kenavo ou kénavo [kenavo] interj.
〈Basse Bretagne〉 fam. "au revoir ; adieu".
1. Salutation par laquelle on prend congé. Synon. région. à la revoyotte*.
1. La création passe par les tempêtes. Il nous faudra semer dans l’orage et l’ouragan.
Poésie nouvelle et comme matutinale. Plus de vers, Jakez l’Ancien… Kenavo. Je vous vois partir sous les rafales, ferme, sceptique, antique. En guise d’adieu,
voulez-vous cet art poétique spontané ? (X. Grall, Le Cheval couché, 1977, 69.)
2. Et maintenant achu toute [= c’est fini] ! Je voudrais dire pourtant merci à tous ceux
qui m’ont donné leurs images à prêter quand je les avais pas, à ceux qui ont fait
des collections. Et si vous avez eu du goût* avec, vous pouvez commencer de retour par la page 1 puisque le livre est à vous.
D’ailleurs, ça a été assez gentil à vous de l’acheter ! Kenavo ! (PichavantDouarnenez 1978, 206.)
□ En emploi autonymique.
3. Il y a au moins deux choses impossibles au monde, être breton et ne pas être juif.
Quoiqu’il fasse, le Juif est réputé autre : il a beau appartenir à une famille française
depuis des siècles, servir passionnément la France, l’honorer par des chefs-d’œuvre,
il trouvera toujours un imbécile pour lui crier : Retourne dans ton pays ! Au contraire,
le Breton le plus bretonnant ne peut incarner qu’un français typique et le fait qu’il
dise kenavo pour au revoir ajoute encore à sa francité. (M. Lebesque, Comment peut-on être breton ?, 1970, 16.)
4. […] lancer d’une voix malgré tout émue, tremblante, quelque kénavo, un adieu à propos de départs, d’amours brisées, de vies accablées de regret. (A. Pollier,
Femmes de Groix ou la laisse de mer, 1983, 113.)
5. Les dernières recommandations des mères et les plaisanteries des hommes s’entremêlaient
de kenavo, au revoir, au revoir. (C. Vlérick, Le Brodeur de Pont-l’Abbé, 2000 [1999], 116.)
2. Formule de rupture.
6. Parlé avec un retraité de la « marchande » […].
– Elle ne vous manque pas, la mer, retiré comme vous êtes ? – Vous rigolez ! M’en a trop fait voir, la garce. Jamais, vous m’entendez, jamais, je n’y mets les pieds. Une fois ou deux par an, le « club » y va, Port-Navalo, Quiberon, La Trinité. Bon, moi j’y vais pas. J’ai même dit au président qu’il faudrait peut-être qu’il change son fusil d’épaule, ou alors, kénavo ! (J.-Cl. Bourlès, Une Bretagne intérieure, 1998, 58.) ◆◆ commentaire. Forme la plus courante de la salutation bretonne entre gens qui se quittent, passée
en français. Pour l’usage dans la langue de départ, cf. « Les deux mots qui s’emploient le plus pour aborder quelqu’un ou s’en départir sont
salud (salut) et kenavo, ce dernier étant valable pour au revoir et adieu et signifiant exactement jusqu’à ce que soit… Que soit, sous-entendu, bientôt, demain, la prochaine fois ou le paradis. Mais si
vous dites kenavo à quelqu’un, c’est que vous avez envie de le revoir. Autrement, il faut garder les
mâchoires serrées quand il s’en va » (P.-J. Hélias, Le Cheval d’orgueil, 1975, 433). Son caractère d’emprunt au breton est évident pour tous les locuteurs,
qu’ils connaissent ou non le breton. Son emploi a souvent valeur d’affirmation identitaire
ou de désir d’intégration régionale (cf. « Ils sauront dire kenavo » dans la chanson « Les Bretons Typiques », de G. Servat). Antérieurement à la période contemporaine il a pu être maintenu dans
des traductions du breton comme un élément caractérisant de la couleur locale : « Je récitai l’oremus final ; puis, après avoir fait trois fois le tour de la tombe, chacun murmura : – Kenavo (au revoir), Lommic ! » (1897, A. Le Braz, Magies de la Bretagne, éd. Lacassin, vol. 1, 1994, 661) ; « Bientôt son Kénavo même, son adieu de plus en plus affaibli, cessa de retentir à mes oreilles […] » (1900, ibid., vol. 2, 1997, 18) ; « Comment, me dit-il, tu es parti comme ça sans seulement dire kenavo [en note : au revoir] à personne et sans réclamer ce qui t’était dû ? » (J.-M. Déguignet [1834-1905], Mémoires d’un paysan bas-breton, éd. B. Rouz, 1998, 117).
◇◇ bibliographie. BlanWalHBret 1999 kénavo « usuel partout ».
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Finistère, Morbihan, 100 % ; Côtes-d’Armor, 65 %.
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