nord, Basse-Normandie, 50 % ; Eure-et-Loir, 30 % ; Loiret, 20 % ; Aisne, 10 % ; Indre-et-Loire, Seine-et-Marne, Somme, 0 %.