galère n. f.
I. rural et vieillissant
1. 〈Jura, Loire (Pilat, Roisey), Isère (nord), Drôme, Ardèche (Annonay)〉 rural "petite herse destinée à enlever les mauvaises herbes (surtout utilisée dans les vignes)". Stand. extirpateur. – Il est parti passer la galère dans la vigne (MartinPilat 1989).
1. – C’est bien entendu, on fait comme on a dit. Je passe une fois [avec la charrue]
[…], et vous faites le reste à la pioche, ensuite, un coup de galère pour ramasser la saloperie… (B. Clavel, L’Espagnol, 1968 [1959], 276.)
2. Une belle plantée [= vigne], bien vigoureuse. Mais dans quelques jours, pour peu qu’il
tombe une averse, l’herbe repousserait. Il faudrait repasser la galère. (B. Clavel, L’Espagnol, 1968 [1959], 370.)
■ dérivés. 〈Jura, Loire (Pilat), Isère (nord), Drôme, Ardèche (Annonay)〉 rural galérer v. tr. "passer la galère dans (une terre)". Au part. passé/adj. « – Alors ? demanda la patronne au bout d’un moment. – C’est fait, dit Pablo. Tout est
galéré et relevé. Demain nous ferons celle [= la vigne] du coteau Berchut » (B. Clavel, L’Espagnol, 1968 [1959], 421). – MartinRoisey 1976 ; MartinPellMeyrieu 1987 galèrer ; MartinPilat 1989 « globalement usuel à partir de 20 ans, connu au-dessous » ; FréchetAnnonay 1995 « globalement attesté » ; FréchetDrôme 1997 « inconnu à Valence et à Die, peu attesté ailleurs » ; aj.à FEW 4, 28a, galea.
— 〈Vosgesa, Haut Jura〉 rural, vieillissant "grand râteau à faner, à dents métalliques recourbées, que l’on utilise en traction" (DuraffHJura 1986). Stand. faneuse.
a Comm. d’A. Litaize et de Chr. Tetet.
2. 〈Rhône〉 vieillissant "brosse à long manche servant à faire briller les parquets cirés". Sers-toi de la galère pour faire briller le parquet de la salle à manger (VurpasMichelBeauj 1992 ; VurpasLyonnais 1993).
II. 〈Hautes-Alpes, Provence, Hérault, Bouches-du-Rhône〉 fam.
1. en galère ! loc. interj. "(pour dire qu’on est exaspéré, excédé, pressé d’en finir)". Stand. ça suffit, fam. et puis zut !
3. […] hier soir, jetant sa faucille :
– En galère, votre lavande ! Heureusement j’en ai fini ! (M. Mauron, Le Quartier Mortisson, 1951, 247.) 4. – […] Tu pourrais au moins dire au revoir…
– En galère !… (Ch. Blavette, Ma Provence en cuisine, 1984 [1961], 47.) 5. Parfois aussi, il emplissait de villeneuve un verre à pastilles pour égayer un peu son misérable repas. Il y avait bien, au
fond du frigo, une marmite de pot-au-feu, mais il fallait la mettre à chauffer, sortir
une assiette, une cuiller, la moutarde… En galère ! (P. Magnan, Le Tombeau d’Hélios, 1985 [1980], 174.)
6. Comme j’arrivais devant chez moi, que vois-je ? Un bâtard de chien en train de compisser
mes bambous […]. Que faire ? Coller du soufre ? Des barbelés ? Des mines ? Les surélever ?
Oh ! en galère… Ces plantes, qu’elles se défendent elles-mêmes et que le meilleur gagne. (Cl. Courchay,
Quelque part, tout près du cœur de l’amour, 1987 [1985], 167.)
7. – J’ai tout [= la vendange] vendu sous marc, disait Jules. On cueille et le négociant
se charge du reste. Plus de soucis et d’ailleurs je n’ai pas le temps de m’occuper
du vin. Je vais même revendre mon matériel.
– Tu perds au moins dix francs par hecto, remarquait mon père. – Huit mais en galère… Quand j’aurai la pension, je verrai si je peux rentrer la vendange chez moi en achetant un bon foudre. (G. J. Arnaud, Les Oranges de la mer, 1990, 59.) 8. Un bain, un coup de brosse et en galère. (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 311.)
V. encore s.v. heure, ex. 20.
2. en galère loc. adv. ou adj. "(au) loin". Stand. fam. au diable, à perpète. – Habiter en galère (BouvMars 1986). Aller, envoyer, partir en galère (MartelBoules 1998).
9. Qu’il aille en galère, si ça lui chante ! répliqua le père Courtin qui semblait beaucoup plus soucieux de
ses abeilles que du vieux bourricot… (M. Scipion, L’Homme qui courait après les fleurs, 1984, 117.)
10. Ils était tous à Aix, ou en galère, à étudier, à faire des stages, à glander Dieu sait quoi… (Cl. Courchay, Quelque part, tout près du cœur de l’amour, 1987 [1985], 333.)
