fossé n. m.
〈Surtout Normandie, Bretagne, Mayenne, Sarthe〉 usuel "terrain en forte pente, aménagé par des travaux de terrassement le long d’une voie
de communication, souvent planté d’arbres". Stand. talus. – J’ai trouvé ces champignons-là sur le fossé (BrasseurNorm 1990). Au pied d’un fossé (H. Gancel, Le Bâton de dignité, 1995, 109). Le long des fossés, dans les cavées*, on cueillait des primevères (SchortzSenneville 1998, 171). La voiture est montée sur le fossé (BlanWalHBret 1999).
1. Mais le lendemain matin, lorsqu’il arriva sur le lieu du litige, stupeur ! Duranteau
était là, armé d’une pelle et d’une pioche : il édifiait un fossé ! (J. Rolland, Nanon, fille du Sillon, 1946, 44.)
2. Ainsi, le recteur* avait fait tout ce chemin difficile, traversé des touffes de lande, escaladé des
« fossés », peiné et sué sous le soleil […]. (R. Madec, L’Abbé Garrec contre Carabassen, 1957, 91.)
3. Une journée ensoleillée s’annonce. Le car stationne près du fossé du presbytère et le carreau* est noir de monde. (B. Alexandre, Le Horsain, 1988, 186.)
4. Suivant le droit coutumier normand, un fossé ne doit pas s’élever “à plus d’un jet de pelle”, c’est-à-dire 1,80 m environ. (B. Alexandre, Le Horsain, 1988, 483).
5. Il y avait des après-midi de promenade […]. Une sœur les [les pensionnaires] conduisait
par la route la plus proche, elles […] cueillaient des fleurs blanches pour l’autel,
mais leur bref éparpillement n’avait droit qu’aux fossés herbus. Elles n’entraient pas dans les prairies […]. (J.-L. Trassard, Caloge, 1991, 61.)
V. encore s.v. cavée, ex. 4 et 6.
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
6. Les vastes prairies sont séparées par des haies et des talus plantés d’arbres, les
« fossés » locaux. (Pays et gens de France, n° 24, le Calvados, 4 mars 1982, 6.)
7. Deux des trois rangées (de chênes et de hêtres) s’alignent au sommet d’un talus que
l’on appelle « fossé ». (Pays et gens de France, n° 28, la Seine-Maritime, 1er avril 1982, 4.)
8. C’est vraiment en mai et juin qu’il faut la [= la Normandie] découvrir, avec sa campagne
qui, au-delà des « fossés » (les talus normands), collectionne les vaches frisées et cultive le lin. (Femme actuelle, 20 mai 1991, 84.)
9. Bien que le bourg* fût distant de près de trois kilomètres, Euphrasie avait demandé que le cortège [de
son mariage] parcoure à pied le chemin qu’elle empruntait chaque dimanche pour aller
à la messe. Comme il faisait grand soleil, on ne pressa pas le pas. C’est qu’il fallait
bien saluer les nombreux curieux, postés au bord de la route, ou montés sur le fossé (talus). (H. Gancel, Le Bâton de dignité, 1995, 46-47.)
□ En emploi métalinguistique.
10. Les grandes régions à talus sont la Bretagne (où on les nomme « fossés », assimilant sous le même vocable le fossé que l’on a creusé et le talus édifié avec
la même terre), la Vendée et la Normandie […]. (L’Oiseau magazine, n° 34, 1994, 28.)
11. Il [le cantonnier] entretenait les bas-côtés de la route. Il faisait des saignées
tous les dix mètres, quand il pleuvait beaucoup, pour que les eaux s’écoulent dans
les « banquètes » [sic] [= accotement, bas-côté]. Au Pays de Retz, le fossé c’est le talus. (G. Batard, Le Musée de ma mémoire, 1995, 28.)
■ remarques.
1. « Le fossé proprement dit [i.e. français standard ] est appelé creux du fossé » (LepelleyBasseNorm 1989 ; LepelleyNormandie 1993 ; cf. en 1835 « je me couchai dans un creux de fossé » P. Rivière, dans Moi Pierre Rivière, Paris, 1973, 141).
2. Noter l’emploi de talus, par hypercorrectisme : « Et mes parents s’en vont, sur-le-champ, avec leurs six enfants, à pied, sur les routes
de Normandie […]. Mais sur la route, partout, c’est la guerre. À la moindre alerte,
il faut se cacher dans les talus, attendre, le cœur battant » (A. Rémond, Chaque jour est un adieu, 2000, 14).
◆◆ commentaire. Attesté déjà en français au 16e s. "haie bordant un fossé" (Livre du Roy Charles de la Chasse au cerf, G. Tilander, Glanures lexicales, 117), par métonymie de fr. fossé "fosse longitudinale pratiquée dans le sol pour délimiter des terrains ou faciliter
l’écoulement des eaux" (dep. 1100 fosset, dans Roland, TLF), le sens ici analysé est attesté au 18e s. dans le français (notarial) du Morbihan (« Les édifices qu’il possède consistent en maisons non affermées et qu’il occupe, dont
les fonds appartiennent toujours à son seigneur, & dans quelques fossés dont il ne
retire que quelques émondes pour son usage, encore si l’arbre n’excède pas dix pieds,
auquel cas il appartient au seigneur » A.D. Morbihan, Subdélégation de Vannes, Paroisse de Grand-Champ, déclaration de Julien
Corfmat, 17 mai 1751, cité dans T.J.A. Le Goff, Vannes et sa région. Ville et campagne dans la France du xviiie siècle, 1989, 157). Il est bien implanté dans une aire compacte de l’ouest de la France,
où il est présent dans les patois (ALN 500, surtout dans la Manche et la Seine-Maritime) ;
il subsiste aussi sporadiquement dans le français d’autres régions (ainsi dans le
sud de l’Allier, où il est vieilli, au témoignage de Fr. Lagueunière). Il est absent
des dictionnaires généraux contemporains.
◇◇ bibliographie. MazeHavre 1903 ; KervarecQuimper 1910 ; Ouest fossé "haute levée de terre sur laquelle s’élève la haie vive" (M. Bloch, Les Caractères originaux de l’histoire rurale française, 1964 [1931], 57 ; Dieppe 1952 ; TuaillonRézRégion 1983 (Normandie) ; LepelleyBasseNorm
1989 ; BrasseurNorm 1990 ; LepelleyNormandie 1993 ; SchortzSenneville 1998 ; BlanWalHBret
1999 ; FEW 3, 741a, fossatum.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Sarthe, 65 % ; Ille-et-Vilaine, 60 % ; Basse-Normandie,
50 % ; Loire-Atlantique, 40 % ; Maine-et-Loire, 0 %.
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