grâler v.
1. 〈Surtout Loire-Atlantique, Sarthe, Maine-et-Loire, Vendée, Deux-Sèvres, Vienne, Charente-Maritime,
Charente, Indre-et-Loire〉 fam., vieillissant.
1.1. Emploi tr. à valeur factitive [Le sujet désigne une source de chaleur ou, par méton., une personne]
"faire cuire, faire rôtir sur le gril". Stand. griller. – Grâler des châtaignes.
1. Tout en grâlant ses marrons durant la morte saison, il se spécialise dans les beignets, les gaufres,
les glaces ou les frites, selon le calendrier. (G. Boutet, Les Gagne-misère, 1987, t. 3, 230.)
— Au part. passé/adj. La soupe aux choux et les châtaignes gralées [sic] (G. Mercier, Le Pré à Bourdel, 1982, 79). Les délicieux marrons « grâlés » (P. Bourigault, Le Café de l’église, 1999, 21).
— En part. 〈Vendée, Indre (est), Cher (nord et ouest)〉 "griller (du pain)". Grâler du pain (I. Favreau, Les Mouettes en rient encore, 1987, 44).
1.2. Emploi intr.
— "cuire, rôtir".
2. Si Joseph envoie pas de poissons, […] je mettrai des patates à graller. (G. Anger, J. Huguet, La Chaume, un peuple en fête, 1983, 61.)
● En constr. factitive faire grâler "faire rôtir".
3. [Célestin] remplissait le « diable »* et veillait à la cuisson, remuant assez souvent pour les empêcher de brûler, mais
pas trop pour qu’elles sentent cependant le « grâlé ». C’est un art plus difficile qu’on ne pense de savoir faire « grâler » les châtaignes. (L. Perceau, Les Contes de la pigouille, 1967, [22].)
4. […] elles faisaient griller des châtaignes, grâler des patates, sauter des crêpes ou cuire des gaufres. (Chr. Hongrois, Faire sa jeunesse en Vendée, 1988, 72.)
5. Parfois Pépé faisait « grâler » des châtaignes sur le feu dans la poêle percée. C’était amusant quand elles sautaient
hors de la poêle en éclatant et c’était bon quand on les avait épluchées en se brûlant
les paumes : les belles châtaignes dorées, un peu brûlées par endroits ! (L. Gaborit,
Quand on était petits à la Tranchelardière, 1998, 122.)
— Par ext. "être exposé à une chaleur trop vive". Stand. brûler, griller.
6. À la belle saison, le marais retrouve ses couleurs. Il se dévoile sans limite et le
maraîchin hume avec plaisir l’odeur du foin, de la luzerne fraîchement coupée […].
À tout cela, se mêle la senteur des fèves qui grâlent au soleil d’été et celle, plus piquante encore, des génisses et des vaches qui ruminent
et bavent en silence. (J. Rouillé, Les Mystères du Marais vendéen, 1971, 93.)
● Au part. passé/adj.
7. […] mes prés gralés […] la terre si frappée de sécheresse qu’elle craquelait. (J. Syreigeol, Miracle en Vendée, 1991, 15.)
2. 〈Aussi Bretagne〉 Emploi pron. "se prélasser (au soleil) ; se faire bronzer". Surtout dans le syntagme se grâler au soleil. C’est bon de se grâler au soleil (BlanWalHBret 1999).
8. Mais une pause, c’est bon aussi, tante Katell. Flemmarder, c’est vivre aussi ; et
se grâler au soleil est plus à ma convenance que de bosser et attraper des maux de reins. (Y. Drezen,
Notre-Dame Bigoudenn, 1943, 61.)
■ graphie et prononciation. La graphie grâler indique la prononciation la plus fréquente [gʁɑle] ; la graphie dans l’ex. 2 indique la prononciation [gʁale], usuelle sur la côte vendéenne.
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1534 en français (« graisler des chastaignes », Rabelais, Gargantua), ce type lexical est surtout caractéristique de l’Ouest (et particulièrement, sous
cette forme, du sud de la Loire : ALO 725*), d’où il est passé au Québec (PotierHalford,
26 et 69 ; Dionne 1909 ; GPFC 1930 ; ALEC 205, 208, 219, etc. ; aujourd’hui vieilli,
d’après A. Thibault), en Acadie (PoirierAcadG ; MassignonAcad 1962, § 1340 ; CormierAcad
1999 ; NaudMadeleine 1999), à Saint-Pierre-et-Miquelon (DéribleSPM 1986 ; BrassChauvSPM
1990 grâlé adj.) et en Louisiane (DitchyLouisiane 1932 ; DaigleCajun 1984).
◇◇ bibliographie. LaRochelle 1780 ; JaubertCentre 1864 ; EudelBlois 1905 je me grâle au soleil ;ClouzotNiort 1907-1923 ;VerrOnillAnjou 1908 ; MussetAunSaint 1932 ; Doillon, décembre
1983, 22 se grâler "se prélasser au soleil" (à Nantes) ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; BrasseurNantes 1993 ; DubuissBonBerryB 1993
(1) ; PénardCharentes 1993 ; SimonSimTour 1995 ; BlanWalHBret 1999 (3) « très fréquent partout » ; FEW 2, 1287b, craticulare et 1293a, cratis.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1 et 2) Charente-Maritime, Deux-Sèvres, Eure-et-Loir, Maine-et-Loire, Vendée, Vienne, 100 % ;
Charente, 75 % ; Loire-Atlantique, 60 % ; Indre-et-Loire, 50 % ; Sarthe, 30 % ; Loiret,
20 % ; Ille-et-Vilaine, 0 % ; Essonne, Loir-et-Cher, Seine-et-Marne, Val-d’Oise (1
témoin sur 5).
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