courée n. f.
〈Surtout Nord (centre), Pas-de-Calais〉 usuel "espace en cul-de-sac, bordé de petites maisons ouvrières". Depuis la rénovation des vieux quartiers, la plupart des courées de Roubaix ont disparu (CartonPouletNord 1991).
1. La cour Saint-Laurent, la cour Masurel, le fort Wattel, il y en a neuf cents dans
le vieux Roubaix. Les plus petites courées n’ont que deux ou trois logements. Les plus grandes, qu’on appelle des « forts », sont disposées en carré autour d’un terrain vague et groupent jusqu’à cinquante
masures côte à côte. (Le Nouvel Observateur, 21 juillet 1969, 31.)
2. Quand elles se croisaient dans la courée, elles [deux voisines fâchées] faisaient un détour, ce qui faisait rire les camanettes
[= commères], comme on dit dans le Nord, qui les guettaient derrière leur fenêtre.
(L. Vanderwielen, Lise du plat pays, 1983, 47.)
3. Le textile exigeait beaucoup de main-d’œuvre : les patrons de l’époque eurent l’idée
de loger sur place leurs ouvriers. C’est l’origine des fameuses « courées ». / Le promeneur pressé a toutes les chances de ne pas voir ces passages étroits,
parfois de moins d’un mètre, qui interrompent à intervalles réguliers la trame des
maisons de rue. Il faut pourtant s’engager dans ces boyaux qui débouchent sur des
cours sordides, pavées, où s’alignent des petites maisons d’un étage. En général,
pas de jardin ; des toilettes communes pour tout le cœur d’îlot […]. (A.-J. Louis,
« Roubaix : les gravats de la crise », Le Monde, 25 mai 1989, 21.)
4. 29 juin 1947 : ordonné prêtre à vingt-quatre ans, vous formez le vœu d’être nommé
vicaire dans une paroisse populaire. Cette forme de service vous hante depuis votre
quinzième année. André, votre meilleur ami du petit séminaire, vous a fait découvrir
une courée de Roubaix où sa mère vit seule avec quatre garçons qui dorment sans draps, dans
le froid […]. (M. Schumann, Réponse au discours de réception à l’Académie française
du cardinal Decourtray, Le Monde, 14 mars 1994, 11.)
5. L’usine Desrousseaux [à Roubaix], avec la maison du patron et l’ancienne courée, sera réhabilitée. (Le Monde, 4 août 1998, 8.)
6. Pour les courées [titre] / Une prime communale s’applique sur certains travaux de rénovation d’habitat
dans les courées. Fixée à un maximum de 6 250 F, cette prime concerne les propriétaires dont les ressources
sont inférieures au plafond du PAP […]. (La Voix du Nord, 27-28 septembre 1998, 3328.)
V. encore s.v. estaminet, ex. 4.
— Par méton. "ensemble des habitants riverains de cet espace".
7. C’est la courée qui pleure la mort de Louise. C’est la courée qui se réjouit de l’arrivée des Anglais en 1918. (Fr. Cribier, postface à L.Vanderwielen,
Lise du plat pays, 1983, 323.)
□ En emploi métalinguistique.
8. On disait à l’origine cours et courettes à Lille, courées à Roubaix et Tourcoing. Lise emploie autrement ce vocabulaire. Pour elle la cour
ou la courette est le lieu géographique autour duquel sont alignées les maisons, l’espace
commun aux riverains, tandis que le terme de courée désigne bien souvent l’ensemble des habitants de la cour, et par extension les habitants
des cours par opposition à ceux des beaux quartiers. C’est à ce sens-là qu’elle parle
d’elle-même comme d’une « enfant de la courée ». (Fr. Cribier, postface à L.Vanderwielen, Lise du plat pays, 1983, 318.)
◆◆ commentaire. Dérivé sur fr. cour "espace découvert entouré de murs, d’habitations" (dep. la 2e moitié du 10e s., cort, v. TLF), avec le suffixe ‑ée, ce terme est aujourd’hui caractéristique du nord de la France, mais son aire était
plus étendue au 19e s. (le mot est attesté dep. 1845 dans le français de Reims, selon Saubinet). Absent
de GLLF, il est enregistré dans Rob 1985, TLF, NPR 1993-2000 « région. (Nord, Flandres) » et dans Lar 2000 « dans les villes du Nord de la France ».
◇◇ bibliographie. SaubinetReims 1845 "cour commune à plusieurs habitations" ; LateurArtois 1951 ; CartonPouletNord 1991 ; GuilleminRoubaix 1992 ; FEW 2, 850a, cohors.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Nord, Pas-de-Calais, 100 % ; Somme, 65 % ; Aisne, 40 % ;
Oise, 20 %.
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