couderc ou coudert [kudɛʁ] n. m.
rural, vieillissant
1. 〈Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron, Lozère (nord), Haute-Loire
(Velay), Cantal, Puy-de-Dôme, Limousin, Dordogne〉 "terrain herbeux communal, parfois utilisé comme lieu de rassemblement pour les fêtes
du village". Stand. communal ou communaux. – Le coudert va être vendu pour en faire un lotissement (FréchetMartVelay 1993).
1. De l’autre côté du chemin, les cochons du village paissaient dans « le coudere ». (Mme Roullon, « Termes… Souvenirs », Lou Païs 174, juin 1971, 146.)
2. Il faut aller en promenade jusqu’au village de Masselèbre qui fut un bon exemple de
l’organisation de l’espace rural livradois de naguère avec ses maisons à toit débordant,
sa chapelle sur le coudert, une très belle croix de granit du xve siècle, ainsi qu’un pont du xive siècle à deux arches brisées que les divagations de la Dore ont laissé en plein champ.
(M. Boy, Petit Guide de l’arrondissement d’Ambert, 1984, 25.)
3. Pour ces femmes de chez nous, la dentelle, ressource de complément, était aussi une
occupation sociale et morale qui entretenait la vie de groupe, ce qu’on appellerait
aujourd’hui la convivialité, dans des localités isolées par les distances et par les
longs hivers et qui, pendant la belle saison, permettait aux femmes de se retrouver
en couvige [= réunion de travail] sur le coudert tandis que les hommes étaient aux champs. (J. Barrot, « Avant-propos » à Geneviève Trincal, La Dentelle et les dentellières en Haute-Loire de 1850 à 1914, Clermont-Ferrand, 1993, v-vi.)
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
4. Avec Lucien nous allions garder les cochons au « communal », qu’on appelait aussi le « coudert ». Le communal était, en haut du village, une étendue de maigres gazons, semée de creux
d’eau croupissante où grouillaient les têtards. Les oies s’y rendaient en procession
[…]. (J. Marouzeau, Une enfance, 1977 [1937], 138.)
V. encore s.v. placitre, ex. 8.
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
5. Le coudaire [sic] est le communal qui s’élève en terre-plein chez nous au milieu des villages. Celui
de Maindigour s’ornait d’un tilleul colossal, planté, il y a trois siècles, sur les
ordres de Sully. Nos godelureaux viennent de l’arracher. Ses origines royales, sa
noble grandeur les offusquaient. (M. Jouhandeau, Le Langage de la tribu, 1955, 247.)
2. 〈Aveyron, Haute-Loire, Cantal, Puy-de-Dôme (vieilli), Creuse, Corrèze, Haute-Vienne, Dordogne〉 "espace, le plus souvent herbeux, proche des bâtiments d’une ferme, où l’on entrepose
éventuellement divers instruments aratoires, véhicules agricoles et tas de bois, et
où les volailles et les porcs vagabondent". La barrière du coudert (M. Chaulanges, Les Mauvais Numéros, 1971, 35). Les animaux parqués dans le coudert (M. Massalve, Marie du fond du cœur, 1998, 42). Dans le coudert, derrière la maison (R. Millet, Lauve le pur, 2000, 188).
6. – […] Dans le coudert et le jardin, les haies ont tant épaissi qu’un chien n’en sortirait pas. (M. Chaulanges,
Les Mauvais Numéros, 1971, 155.)
7. On portait les paquets à la cuisine pendant que le père dételait l’ânesse et la ramenait
au coudert. (Cl. Duneton, Le Diable sans porte, 1981, 92.)
8. Pendant que dans le coudert, on suait dans la poussière, sous le poids des gerbes ou des sacs, à la cuisine, on
s’affairait : les civets exhalaient leur alléchante odeur ; la peau des poulets se
craquelait et se dorait en rissolant […]. (G. Thévenot, Une vie de Creusois, 1981, 71.)
9. Elle s’éloigna de quelques pas, le regarda à travers les pommiers du coudert, torse nu, ébouriffé, beau comme un dieu d’argile. (M. Peyramaure, L’Orange de Noël, 1996 [1982], 265.)
10. […] la porcherie […] ouvre sur le coudert, petit pacage planté de pommiers à cidre, typiquement limousin, où l’on lâchait les
porcs. (Pays et gens de France, n° 99, la Haute-Vienne, 13 octobre 1983, 10.)
11. […] son enclos, le coudert, légèrement en pente, derrière les bâtiments qui comprenaient maison d’habitation,
grange et étable. (Panazô, L’Argent du ciel, 1987, 25.)
12. Le gamin charge à la fourche dans une brouette le fumier des trois porcs qu’il a fait
sortir dans le « coudert », un petit enclos au-delà de la grange. (Panazô, Le Traînard, 1994, 75.)
13. À seize ans, Léonard est un homme. Il a développé sa musculature à la barre fixe installée
entre les deux cerisiers du couder. (P. Louty, Léonard, le dernier coupeur de ronces, 1995, 86-87.)
