marin n. m.
〈Bouches-du-Rhône, Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Aveyron, Lozère〉 usuel "vent tiède, souvent porteur de pluie, qui souffle du Sud sur le golfe du Lion, surtout
en automne et en hiver". Le marin pégueux* (G. J. Arnaud, Les Oranges de la mer, 1990, 226).
1. Quel personnage ce marin, m’écrit Pimpanello, pour les populations du Bas-Vivarais, des Cévennes et du Coiron.
D’une violence extrême, les marinades* qui passent par rafales courbent tout sous leur fureur, poussant comme des vagues
les gros nuages qui montent de la mer. (Ch. Forot et M. Carlat, Le Feu sous la cendre, 1979, t. 1, 80-81.)
2. L’Aiglon, en effet, se posait, rangeait le vélo et s’installait chez son ami, sept,
huit jours. Jusqu’à ce que le vent tourne et se mette à souffler du nord. Se pointant
au marin, il repartait à la tramontane qui le ramenait chez lui sans un coup de pédale. (J. Durand,
André Bouix, gardian de Camargue, 1980, 160.)
3. […] les vents dominants – la tramontane qui souffle des Pyrénées, le marin qui vient de la mer ou le cers qui arrive des Corbières – sont plus souvent des rafales
rugissantes que d’aimables brises. (Pays et gens de France, n° 63, les Pyrénées-Orientales, 6 janvier 1983, 3.)
4. – […] les nuages viennent du sud. C’est le marin. Nous allons avoir la pluie. (S. Pesquiès-Courbier, La Cendre et le feu, 1984, 90.)
5. Le vent dominant qui souffle à Carcassonne s’appelle le Vent Marin. Mais pour les
habitants de la région, il est devenu simplement « Marin ». (Y. Audouard, Almanach égoïste à l’usage de quelques-uns, 1990, 36.)
6. […] le Marin si épais qu’il mouillait cheveux et vêtements […]. (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 117.)
7. Il arrivait que le putride « marin » amoncelât sur l’arc cévenol des masses plombées de nuages mauves, chargés de l’odeur
de Camargue tout empoissée de chimie. (L. Chabaud, Un si petit village, 1991, 160-161.)
— En appos. à valeur adj. vent marin.
8. – […] C’était un jour désespéré comme il y en a tant dans la vie d’une pauvre femme.
Un de ces jours où la lessive ne sèche pas entre le vent marin et les giboulées de neige. Un jour où la fin du mois paraît être en galère* avec ce que l’homme vous alloue pour y arriver. (P. Magnan, Les Secrets de Laviolette, 1993 [1992], 59.)
V. encore ici ex. 5 ; s.v. carbonade, ex. 1.
— Dans le syntagme marin blanc "ce même vent nuisible aux récoltes qu’il dessèche, lorsqu’il souffle l’été".
9. Le Causse vivait intensément sous le soleil de juillet. Le temps de la moisson était
arrivé. […] Brûlés par le « marin blanc », les épis ne seraient pas gonflés. (A. Durand-Tullou, Le Pays des asphodèles, 1991 [1989], 107.)
— Dans la loc. verb. c’est / il fait marin.
10. – Macarelle, jura Antoine Pla en ouvrant la porte, le premier matin des vendanges,
c’est « marin ». (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 21.)
11. Avant de tuer [le porc], on calcule la lune […]. On calcule le froid. Malheur s’il faisait marin ! (M. Rouanet, Petit Traité romanesque de cuisine, 1997 [1990], 58-59.)
12. […] cette odeur si particulière de chez nous faite de poussière, de salpêtre, de soufre,
de crottin et de marc de raisin qui m’a accompagné toute ma vie et qui a, je crois
bien, disparu, chassée par les vapeurs d’essence et les relents des produits chimiques
déversés sur nos vignes. Parfois, quand même, après la pluie ou s’il fait marin [en note : Vent du sud-ouest [sic] qui vient de la mer. Différent du grec qui souffle de l’est], je la retrouve un moment et c’est comme si tout allait recommencer.
(J.-L. Magnon, Les Larmes de la vigne, 1996 [1991], 39-40.)
■ synonymes.
1. 〈Aude, Pyrénées-Orientales, Ardèche (sud)〉 marinade n. f. « Ce sont ces marinades qui déclenchent les grandes averses d’équinoxes de printemps et surtout d’automne,
ces grosses pluies qui, en quelques heures, font sortir de leur lit l’Ardèche et le
Chassezac, et changent nos infimes ruisseaux en torrents impétueux… » (Ch. Forot et M. Carlat, Le Feu sous la cendre, 1979, t. 1, 81) ; « Tant que la marinade soufflera, ça ne sèchera pas » (CampsRoussillon 1991) ; v. encore s.v. marin, ex. 1. – Emprunt, adapté, au cat. marinada (AlcM) ou à l’occ. (Mistral).
2. 〈Gard, Hérault, Aude〉 marinas n. m. « La grisaille est rare ici ; l’ensoleillement est un des plus forts de France. […]
Les seuls mauvais moments correspondant au “marinas”, sorte de mousson portée par des vents du sud, charriant un ciel bas et pluvieux » (Pays et gens de France, n° 59, l’Hérault, 9 décembre 1982, 2) ; « Parfois le vent ne soufflait plus mais c’était tout gris d’humidité et nous disions
tous : “Quel marinas ! on n’a jamais vu pareil mauvais temps !” » (G. J. Arnaud, Les Oranges de la mer, 1990, 322). – Transfert d’occ. marinas, de même sens (Mistral) ; CampsLanguedOr 1991 ; MazodierAlès 1996 ; aj. à FEW 6/1, 346b, marinus.
◆◆ commentaire. Emprunt, attesté d’abord de Baïf à Trév 1771 en référence aux Côtes de la Méditerranée
(FEW), à l’aocc. marin "vent du sud", documenté dep. 1493 à 1785 (DAO 149) et qui se continue dans les parlers contemporains
(FEW ; Alleyne). La tradition du mot semble avoir connu une interruption dans la lexicographie
du français jusqu’à Lar 1963. On peut relever l’expansion du régionalisme dans l’Aude
et les Pyrénées-Orientales où ses correspondants occitan ou catalan semblent moins
connus ; cf. Alleynea. La lexie vent marin est attestée indépendamment en français général au sens plus large de "vent qui souffle de la mer" (Rabelais 1533, Frantext ; Estienne 1549 à Rich 1759, FEW) et dans un sens régional dep. 1737 (« vent marin » Astruc, Mémoires pour l’histoire naturelle de la province de Languedoc, 345). À l’heure actuelle, (vent) marin figure sans marque d’usage dans les dictionnaires généraux (GLLF, Rob 1985, TLF,
Lar 2000 « météorologie ») alors qu’il n’est couramment employé que dans le français des côtes et l’arrière-pays
du golfe du Lion.
a On note aussi, selon les données d’ALP 43 et d’ALLOr 27, l’absence du mot occitan
dans les régions de la Provence et du Bas Languedoc les plus proches des côtes.
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 « marin blanc, Le vent d’est, sec et chaud, qu’on redoute encore plus pour les vers à soie que le
vent de sud » ; RollandGap 1810 marin ; 1873 (« Le vent […] de l’est [en Lozère], si redoutable pour les vers à soie dans les Cévennes,
est appelé marin blanc » (Primes d’honneur, 405) ; BrunMars 1931 ; Alleyne RLiR 15 (1961), 107, 113 ; NouvelAveyr 1978 ; BoisgontierMidiPyr
1992 ; MazodierAlès 1996 ; DAO 149 ; FEW 6/1, 346b, marinus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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