gouillas ou gouillat n. m.
I. 〈Cher, Allier, Saône-et-Loire, Côte-d’Or, Doubs, Jura, Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône,
Loire, Drôme, Ardèche, Haute-Loire (Velay), Puy-de-Dôme (Thiers)〉 Surtout rural "flaque d’eau ; bourbier". Synon. région. gabouille*, patouille*. – Il n’y a quasi plus d’eau dans Lignon [sic, sans article], rien que des gouillats (GononPoncins 1984). Fais attention où tu marches, ne vas [sic] pas dans le gouillas (FréchetDrôme 1997).
■ variantes. 〈Haute-Saône (Champagney, Ronchamp)〉 [gwaja] est « intégré dans le français régional » (J. D., Ronchamp).
■ remarques. 〈Côte-d’Or, Doubs〉 gouillasse n. f. "id". « Par endroits, les fondrières étaient si profondes qu’il fallut les combler avant de
s’y engager. Heureusement qu’il y avait là des piles de bois de moule [= de grosse
section] abandonnées depuis la dernière coupe. On en jeta deux ou trois stères par-ci,
par-là dans la gouillasse, où les roues trouvèrent appui » (H. Vincenot, La Billebaude, 1978, 309). – Dérivé sur gouille (v. infra) ; cf. neuch. goillasse "eau agitée" ; RobezVincenot 1988 gouillasse « très vivant dans le français de Bourgogne, ainsi qu’en Franche-Comté » ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; FEW 16, 100b, *gullja.
II. 〈Haute-Marne (est), Vosges (ouest), Haute-Saône (nord-ouest), Jura, Loire (Pilat),
Drôme, Ardèche, Puy-de-Dôme (Thiers)〉 rural "trou d’eau, mare". Les vaches boivent dans le gouillas au milieu du pré (MartinPilat 1989).
1. – Bois pas tant d’eau, avait dit Buatois, elle n’est pas bonne à boire pure, c’est
de l’eau d’un mauvais gouillat. (B. Clavel, L’Espagnol, 1968 [1959], 366.)
2. C’est alors [pendant les étés secs] que le gouillat qui était souvent le seul point d’eau de la ferme s’agouttait [= tarissait] et c’était tragique non seulement pour les gens, mais pour le bétail.
(Ch. Forot, M. Carlat, Le Feu sous la cendre, 1979, t. 1, 50.)
■ remarques. 〈Ardennes, Lorraine〉 gauiller ; 〈Cher, Allier〉 gouiller v. intr. "patauger dans l’eau sale, dans la boue". Arrête donc de gôyer comme ça ! (TamineArdennes 1992). – Type lexical d’une large extension, relevé aux 19e et 20e siècles dans les patois : Ouest (Pays nantais, Anjou), Centre (Berry, Allier), Bourgogne,
Marne, Jura, Auvergne, Limousin, Périgord ; attesté dep. 1838 dans le français du
Berry, où il est toujours en usage (JaubertBerry 1838 ; ConnyBourbR 1852 gouiller ; DubuissBonBerryB 1993 gouiller), ainsi que dans le français du Nord-Est (LanherLitLorr 1990 gaûiller ; TamineArdennes 1992 gôyer ; MichelNancy 1994 gauiller) ; FEW 16, 100b, *gullja.
◆◆ commentaire. Type lexical, représenté dans une vaste aire dialectale qui s’étend de la Bourgogne
et de la Franche-Comté, au Nord, à la Savoie, au Tarn et à la Dordogne, au Sud, en
passant par l’Auvergne. En français, il est attesté à Lyon dep. ca 1750 (Du Pineau), à Besançon dep. 1753 (Brun) et est aujourd’hui surtout en usage
dans une vaste aire centrale et centre-orientale ; les deux sens sont souvent mal
distingués dans les relevés régionaux. Dérivé sur le simple gouille – attesté d’abord ca 1300 au sens de "mare", dans YsLyon, texte et manuscrit franc-comtois (DEAF G 950), dont le vocabulaire
est orienté vers le francoprovençal (cf. Jude MélPope) ; v. TLF et DSR 1997 –, le terme n’est pas pris en compte par les dictionnaires généraux contemporains,
à l’exception de TLF (gouillas, s.v. gouille, sans marque, mais avec un exemple de Colette 1902).
◇◇ bibliographie. DuPineauV [ca 1750] golliat (I) ; BrunFrComté 1753 (I et II) ; cf. SchneiderRézDoubs 1786 s.v. gouille ; ChambonHSaône 1989 [1812] "mare" ; MonnierJura 1824 gouillat (I) ; ConnyBourbR 1852 gouyâ, gouilliat (I et II) ; MonnierDoubs 1857 gouillat (I) ; JaubertCentre 1864 gouillat (I et II) ; GasconDole 1870 gouillat (I) ; BeauquierDoubs 1881 gouillat (I) ; CunissetDijon 1889 gouyâ (I) ; PuitspeluLyon 1894 (I et II) ; FertiaultVerdChal 1896 gouillat (I) ; Mâcon 1903-1926 (I) ; CollinetPontarlier 1925 (I) ; BrunetFranchesse 1937 (I) ;
ParizotJarez [1930-40] gouillas (I et II) ; MarMontceau ca 1950 gouillat (I) ; DornaLyotGaga 1953 gouillat (I) ; BrunetBourbonn 1964 (I) ; FaureYssingelais 1973 gouillat (I) ; BonnaudAuv 1976 gouillas (I) ; BridotSioule 1977 (I) dans la métalangue s.v. gouiller ; BichetRougemont 1979 gouillat (I) ; GononPoncins 1984 (I) « très courant, tous les âges » ; MeunierForez 1984 gouillat (I) ; DuraffHJura 1986 (II) « très usuel » ; DufroidVienne 1989 gouilliat (I) ; MartinPilat 1989 gouillas (II) ; DucMure 1990 gouya (I) ; TavBourg 1991 (I) ; ColinParlComt 1992 s.v. gouille (I) ; MazaMariac 1992 gouillas (I et II) ; DubuissBonBerryB 1993 (I) ; DuchSFrComt 1993 (I et II) ; FréchetMartVelay
1993 gouillas (I) « globalement usuel » ; PotteAuvThiers 1993 (I et II) ; VurpasLyonnais 1993 « peu attesté (seulement au-dessus de 60 ans) » (I et II) ; FréchetAnnonay 1995 gouillas « globalement connu » (I et II) ; FréchetDrôme 1997 gouillas (I et II) « inconnu à Anneyron, globalement attesté ailleurs » ; MichelRoanne 1998 gouillas (I) « attesté au-dessus de 60 ans » ; PlaineEpGaga 1998 gouillat « encore utilisé » (I) ; LesigneBassignyVôge 1999 gouillat (II) ; FEW 16, 100a-b, *gullja.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ardèche, Haute-Loire, Savoie, Haute-Savoie, 100 % ; Ain,
65 % ; Cher, 60 % ; Allier, 50 % ; Loire, 40 % ; Indre, Isère, Loir-et-Cher (sud),
Rhône, 0 %. (gouiller) Cher, 40 % ; Allier 30 %.
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