11. – […] Bon, les cassettes, je te les laisse pas au Journal, c’est en galère pour moi. Chez Barona ? C’est plus pratique. (R. Merle, Treize reste raide, 1997, 11.)
V. encore s.v. marin, ex. 8.
— Dans une formule de non-recevoir, pour briser net un entretien.
12. Je me disais : « Les carottes sont cuites. Tu peux te fouiller. L’Amérique est en galère. » (J. Giono, Les Âmes fortes, 1949, 265.)
13. – Je m’en fous de ton sac et de ta bicyclette. Tu peux aller les chercher en galère. Et restes-y. (M. Raphaël, Feu et flammes, 1953, 159.)
3. envoyer en galère loc. verb. "repousser sans ménagement". Stand. éconduire, fam. envoyer promener.
14. […] elle était beaucoup plus jeune que lui, ça [une liaison] pourrait pas durer indéfiniment.
Je me disais : tè*, s’il peut encore un peu en profiter, qu’il en profite ! Bientôt, elle l’enverra en galère. (R. Bouvier, Tresse d’aïet, ma mère, 1997 [av. 1992], 110.)
□ En emploi métalinguistique.
15. Parmi celles-ci [des expressions populaires marseillaises], quelques-unes servaient
au cours d’une dispute à envoyer l’adversaire « en galère » : une expression qui, si l’on considère le passé de Marseille, se dispense de commentaire.
(P. Echinard, Marseille au quotidien. Nouvelles chroniques du xixe siècle, 1994, 85.)
◆◆ commentaire. Sens non pris en compte par la lexicographie générale.
I.1. Probablement par analogie de frm. galère "grande ratissoire à roulettes, pour allées de jardin", attesté dep. 1796 (FEW), sens encore relevé dans Rob 1985 (cf. TLF "petite charrue") et qui a pénétré divers patois des Vosges et de l’Ain (FEW) ainsi que du Rhône (ALLy
150*). 2. D’usage vieillissant dans une petite aire lyonnaise, ce sens a été aussi relevé en
patois et fr. de Suisse romande et du Val d’Aoste (GPSR 8, 59a).
II. Locutions métaphoriques, fondées sur fr. galère "bâtiment de guerre ponté, marchant à rames", et dont on n’a qu’un seul témoignage ancien, du 18e sièclea ; elles ne semblent pas avoir été enregistrées par la lexicographie générale. 1. est assez proche de fr. stand. vogue la galère ! 2. équivalent de fr. fam. à perpète, peut évoquer la peine de ceux qui étaient naguère condamnés à ramer sur les galères
royales, à partir du port de Marseille à quoi 3. fait aussi allusion, comme l’indique par ailleurs l’exemple 15.
a « Dina [nom romanesque donné par l’“écuyer” paysan à la servante Perrette] en se reculant lui donna un coup de poing dans l’estomac,
qui fit reculer l’audacieux de quatre pas. Ah ! ah ! notre écuyer de chat, comme vous
y allez ! marguenne, je ne sais à quoi y tient que je ne vous arrache les yeux, en
galères, malheureux, et retire-toi, car je t’étranglerai avec ma jarretière » (Marivaux, La Voiture embourbée, dans Œuvres de jeunesse, éd. Fr. Deloffre, 351). Peut-être l’emploi de en galère dans une comparaison est-il un chaînon dans le figement de l’expression : « […] lesquelz […] ont apres le desplaisir plusieurs mois, de se voir sans maison, ou
si harassez par les usuriers, qu’ils ne le seroient pas davantage en galere » (Fr. de La Noue, Discours politiques et militaires, 1587, éd. F.E. Sutcliffe, 192). Ces deux références sont dues à P. Enckell.
◇◇ bibliographie. (I.1.)MartinRoisey 1976 ; MartinPellMeyrieu 1987 ; MartinPilat 1989 « globalement usuel à partir de 20 ans, connu au-dessous » ; FréchetAnnonay 1995 « globalement attesté » ; FréchetDrôme 1997 « inconnu à Valence et à Die, peu attesté ailleurs » ; aj. à FEW 4, 28a, galea. – (I.2.) PuitspeluLyon 1894 ; VurpasMichelBeauj 1992 « connu au-dessus de 40 ans, inconnu au-dessous », dans le Beaujolais viticole et « bien connu au-dessus de 60 ans » dans le Haut-Beaujolais ; VurpasLyonnais 1993 « peu attesté » ; FEW 4, 28a, galea. – (II) MédélicePrivas 1981 (II.2) « expression très courante » ; TuaillonRézRégion 1983 ; BouvierMars 1986 ; LangloisSète 1991 ; ArmKasMars 1998 ;
MartelBoules 1998 ; RoubaudMars 1998, 87 ; BouisMars 1999 ; aj. à FEW 4, 27b, galea.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Ø ; (II, tous sens confondus) Alpes-Maritimes, 90 % ; Vaucluse, 80 % ; Var, 65 % ; Bouches-du-Rhône,
60 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, 50 %.
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