14. – Avez-vous remarqué, dit-il, comme l’herbe de ce coudert est curieusement brûlée ? (B. Gérard-Simonet, Contes du pays creusois, 1996, 89.)
V. encore s.v. écarter, ex. 12.
■ graphie. La graphie traditionnelle est couderc, mais coudert est usuel et traditionnel en Auvergne et en Limousin. D’autres graphies sont phonétiques
(coudaire, v. ci-dessus, ex. 5 ; couder, v. ci-dessus, ex. 13 ; coudere, v. ci-dessus, ex. 1 ; déjà Coup d’Air, Clermont-Ferrand 1841, cité dans Bïza Neirà 29, 1981, 20.)
◆◆ commentaire. Absent de la lexicographie générale, le mot est en usage sur une aire compacte englobant
le Massif Centrala et certaines zones plus méridionales dans l’orbite toulousaine ; cette aire française
correspond de près à l’aire occitane contemporaine (cf. FEW)b. Attesté d’abord isolément en français (1334, codert, cosderc, GirRoussb), le mot a été emprunté à l’aocc. codercc dès la fin du Moyen Âge (Clermont-Ferrand 1475 « suyvant un chemin alant jusques au coderc de Se Flamine, et dudit coderc de Se Flamine descendant au long du chemin […] » ; Cunlhat 1493 sous la forme coudert, DrouotDocLivradois 5, 15, tous les deux dans ChambonMatAuv 1994, 25). Légitimé par
son emploi dans l’écrit notariald, le mot s’est maintenu jusqu’à l’époque actuelle où, référant à des réalités rurales,
il est en voie de vieillissement dans l’acception 1, tandis qu’il paraît mieux se maintenir, sur une aire plus restreinte, dans l’acception
2, analogique de la précédente.
a Cf. ALLy 858 ‘couder’ (titre de la carte) « mot du Massif Central) ».
b Le mot paraît cependant difficile à attester dans le français de la Lozère (v. ci-dessus,
ex. 1) ; il est absent du Gard où FEW le relève en occitan.
c V. Lv, Rn, FEW ; aj. arouerg. coderc 1256 (P.-A. Verlaguet, Cartulaire de l’abbaye de Bonnecombe, Rodez, 1918-1925, n° 314) et 1259 (op. cit., n° 347) ; aauv. coderc (Vic-le-Comte 1280, DrouotDocLivradois 1, 5).
d On peut montrer en Auvergne la continuité de l’emploi écrit du 15e au 20e siècle : aux matériaux réunis dans ChambonMatAuv 1994, 25 et ChambonÉtudes 1999,
116-117, aj. 1570 (coderc, BullAuv 91, 317), 1687 (couderc, É. Amé, Dictionnaire topographique du département du Cantal, 1897, s.v. Banou), 1743 (couder, DrouotDocLivradois 4, 93, 97). – Dans d’autres régions, les attestations sont plus
tardives, sans doute du fait du manque de dépouillements : dep. 1666 dans le Rouergue
« au terroir ou couderc dit Las Fourques » (Affre 199b) ; dep. 1790 dans le Lot « le couder ou communal public » (Chr. Constant-Le Sturm, Journal d’un bourgeois de Bégoux : Michel Célarié, 1771-1836, 117).
◇◇ bibliographie. (1) PomierHLoire 1835 coudert ; MègeClermontF 1861 couder ; JouhandeauGuéret 1955, 187 coudaire ; ALMC 106 ‘couderc’ (titre de la carte) ; BonnaudAuv 1976 ; SabourinAubusson 1983 et 1998 coudert ; QuestThiers 1987 ; BoisgontierAquit 1991 couderc ; BoisgontierMidiPyr 1992 couderc ; FréchetMartVelay 1993 coudert ; QuesnelPuy 1993 couderc, coudert. – (2.) SaugerPrLim 1825 « coudert. […] On prétend mal à propos que coudert n’est employé que par les personnes qui parlent patois. Je pense au contraire que
les propriétaires se servent de ce mot » ; MègeClermontF 1861 ; G. Gonfroy, dans B. Barrière et al., Limousin, 1984, 187 ; ChambonMatAuv 1994, 25 ; ChambonÉtudes 1999, 116 (Pourrat, Gaspard des montagnes) ; FEW 2, 1258a-b, *cotericum.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Aveyron, 100 % ; Haute-Vienne, 70 % ; Tarn-et-Garonne, 65 % ; Tarn, 60 % ; Creuse,
55 % ; Ariège, Dordogne, Haute-Garonne, Haute-Loire, 50 % ; Corrèze, 45 % ; Cantal,
Puy-de-Dôme, 35 % ; Lot, 0 %. (2) Haute-Vienne, 85 % ; Dordogne, 75 % ; Corrèze, Creuse, 65 % ; Cantal, Haute-Loire,
Puy-de-Dôme, 35 %.
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