évier n. m.
〈Bourgogne, Ain, Rhône, Drôme, Loire, Isère (Villeneuve-de-Marc), Ardèche, Haute-Loire
(Velay)〉 usuel "pièce attenante à la cuisine, dans l’habitat traditionnel, où l’on fait la vaisselle
et divers travaux salissants". Synon. région. bassie*, patouille*, souillarde*. – Range les casseroles dans l’évier (VurpasMichelBeauj 1992). Le fenêtron*, au nord, donne de la fraîcheur à l’évier (BlancVilleneuveM 1993, s.v. fenêtron). Dans mon évier, j’ai fait installer des rayons [= étagères] pour ranger les casseroles (VurpasLyonnais 1993). Porte ce seau à l’évier (FréchetMartAin 1998).
1. La laiterie familiale se cantonnait plus volontiers dans un angle de la « maison » [= cuisine], voire sous un escalier, avant de se localiser, au xixe s., dans un espace qui prend son nom moderne, « l’évier » (le « lévier ») sans être obligatoirement doté d’une « pierre d’évier ». […] l’installation n’est jamais bien fonctionnelle. Dans l’évier, espace étroit, humide, peu éclairé, sont logés les ustensiles servant à la manutention
du laitage […], les barattes, l’égouttoir, mais aussi de vieux meubles. (BouillerRoanne
1998, 37.)
— Par agglutination de l’article lévier "id.". pop. La bouteille de javel est sur le rayon [= étagère] du lévier (VurpasMichelBeauj 1992).
2. Après quoi les filles et les femmes disparurent dans le « lévier » pour aller échauder [= laver] la vaisselle et les hommes se mirent à boire. (H. Vincenot,
La Billebaude, 1978, 306-307.)
3. Dans un coin, un trou dans le mur de pisé recevait une tuile creuse qui déversait,
à l’extérieur, les eaux usées d’un lévier de bois. (A. Cuisinier, La Cuvée de Saint-Antoine, 1988, 100.)
V. encore ici ex. 1.
◆◆ commentaire. Ce sens, par métonymie de frm. évier "surface aménagée sur laquelle on fait divers travaux annexes de cuisine et la vaisselle" (dep. Trév 1771, v. FEW), est attesté peu auparavant dans le français de la Loire
(1762 « dans le petit réduit ou évier qui est à costé de la cuisine », Inventaire à Lentigny, dans BouillerRoanne 1998, 8). Il est caractéristique du français
d’une aire qui s’étend de l’Yonne à la Drôme. Il s’agit là d’une aire nettement lyonnaise
ayant réussi à capter la Bourgogne et il est remarquable que le sens standard (non
daté dans TLF) soit attesté d’abord dans Trév 1771 (il n’entrera dans Ac qu’en 1835)
et il se pourrait que, comme pour cartable (v. le commentaire sous ce mot), Lyon ait diffusé différents sens d’un même mot.
Absent des dictionnaires généraux et d’apparition récente dans les relevés regionaux,
le sens ici décrit est pourtant documenté depuis plus de deux siècles. La forme lévier est un fait populaire, attesté pour le sens de base aussi bien dans la région parisienne
(DG ; BauchePop 1920 ; MaugBagneuxHSeine 1936) qu’en province (MulsonLangres 1822
s.v. lavier ; MarMontceau ca 1950 ; ChaurandThiérache, 26 ; CrouvChampagne 1975 ; DelortStClaude [ca 1977] ; L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 133 ; DuraffHJura 1986 ; v. encore FEW) et au Québec (dep. 1810, FichierTLFQ ;
Dunn 1880 ; Clapin 1894 ; Dionne 1909 ; GPFC 1930 ; DHFQ 1998).
◇◇ bibliographie. Mâcon 1903-1926 lévier ; RobezVincenot 1988 lévier ; MartinPilat 1989 « usuel à partir de 20 ans, connu au-dessous » ; TavBourg 1991 ; VurpasMichelBeauj 1992 « usuel au-dessus de 60 ans, en déclin rapide au-dessous » ; BlancVilleneuveM 1993 ; FréchetMartVelay 1993 « globalement peu attesté, mais usuel à Yssingeaux » ; VurpasLyonnais 1993 « connu » ; FréchetAnnonay 1995 « globalement connu » ; FréchetDrôme 1997 « globalement attesté » ; BouillerRoanne 1998, 30 ; FréchetMartAin 1998 évier « globalement connu », lévier « usuel à partir de 60 ans, attesté au-dessous » ; MichelRoanne 1998 « usuel au-dessus de 60 ans » ; aj. à FEW 25, 70b, aquarius.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Côte-d’Or, Yonne, 100 % ; Saône-et-Loire, 75 % ; Nièvre,
50 %.
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