éclade n. f.
〈Surtout Côte charentaise〉 usuel "préparation culinaire faite de moules que l’on dispose les unes contre les autres,
le plus souvent sur une planche, et que l’on cuit sous un feu d’aiguilles de pin".
1. Immédiatement les femmes se mettent au travail, raclant et nettoyant les moules […].
Elles les rangent serrées les unes contre les autres sur les pierres plates, semi-penchées,
la charnière en bas, en forme de rosace quasi-parfaite.
– Ça y est, l’églade est préparée, dit Julot qui s’y connaît. C’est lui qui recouvre les moules d’une épaisse couche d’aiguilles de pin bien sèches et qui y met le feu […]. / Au bout d’un quart d’heure, les flammes s’éteignent, la couche d’aiguilles de pins est consumée. – L’églade est prête ! annonce Julot […]. Il souffle sur les cendres et les moules apparaissent, largement ouvertes, un tantinet parfumées grâce à la térébenthine des aiguilles de pins [sic] et savoureuses à point ! – Où donc as-tu pris ce tour de main ? – C’est bien simple ! répond Julot. Je suis natif de Dolut [sic, pour Dolus], dans l’île d’Oléron et j’ai toujours vu faire ça depuis ma plus tendre enfance. (A. Gaillard, Le Siècle trioulais (1880-1980), 1978, t. 1, 202.) 2. Une éclade de moules au Grand Large d’Oléron, une chaudrée* à La Jetée de Fouras, une mouclade à Esnandes… (Le Monde, 17 décembre 1980, 38.)
3. Aucune autre moule au monde ne vaut celle de Charron [Charente-Maritime]. Essayez
[…] de la déguster en éclade. […] le secret de l’éclade […] est un mélange extraordinairement heureux d’essence de pin, d’iode et de ciel.
/ Chantant l’éclade, que l’on partage dehors, dans la dune ou sous la treille et la motte de beurre à
portée de la main, je m’aperçois que le décor compte beaucoup aussi dans le goût que
nous avons pour notre cuisine. (J. Prasteau, préface de l’Encyclopédie régionale de la cuisine. La Cuisine de Vendée, Poitou, Charentes, 1980, 6.)
4. L’éclade […]. Composition : Une planche, des moules, des barbes [= aiguilles] de pins. (J.-E. Progneaux,
Les Spécialités et Recettes gastronomiques charentaises, 1980, 66.)
5. Dès samedi après-midi, un concours de doublettes a rassemblé trente-six équipes sur
l’esplanade [à Cognac]. Le soir, plus de cent personnes ont participé à l’éclade géante. (Charente libre, 5 octobre 1998, B.)
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
6. L’éclade, c’est la disposition, serrée, des moules sur une planche de bois. On recouvre d’aiguilles
de pin, on enflamme. Un coup de soufflet pour disperser les cendres et, en se salissant
les doigts mais en se régalant, il n’est plus qu’à gober les moules […]. (La Reynière,
dans Le Monde, 11 avril 1987, 17.)
7. L’éclade est une préparation à la fois folklorique et gastronomique : les moules crues sont
rangées en figure concentrique (les quatre premières sont bloquées par des petits
clous pour que l’ensemble tienne) sur une planche épaisse, le tout est recouvert d’une
couche d’aiguilles de pin sèches auxquelles on met le feu. Il ne reste plus qu’à déguster
les moules chaudes et parfumées avec les indispensables pain, beurre et vin blanc.
(Cuisine actuelle, n° 19, juillet 1992, 60.)
■ variantes. La forme églade (ci-dessus ex. 1) est aujourd’hui moins usuelle.
■ encyclopédie. Recettes dans les ouvrages cités dans les ex. 1 et 4. Voir encore F. Faideau, Le Bien Manger en Aunis et Saintonge, 1976 [1936], 35 et L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Poitou-Charentes, 1994, 309, qui précise : « Il est important que les moules soient placées debout, la charnière vers le haut,
afin que les cendres n’entrent pas à l’intérieur des coquillages ».
◆◆ commentaire. Attesté en fr. dep. 1901 (« Eglade de moules. Avoir de bonnes moules, les disposer sur une planche […] la tête,
c’est-à-dire la charnière, en haut […], recouvrir le tout de copeaux, de tiges de
fèves sèches ; mettre le feu, éventer, laisser les moules s’entr’ouvrir » Jeanne d’Oléron, dans J.-C. Fulbert-Dumonteil, La Cuisine française. L’Art du bien manger, v. HöflerRézArtCulin), ce type lexical, ainsi que le référent, est caractéristique
de la côte charentaise (la forme esclade, dans SuireBordeaux, semble un emprunt récent) ; les enquêtes DRF ont montré qu’il
connaît une certaine dérégionalisation dans les départements voisins. Le terme est
probablement dérivé sur le poitevin-saintongeais [egja] "répartir, arranger, disposer" (cf. GlossSefco : « égller […] trier. Par exemple, séparer les moules les unes des autres, les mettre une par
une pour préparer une “écllade” » et FEW 24, 216a æquare), suff. ‑ade, sur le modèle de mouclade (v. RézeauOuest 1984), qui a pu aussi favoriser la désonorisation de églade. Il est absent des dictionnaires généraux contemporains.
◇◇ bibliographie. RézeauOuest 1984 et 1990 ; SuireBordeaux 2000 esclade.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Charente-Maritime, 100 % ; Vendée, 75 % ; Vienne, 60 % ;
Charente, Deux-Sèvres, 25 %.
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